venu de si loin,
à travers le désert et la mer,
passant d'une terre inconnue
à une autre,
génération après génération,
jusqu'à cet improbable lieu,
ces murs de pierres sèches,
ces toits aux tons ocres
au lieu des terrasses de torchis
d'autrefois,
une terre devenue son pays,
cet être étrange*, lézard aplati
aux vagues allures de gecko
d'autres tropiques, mais terne
et pataud,
le voilà seul à régner maintenant
sur ces lieux nouveaux,
après en avoir d'abord chassé
ses anciens maîtres,
le lézard gris ou lézard des murailles,
sans violence, sans bruit
il ne sort que la nuit,
traquant les insectes volants
aux frontières entre l'ombre
et la lumière,
s'enfuit au moindre bruit,
au moindre mouvement,
à la moindre alerte,
se laisse choir du haut du mur
pour mieux disparaître de la vue,
dans l'instant,
comme s'il n'avait jamais été là,
tel un nouveau-venu craintif,
étranger furtif, insaisissable
dans son nouveau pays
d'adoption,
ombre parmi les ombres,
seul, muet dans sa nuit
et dans son âme de paria
. . . .
*la Tarente de Maurétanie