PÂLEs comme ces visages tout autour,
Apeurés, inquiets;
Certains parlent. Beaucoup se taisent.
Quel sera notre sort ?
L'espoir s'en mêle: alors tout est fini.
J'ai douze ans et le ronronnement du train me berce
contre le ventre de ma mère.
J'entends encore battre son cœur.
Comme est doux ce son régulier,
Opposé à celui des roues sur les rails.
Fatigué je m'endors.
BLANChe comme la lumière brutale et cruelle
Quand les portes du wagon s'ouvrent,
Dans un grincement aigu de métal humide.
Mes oreilles saignent, mes yeux clignent.
Les trompettes de Jéricho ont-elles ce son ?
Le ciel a-t-il cette lumière ?
Prima lux ! Dernière peut-être.
Je sens la main de mon père. "Viens David !".
Maman est derrière, inerte.
Je m'entendais plus son cœur.
NOIRs comme ces habits, ces bottes, ces ordres.
Grands, blonds et beaux.
Le geste rare, précis.
On obéit.
Je regarde mon père, sombre, recroquevillé,
Le dos rond, le regard au sol.
Soumis ? Non. C'est un héros. Résigné ? Un peu.
Révélation : il est faible.
On nous trie, au mépris des êtres.
Des bêtes. Je suis mon père.
Ni lui ni moi n'irons travailler. Nous ne serons pas libres.
La fin d'un monde...
Ils vont nous dépouiller.
ROUGEs comme les yeux pleins de larmes des femmes,
Comme notre sang qui coule encore.
Elles pleurent sur nous, fils, époux et pères.
"Dieu compte les larmes des femmes" *
La vie toujours, alors l'espoir aussi.
L'espoir, le temps d'une douche.
Puis le noir.