" il vous faudra suivre des yeux
les lignes et les traces sur le sol,
les traînées sur les murs,
lire dans les nuages , intensément "
ainsi parlait, il y a cinq siècles,
Maître Léonard aux jeunes peintres,
de là naîtrait l'œuvre d'art,
et non du pur spectacle du monde
les hommes ont de tout temps
déchiffré le ciel
et, des amas d'étoiles indistincts
ont surgi des formes singulières,
les constellations,
tout un bestiaire, du Bœuf
à la Grande Ourse, au Scorpion,
et à l'Aigle,
une mythologie, de Mars à Vénus,
d'Orion à Cassiopée
les Mésopotamiens caressaient du regard
les courbes du paysage
et, de lignes de crête en versants,
d'épaulements en vallées,
ils conduisaient leurs canaux d'irrigation
d'un œil sûr, à travers les terres,
faisant fleurir le désert
les philosophes grecs cherchaient,
un bâton à la main, dans le sable,
les formes parfaites
qu'ils avaient entrevues
dans leurs rêveries sur la nature
ou dans leurs songes :
carrés, triangles, trapèzes,
et le plus sublime de tous, le cercle,
qui n'a ni point d'origine ni de fin,
partout égal à lui-même,
et qui, dans sa forme pure
n'existe pas sur terre,
seulement dans l'esprit les plus hardis,
et parmi les astres,
dans le dieu-soleil, source de vie,
maître absolu des cieux
ou, dans sa version nocturne
et transitoire, hésitante et furtive,
la lune, femme et passagère,
à la fois attirante et décevante,
mais inégalable dans sa plénitude
.... et nous, encore aujourd'hui ,
en quête d'émotion et de sens,
dans une ombre furtive, une silhouette
entr'aperçue,
dans l'empreinte des vagues sur le sable,
dans un reflet sur l'eau des étangs,
dans un bruit de voix étouffé,
un geste de la main, ou comme Léonard,
dans le capricieux dessin des nuages,
que cherchons-nous?,
sinon un signe, une inspiration,
un éclair de vérité, un peu de beauté,
un élan, un frisson,
un simple instant de poésie