(En souvenir de Pedro H. et de Bijou)
c'était l'Iseut aux blanches mains de ce Tristan,
la Béatrice de ce Dante Alighieri de la brocante,
amoureux de l'ancien, poète des objets délaissés
on ne le voyait jamais sans elle, ni elle sans lui,
ils allaient par deux comme les tourterelles,
lui, léger et souriant, traversant l'espace
comme dans un pas de danse, elle, plus grave,
belle, le teint pâle , les cheveux noirs comme sa robe
et ses yeux, Moïra auprès de son fragile amant,
silencieuse mais prête à le défendre, hiératique
et farouche, contre toutes les menaces du destin .
pourtant,
c'est elle qui mourra, "à la moitié du chemin de sa vie"*
et depuis, il erre, esseulé, comme Dante aux Enfers,
" dans la forêt obscure", un éternel sourire aux lèvres
comme autrefois, mais sans joie, canotier sur la tête,
cherchant, sur les marchés, la trace de la femme adorée
auprès de ceux qui l'ont connue; et à son seul nom
ou à la moindre allusion à leur passé, ce paradis perdu,
il a le regard qui s'illumine pour s'éteindre aussitôt
en un éclair sombre, retournant alors à sa rêverie,
retrouvant cet air absent, indifférent à tout de celui
qui a déjà rejoint le monde des ombres et est voué
dans ce lieu hors du temps et privé de lumière,
à "Aimer et ne plus voir"*, comme Dante après la mort
de son aimée,
et se voit soumis à la loi des êtres sans destin
* Dante Alighieri : La Divine Comédie
" Lasciate ogne speranza, voi ch'intrate "
/ "Toi qui entres ici laisse toute espérance" .
Dans le cas de Pedro H., ce serait plutôt :
Toi qui restes ici ( après la mort de l'être aimé ),
laisse toute espérance "