dunes de toutes les mers disparues
que ne borde plus aucune mer,
déserts de toutes les routes, de l'or,
de la soie, de l'encens, des esclaves,
dont il ne reste plus que des traces
presque effacées,
à la merci de tous les vents,
lieux de tous les mirages,
des lacs palpitants sous le soleil de midi,
toujours là, toujours fuyants,
d'étranges citadelles recouvrant la plaine
de leur ombre, et l'instant d'après
hors d'atteinte, évanouies
dans un horizon de cendres et de feu
quelque panneau fabuleux et dérisoire :
Tombouctou, 110 jours de chameau,
ou cette chape de plomb qui, souvent
couvre tout le Sahara, du nord au sud,
et empêche même d'apercevoir, du ciel,
aussi bien les dunes roses de Merzouga
que les massifs terre de Sienne du Tibesti
très loin de là, un cours d'eau insensé,
le Rio Calama,
né dans les neiges de la Cordillère des Andes
et s'étirant comme un serpent engourdi
dans les arides solitudes d'Atacama,
inutile et glacé
au fond de son sillon profond,
indifférent aux momies desséchées,
d'une grâce émouvante et fragile
avec leurs longs cils
et leurs cheveux noués,
qui dorment dans les sables chauds
du désert, témoins muets
de la grandeur passée de leur peuple,
leurs yeux caves tournés vers un ciel
lui aussi désert qu'ont, à jamais,
abandonné leurs Dieux bafoués
et déchus mais dont on entend
les lamentations et les sanglots
du côté du Tatio* , loin, très loin
dans les hauteurs glacées de la Cordillère
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*El Tatio (du kunza "Tata-iu", qui signifie "el abuelo que llora"
= le grand père/le vieux qui pleure)
Les geysers d'El Tatio du Chili, qui font entendre ici leurs lamentations et leurs sanglots,
se trouvent sur l’altiplano à 4 280 m d’altitude dans la région d'Antofagasta,
au pied des volcans Tatio et Linzor (5 680 m).