j'avais oublié que les chiens aboyaient
à force d'en rencontrer dans les rues, muets
tenus en laisse, sous la table de leur maître
au restaurant, oubliés sur le siège arrière
dans les parkings, ou même sur l'autoroute,
hiératiques et sanglés à l'égal des hommes;
à force d'en voir errer dans nos villages,
en déshérence, SDF ou bien embarqués
dans un road movie inutile, banal, incertain,
ou citoyens de plein droit à qui on a ouvert
la porte, qui s'en vont, farauds, lever la patte
contre le mur de nos maisons ou déposer
un macaron frais et fumant sous les pieds
du facteur ou sous les pneus des 4 roues
mais ce matin, des aboiements inespérés,
entre le roucoulement d'une tourterelle
et les cris aigus d'une bande d'étourneaux
m'ont fait entrevoir un paradis perdu
enfin retrouvé, où les chiens ouah! ouah!
côtoieraient les canards coin! coin!,
les poules cot!cot!, les corbeaux croa! croa!,
où on entendrait même retentir, à nouveau,
les Salut! Bonjour! Bonsoir! des gens ,
et, dans les champs de mon Béarn natal,
les Hilh de pute! et les Miles Diou Biban!
qui accompagnaient le pas nonchalant
des attelages au temps des labours
quand l'air sentait la terre et le fumier,
et que, la nuit, les chiens se répondaient
sans désemparer d'une ferme à l'autre,
et que les hirondelles à peine de retour
s'invitaient, le soir, à de grands festins
d'insectes
et de gouttes de rosée
en plein ciel