amante blessée et qui le fuit,
bientôt hors d'atteinte de son regard,
de sa voix, si étrangère tout à coup,
si lointaine, perdue, éperdue,
sa barque en allée au fond d'une anse,
à l'autre bout de l'étang
lui, de ce côté-ci de l'eau,
pauvre héron exilé, proscrit,
dressé lamentablement sur un pied,
rêveur sempiternel immobile
et ressassant sans fin
sa perte et son malheur
dans un jour, dans un mois,
quand la brise de mer se lèvera enfin
et poussera la voile vers lui
jusqu'au centre exact de l'étang,
et lui toujours à l'attendre, tremblant
il s'élancera alors et viendra se poser
sur la dunette, humble, repenti,
attendant un signe d'elle, un regard,
un clignement de cils, un geste
pour s'abattre aussitôt sur le pont,
lui, l'ancien maître incontesté des airs,
terrassé, au pied de son vainqueur
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au bout de cette nuit au goût amer,
l'homme-héron sort de son rêve
étrange, plus mort que vif, anéanti,
naufragé retrouvant la terre ferme,
et son ancien goût de vivre et d'aimer,
tel l'ours brun sortant de sa tanière
au printemps, affaibli, encore hésitant
peut-être,
mais ébloui de soleil,
ivre d'air et de lumière,
prêt à entrer dans la nouvelle saison