au cœur de l'inhumaine saison froide et claire,
alors que, déjà, le frêne lâche les flocons noirs
de sa brève, secrète, inaperçue floraison hivernale,
notre imprudent amandier se couvre de bourgeons
dont on se demande si, comme ces dernières années,
il ne sortira qu'un simple feuillage, vert et luisant,
ou si nous n'assisterons pas enfin à ce feu d'artifice
neige et sang qui, dans le midi, nous fait croire, un instant,
à l'arrivée du printemps avant, le plus souvent, d'être
à nouveau plongés dans ce froid implacable qu' Orion,
le gardien des lois immuables de l'univers, au plus haut
dans le ciel, hiératique et pensif dans ses solitudes glacées,
fait régner, en cette saison, depuis l'origine des temps
mais, loin de l'empyrée, près des hommes, sur les talus
et le long des chemins, partout, partageant leurs joies
et leurs misères, les aléas et les vicissitudes de leur vie,
leurs illusions et leurs défaites, il est bien là, "l'attentif",
"le vigilant"*, prêt à apporter son fragile, fugace
et toujours menacé hommage à la beauté du monde,
à travers son déluge de fleurs, malgré le froid de l’hiver,
l'amandier-menteur **
* Le nom hébreu de l'amandier est shaked, qui signifie “l'attentif”, “le vigilant”.
** C'est ainsi que le qualifiaient les vieux du village, parce qu'il fait croire,
souvent à tort, à l'imminence du printemps … et est la 1ère victime du gel