Les versants du Vallespir et de l'Alt Ripollès
sur fond de roche brune ou claire
et parfois de champs de fougères roussies
couchées, violées, piétinées
par les couches de neige successives
de l'hiver
paysage vertical
où se dévoile le corps des arbres
qui ont perdu leur feuillage à l'automne,
dans une impudeur tranquille,
sous la résille de leurs branches nues
tronc rugueux, crevassés des chênes
de couleur cendrée,
tronc lisses et blancs des bouleaux graciles,
troncs bronze, marbrés de blanc, des hêtres,
troncs craquelés des mélèzes
aux bras parfois chargés de lichens,
troncs écailleux du frêne,
troncs rougeoyants des merisiers
déjà en fleurs,
dans un floconnement blanchâtre
et de tant d'autres, tilleuls, noyers, sorbiers, . . .
produisant des colorations étranges
sous la lumière rasante du matin,
par endroit comme une grisaille,
ailleurs lie de vin ou même pourpre,
couleur de sang séché
de loin, ce peuple des forêts, ces milliers de soldats
d'une armée morte ou encore en sommeil,
à l'armure en hiver si légère, fait surgir en nous
en ces zones frontalières,
le souvenir de la grande forêt de Birnam
marchant en ordre implacable vers le château de Macbeth
pour punir le parjure, l'usurpateur* meurtrier de son roi,
mais dans les premiers frémissements
d'un printemps naissant, nous croyons entendre aussi
les paroles d'espoir
des héros tragiques et poignants de Shakespeare :
« – Où en est la nuit?
– Elle commence à lutter avec le matin. »**
* peut-être l'ombre de Franco règne-t'elle encore sur ces régions où tant de Républicains espagnols
exilés dans notre pays ont sans doute, pendant quarante ans, rêvé de s'avancer, telle la grande forêt de Birnam, pour reconquérir leurs pays qui avait sombré dans la dictature.