aède

Atteindre le moment
de l'unité
avec le cosmos
avec le cycle des saisons
avec la plénitude de soi
avec la sérénité
Les prairies succèdent aux prairies
les zones aux zones
les nuages aux nuages
baignant dans le formol
de la monotonie

Atteindre le sommet
des cimes
avec le lierre du temps
avec le sourire des anges
avec la joie retrouvée
Les chambres succèdent aux chambres
les lits refaits aux lits défaits
les jours bleus aux jours gris
effaçant au passage
la collerette du stress

Atteindre l'ultime
même sans ticket de retour
avec les remords oublilés
avec les trahisons d'amour
avec les arcs-en-ciel
tendus comme des cordes
Les femmes se succèdent
dans le puits du coeur
les colibris aux hirondelles
et le saxophoniste au violoniste

Que pouvons-nous espérer ensuite
sinon contempler la Lumière ?

Le port emblavé de nuit froide
de cotres somnolents
de voiliers démâtés
recueille encore les propos
noctambules
Des touristes fantômes
grimpent les marches émoussées
du belvédère
et la grande fontaine
illumine son vitrail d'eau
Fragile morsure du rêve :
l'aube sera somptueuse
sur la plage galeuse

Le printemps s'engouffre
par la fenêtre ouverte
se répand dans nos veines
se répand dans nos coeurs
Des armées d'arbres fleuris
défilent dans les rues bruyantes
chevauchent les places principales
dégringolent les escaliers de pierre
Le corps glisse sa carapace
les marmottes s'envolent vers les rivières
et les ours survivants
dénichent les ruches bourdonnantes

J'ai connu des printemps fragiles
qui ne tenaient qu'à un fil
celui qui me reliait à vous
J'ai connu des printemps gris
dans le brouillard de ma tête
des printemps amers
qui ne passaient pas l'hiver

J'ai connu des printemps bruissant
de chuchotements
de caresses fugitives
mais combien de mes amis
ne connaîtront plus le printemps
ne connaissent déjà plus le printemps
étendus dans la glaise
ou dispersés aux points cardinaux
génies assassinés par le temps
rois de mars et compagnons du silence
qui pour leur fin de saison
ne demandèrent ni fleurs ni couronnes

L'amour ambigu
dissimulé sous un masque fragile
et la roue agendaire
qui tourne en filandreries
qui bouscule les heures
tintinnabulantes
au gré des vents de suroît
ou des histoires d'enfants
de passage
L'amour ambigu
pour forcer le destin
et lever la voile des aubes
féroces
Derrière ton sourire
se cache une salamandre

Le port toujours immobile
avec son armada de plaisance
poursuit l'accueil
des mouettes et autres goëlands
en transit pour le colloque
des oiseaux
La mer toujours facile
tapine vers de nouveaux gréements
sans cesser de s'ouvrir
aux catamarans
aux nageurs solitaires
qui rêvent d'y noyer
leur désespoir
Le soleil aussi est au rendez-vous
toujours prodigue
pour les ondines et les naïades
Il suffit d'une femme
toute en refus
pour déchirer le paysage