nuits, noir d'aile de corbeau,
golfes profonds au mouillage sûr,
une escale, avant une autre traversée
de journées fades ou trépidantes,
à l'image d'une mer, imprévisible
le sommeil vient comme un voleur,
au détour du chemin, léger et furtif
dans la nuit,
corps se frottant à un autre corps,
coque battant contre un ponton,
ou les pieds emmêlés aux siens,
ancre jetée dans la mer des Sargasses,
au royaume des ombres
dans un temps mort, temps préservé,
peuplé de rêves et de cauchemars,
effaçant les murs et les frontières,
ouvrant de nouveaux territoires
et d'étranges espaces de liberté
une vie, aussi réelle que l'autre,
aventureuse et pleine,
avec de soudains flashs,
sursauts d'une conscience claire,
plages dorées ou de sable noir,
parenthèses insomniaques,
souvent objets de crainte,
cours grises des prisons, le matin,
où l'on dresse l'échafaud,
mais parfois bienvenues,
comme pour Montaigne
qui demandait qu'on le réveille
dans son sommeil, pour mieux jouir
d'un temps suspendu, effacé, inutile,
et peut-être rompre
avec ce retrait, cette absence à soi
qui ressemble à une mort,
dans un temps aboli
au matin,
après la transparence de la nuit,
et sa vérité nue,
à nouveau le temps du doute,
l'ère du soupçon,
l'homme quotidien retrouvé,
qui avance masqué,
les deux yeux grands ouverts,
un oeil tendre ou effaré,
scrutant le monde, l'autre, inquiet,
hésitant, tourné vers soi,
encore troublé par la rencontre
de l'inconnu de la nuit