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QUETZAL

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Publications sur Toute La Poésie

un été

hier, 08:41

Un été

 

Vibrations dans le silence

ambre chaud

tu es

azur sur la peau

iris de soleil

tu es

chant des vagues

ruisseau qui chantelle

au bord des lèvres

tu es

rumeur

paupière mi-close

fuyant l’éclair

tu es

rose

épanouie de lumière

tu es

clair-obscur

entre les bras du chêne vert

qu’anime d’or

l’ astre en sa naissance .

 

En rêve tu me souris

et moi je plonge

dans le flot du regard

tout bleu de songes

étang clair de jouvence

 

Eté viens au cœur en jachère

aux sables mouvants

de solitude

où j’erre.

 

J’écris

 

Amour

sable or en mouvement

liquide transparence

tempête et tourments

écume des sentiments

l’été se perd

je t’attends

au bord du récif

de mes instincts primaires

sous les étoiles au firmament

 

toi

allongée sur la dune

moi mendiant le pain

de cette infortune

dans la sébile des serments

 

combien

de cœurs laissés sur l’estran

quand lasse s’efface

l’heure d’enchantement

l’amour s’est perdu

dans l’écume

 

l’été trépasse

voletant

moi papillon en la nasse

mort dès le couchant.

 

 

 

Vague

                   j’erre

                                              inconstant

                                                                         été

                                                                                                     je t’aimais

                                                                                                                                        tant.

 

Juillet 2024 jff

 

Grenade 1

21 juillet 2024 - 01:31

Grenade rouge fruit

éclats de soleil sur l’ocre repoussée

le cri des pierres

le Chant

les oliviers, arpèges d'argent
ombre des collines violettes

fruits sombres 
l'odeur du sang. 
taureau ou poète 

museau frémissant

dans la violence d'improbables fêtes

au coin d'une forge

le gitan
de noir
pleure le temps 
à la lune le soir
regrets mort désespoir
sous la colline de Lorca

cante jondo seguirias
amour aux sentiers cachés

rêves de cristal 

soupirs de gloriettes
et soif de soleils sang vermeil,
sous la cape de cavaliers noirs dressés contre le ciel. 

ville rouge écoute ces murmures 
aux cours de l'Albaicin
sous les orangers en fleurs

parfum suave

fleurs du poète 
dans les rumeurs

de fontaines

là où jamais il ne pleut
mémoire des ruelles

et du chien noir qui boite dans l'ombre bleue

regards, 
les braises d'un feu qui s'éteint

lentement ce soir 

robes tournoyantes

gitanes aus fumées bleues

zapateo
dans l'ombre rougeoyante

brise d’ arpèges 
aux accords dissonants

l'esprit du Romancero 
vient avec ses sortilèges
du peuple Andaluz

rêve rémanent 

 

corr juill 24 jff

 

 

 

 

la nuit flirtait avec un essaim d'étoiles

11 juillet 2024 - 09:31

La conquête du Nouveau Monde.

 

dans l'abandon du hamac, dort le vieil enfant

 

 

 

Hier Ana Maria figeait son sourire sur la pellicule.

J'ajoutai son nom sur un petit carnet où je consignais ,

jour après jour , vestiges du voyage,une liste de noms bien alignés ,une litanie

des faits ,des lieux,des dates, kyrielle de photos de visages oubliés ,

d'états d'âme ,d’indicibles émotions devant la beauté du décor , l’enthousiasme des rencontres, le mystère des regards.

 

La nuit flirtait avec un essaim d'étoiles

Ana Maria plongeait son regard dans le mien, j'y voyais presque son âme,tant

limpide était son secret.

Elle me dit que mon azur glaçait son âme ,

était-ce pour mieux noyer sa flamme qu'elle plongeait dans mes yeux ?

 

Nous dormions à l'hôtel Europa; nuits trop bruyantes;

cauchemar au musée des tortures, église de San Francisco.

Il fallait repartir. On entendait une flûte lointaine.

 

 

Lima ,

 

Falaises noires,des parfums surgissaient

du ventre de mouvantes carènes ;

roulis d'algues et fleurs de kérosène,

odeurs de Nouveau monde,

goudron,saumure,filets,friture,

chairs et fruits ,dense pourriture

dans le ventre ouvert de la nuit .

La cale est le,berceau des rêves

où s'entassent ballots,infortune,

et enfants du hasard.

Ces aventuriers cherchant fortune

aux quatre coins du monde

rencontrés un soir au grand Bazar,

Galeries des Andes.

J'y goûtais avec eux des chairs et fruits immondes

la lie des ports,la boue des halles.
Le roulis des corps faisait trembler la cale

sous la lune lovée en mappemonde ;

la mer lassée s'abandonnait aux lueurs blêmes

du port clignotant de bleu.

les filles offertes nous faisaient sombrer

entre deux bières et le rhum frelaté.

 

Récits de marins ou aventures rêvées.

Il flottait dans l'air du port, une alacrité,

la tiédeur des nostalgies,les effluves du péché

et des bouffées de musique aux kiosques béants ;

le tango des corps,la cumbia des hanches,

sueurs et torrides liqueurs dans le bar enfumé,

le couteau dans la manche ,

parfois,qu'un tordu sortait.

au bord de la piste de danse.

Le petit matin dissipait les transes

et un soleil mouillé embrassait les dunes .

 

 

 

 

 

Je quittais Lima et sa garùa  .

 

La brume mangeait les collines grises et l'écume s’épuisait finissant en friselis sur les brisants de la Rose nautique.

Les relents du ceviche de la veille et une paire de bières Cristal pour tout bagage ,en route pour la merveille des Andes.

Le train du petit matin grimpait vers Huancayo ;

4818 mètres, gare de Ticlio,l'air se fait rare;les vendeurs ambulants crient

tamales et refrescos !

les Indiens chargés de lourds ballots dorment sur le quai .

 

Prise de Soroche,suffoquant, elle est venue en tanguant vers moi

son cœur battait trop fort,je lui ai donné un peu de Coramine glucose.

Les montagnes nous cernaient,le wagon vide devint notre alcôve.

Ana se collait contre moi, chassé-croisé de nos corps en cadence,au rythme des essieux,nos yeux ne voyaient plus le fabuleux décor.

 

Nancy, son amie ,nous attendait à Puno qu'elle avait rejoint par une route meurtrière où chaque bus tombé faisait naître une croix .

La nuit est très froide, vitres brisées  sous le toit en tôle.

Dans mes rêves jouait une flûte.

l'Altiplano nous faisait planer.

Les filles,en rêve, entendaient de mystérieuses quenas jouées par des ponchos zébrés de brun,puis au cœur de la nuit ,le chant du chamane qui flottait entre des volutes serpentines .

 

Au point du jour,le lac se figeait dans l'azur froid ; notre totora glissait vers l'île des Uros

entre les roseaux crissants .

Au fond du lac gisaient des trésors précolombiens.

 

N. voulait rejoindre Tiahuanaco, puis pénétrant dans la jungle de Bolivie y rejoindre le Che .

Un fond de romantisme rosissaient ses velléités révolutionnaires ; la mode des salons était au rouge et chaque bonne âme voulait sauver le monde.Illusions perdues.

 

Mais la saison des pluies avait rendu les routes impraticables et nous sommes repartis vers le sud pour visiter quelques ruines.

 

Les mythes peuplent la canopée.Il lui revient des bribes d'un conte Shipibo,des récits de conquête,ses rêves d'ElDorado.

 

Elle rêve

 

Chaque jour l'enfonçait dans la putrescence du temps .

Le casque d'or est tombé ,la Selva frissonne, caresse d'anaconda .

Un jour liquide s'emplit de chants indiens et douce haleine des flûtes amazoniennes se mêle au cœur bruissant des chutes .

Dans une clairière,un ruisselet lisse ses arpèges, sous l’œil du vieux puma .

Tout est bruissement,herbes froissées,gongs légers dans le vert .

Les années ont passé, il tombe une pluie de larmes qui éteint la flamme des flambeaux.

Les entrailles des chevaux fourmillent,des os blanchissent sous la ramure ,

et sur l'eau de moire s'éteint l'astre déchu.

La nuit tombe comme un arbre mort.

 

Son rêve s’éteint avec le bruit des gallinazos qui sautent sur le toit de tôle.

Un serpent, oscille devant le corps ambré de nuit.

 

 

Ana lit :

 

 

Entrelacs , lianes et inflorescences,

le jour se noie dans la splendeur du vert .

Dans son linceul de fougères,

le conquérant dort, au cœur de la forêt dense.

 

Il gît nimbé des rêves d'or qu'il portait,

avec le glaive et la croix , en bannière.

Dans l'enfer liquide noyant ses chimères

de mercure et d'or vert ,le jour paraît .

 

Ima Sumaq ,sans trembler,

porta l'éclair du jade au défaut de l'armure,

le centaure surpris ,tomba sans un murmure

au bord d’un ruisslet.

 

Une rumeur courbait les épines de l'antique flore ,

odeur fade de la sève des flamboyants,

le sang ruisselait sur son flanc,

la nature complice criait :encore !

 

 

quand l'Indienne l'a couché sous les palmes

d’un caoba triomphant,

sous les feux du levant

on voyait voler des almes.

 

Après sa lecture Ana se couche et s’endort.

Le lendemain nous reprenons le voyage .

 

Parcours chaotique par le Capac Nan qui mène aux ruines du Machu Picchu. Le chemin royal où couraient les Chasquis ne porte plus les nouvelles de l'empire à l'Inca  .

Nous sommes la tête dans les nuages, au cœur de la citadelle,

les terrasses ondulent ,les pierres tremblent un peu.

Vient une averse tropicale ;

le sentier disparaissait sous les cascades, entre les lianes ,les fleurs exhalaient leurs senteurs , l'air était criblé de cris d'oiseaux, nos traces se perdaient dans la moiteur des ombrages.

Des flaques rouges barraient parfois la piste,qu'il fallait enjamber ; sang des grenades ou latérite.

 

Tu me parlais d'un monde plus juste, combattante, missionnaire,prodigue,exaltée ;tu voulais me conduire sur ce Sentier Lumineux .

Il flottait, déjà répandue dans l'ombre des cactus , l'odeur du sang .

 

Hier j'étais le Conquérant,l'aventurier, chercheur d'or, battée à la main,ethnologue à la découverte de tribus inconnues,illusion,chimères .

 

La veille j’avais rencontré;dans l’avion qui volait vers Ayacucho un ethnologue qui partait étudier une dernière tribu d’Amazonie;peut-être valait-il mieux les laisser tranquilles

car le passage vers notre culture était des plus périlleux;Ils savaient, adorateirs de la nature, dominer le courant sauvage du torrent,se protéger des fauves et des serpents venimeux,maitrisaient la pharmacopée la plus riche du monde, donner cent noms pour les états de la nature, mais ils abandonnaient leur artisanat traditionnel pour leu plastique, voire des vêtements fabriqués en Chine et l’usage de l’alcool ,ou de la drogue abrutissait les plus jeunes .

 

L' Amazonie était-ce, l'Eden ou l'enfer .

Rêve,récits d'aventure, rumeurs colportées , tout menait , des sources au delta de l'Histoire , au marigot des chimères et des illusions. .

La Cordillère m'offrait ses mines d'argent;

la Selva l'abandon du hamac où le vieil enfant vient bercer ses rêves.

 

Au royaume perdu du Sentier Lumineux, Ayacucho hérissée de Cereus et d'eucalyptus grêles s’est courbée sous le vent froid de l’Histoire.

 

Les figuiers de barbarie piquent les doigts barbares .

 

Ana reprenait sa lecture entre un jus de mangue et le cri des perroquets

que vient noyer une averse tropicale.

 

La forêt très sombre bruissait de mystères;

j'attendais près d'elle que le jour enfin se lève,

chassant les démons qui emplissaient ses rêves.

et les esprits sortis de la nuit ,les bruits de la terre.

 

Ce matin, un vent froid soufflait sur Atitlàn ,

l'aube rougeoyante rayait un ciel trop bleu,

soudain de l'or jaillit sous un aigle de feu 

les rides du lac tremblaient sous les volcans.

 

Les cerises rougissant sous les caféiers,

la peur régnait dans l’ombre verte

où les Indiennes d'une main experte

emplissaient de lourds paniers.

 

Entre les flancs sombres des volcans,

des sentiers profonds, épais de poudre jaune,

des bosquets où rôdait la maléfique faune,

couvrant de mines le tapis d'ocre sang .

 

Ana penchait la tête pour lire et une vague bleutée ondoyait sous les palmes .

Dans la corbeille tressée reposait une nature morte de Gauguin .

Ana aimait la nature et les arts .Nous visitions les musées dans chaque ville

et son regard se perdait souvent dans les ruines au crépuscule naissant ,une puissant émotion envahissait son être. Mémoire de poètes.

La nature assiégeait ses sens .

 

 

 

 

un an après

 

Dans le port de Buenos Aires

sous un tiède soleil d'automne,

Ana posait sa tête sur mes genoux

le soleil, ses rayons, sur un lit de feuilles rousses.

 

Il fallait encore repartir, vers quelque port,

aller jusqu'au bout de je ne sais quel rêve

accomplir je ne sais quel destin, sans trève,

cherchant l'oubli dans quelque beau décor.

 

 

J'aurais voulu prolonger cette escale

empreinte de l'amour austral,

mais l’esprit d’aventure m'attitait vers l'Isla Bonita.

 

L'avion devait rejoindre Iquitos dans la nuit.

 

l'Antonov tremblait de toute sa carcasse;il semblait qu'il ne pourrait jamais franchir la barrière des Andes.

Assis sur les cageots de légumes qui venaient de Lima je comptais par les hublots le nombre d'éclairs qui déchiraient le ciel;la carlingue se faisait ascenseur,la chute dans les abîmes n'en finissait plus .

Puis soudain sortant de la tourmente ,le monstre ailé se posait sur la piste éclairée de maigres falots.

Un bus coloré,bois et peinture écaillée,toutes vitres ouvertes,salsa tonitruante,nous mène en ferraillant vers le petit aéroport  d'Iquitos;

 

Sur le malecon une nuit au ciel brodé d'étoiles,ciel du sud plus richement constellé ;

les pieds crissent sur des myriades d'insectes,

l'air chargé de stridences,de vapeurs de kérosène ;

Les lumières des lampadaires soudain s'éteignent .

Après l'apagon,la lune pleine envahit le ciel chassant les astres mineurs, et les lampadaires auréolent à nouveau les quais blafards.

Soirée imbibée de ron coca et contrôle de la guardia civil, chantage de travellers cheques comme sauf-conduit. .

Dans le couloir une araignée géante faisait l'ascension de l'ocre rose. Sur le toit en tôle ondulée le vacarme des gallinazos  .

Mal de tête avec le chuchuwasi de la veille.

Petit déjeuner de riz à la cubana ;

Nous grimpons sur le plateau d'un pick_up sous une pluie battante,chaude moiteur;les corps tressautant de femmes collées aux ridelles.

Slalom entre les flaques d'ocre sang.

Pasées quelque huttes sur pilotis où s'activent des indiennes en pagne ,nous entrons dans les profondeurs de l'enfer;fin de la route,il faut marcher ,sur une piste à tracer sur les rives de l'Amazone.

 

Ana a repris sa lecture pendant une halte. Un déluge s’abat sur la canpée.

 

 

Amazone, berges trompeuses aux eaux dormantes.

La Selva ruisselle.

Je sens son souffle brûlant, la luxuriance de son désir tentaculaire. au hamac de mes rêves.

Elle est toute devant moi, offerte ;

je goûtais à ses lèvres de petits piments rouges,

je hume son parfum de mangues mûres ,d'humus et de luxure,

l'exhalaison de toutes les fleurs.

Terre vierge entre les hauts fûts dressés comme des cierges,

qui crèvent la canopée,à l'assaut des cieux ,

 

J'errais ,lilliputien,dans les entrelacs de sa crinière,

escorté de litanies rousses,chevauchant les troncs morts.

Mon corps se métamorphosait sous le regard d'or d'antiques reptiles,stupeur figée dans la verdeur méphitique.

L'écorce bue au calice amer de la veille troublait ma vision.

Je riais sans raison, je pleurais sans cesse ,n'étais-je pas au paradis ou bien convalescent aux limbes de quelque enfer.

Les cascades jaillissaient des frondaisons, nimbées d'arcs-en-ciel .

Des nymphes d'ombre se baignaient aux vasques de cristal ;

elles plongeaient nues dans le calice de verdure sans en rider la moire.

 

Le tourbillon des chutes m'emportait ;

Bruissement d'écume au flanc de noirs écueils ;

Des âmes troubles flottaient au-dessus d'indiennes

dont je peignais les cheveux

délaçant entre deux caresses

le flot noir de leurs lourdes tresses

sous l’œil de singes envieux.

 

Au troisième jour le chamane venait avec un calice rempli d'Ayahuascar, liqueur de toutes les ivresses.

Dans ma tête vibrait une forêt d'arc-en-ciels ;des serpents volants, toutes volutes sortant

du vieil encens ,il germait des lianes sous la pluie de scarabées,la veuve noire hérissait ses poils pour une lente métamorphose. Etrange sensation ,tous les liens se distendent ,les sens s'abolissent,ultime passerelle entre le saurien et le serf dissolu ,adepte de la métempsychose.

 

 

Tu aimais la forêt, elle t'enlaçait ,ton baiser sur l'écorce ,elle le rendait bien.

Après avoir bu le sang froid du venin,tu glisses dans le hamac, sans forces.

le jour blafard consacre la verdeur aux lèvres du hanap épuisé.

Tu ris aux rives du calice d'or plein de toutes tes vies.

Sans bruit la flèche de curare s'est plantée dans ton corps et te voilà endormi, rêvant de forêt

et d'armées de fourmis.

 

Près de moi Ana s’est endormie.

Le hamac berce ses rêves.

 

 

 

J'oublie le monde .

L'exubérance du décor , le tumulte, la rutilance des oiseaux peuplent mon horizon, la nature enserre mon corps de ses lianes furtives.

C’est une errance dans le flux végétal .

La moiteur baigne mon corps , de vapeurs méphitiques encensent l’air.

Mouvance des senteurs , volutes du vert , mes sens épuisés par la pharmacopée languissent dans l'alcôve de fougères , psychédélique apnée du temps.

Dans la moire du marigot; de lentes bulles pressent un nénuphar

offrant sa corolle de victoire.

Deux globes d'or affleurent entre les roseaux délivrant au monde leur antique stupeur.

Je baigne dans un lavis de verdeur qu'éventent quelques palmes.

Des sentiments renaissent dans le bain de senteurs.

Dans ma mémoire meurtrie de stridences volutent des papillons noirs.

Le cri du toucan perce ma torpeur et chasse mon rêve.

 

Je m'éveille dans le bercement du hamac.

 

Sur l'eau tranquille , la brise a chassé les brumes ; un lent travelling avant plante une gloriette sur le flot limoneux, frangé des griffes du marigot.

 

La veille je marchais, regard perdu entre les piliers du ciel ,trébuchant dans l'entrelacs ;mon corps vibrait , ses fibres gorgées d'énergies primaires.

La canopée ruisselle, les troncs exsudent leur sève, l'hévéa de rouge sang, les palmes de miel blanc.Des cernes millénaires exhibent leurs entrailles mouvantes de fourmilières.

Les gouttes tièdes martèlent ma peau; voilà l'averse tropicale, un déluge délavant les latérites qui réunissant de petits ruisseaux de sang, déversent leur cours impétueux dans le flot jauni des Amazones.

Des tambours résonnent au creux des cordillères ,dont l'écho fait trembler la cathédrale de verdure.

Je rejoins Ima Sumaq sur l'Isla Bonita cernée par les eaux troubles.

La canoa glisse sans bruit dans le courant rapide, on entend juste le clapotis de vaguelettes qui s'épuisent dans les berceaux de verdure et de fleurs sur la rive.

Sa main presse la mienne, nous ne parlons pas.

Douce errance au gré du courant ,la Selva frissonne.

Sur le sable une aubette nous attend ,

Ima Sumaq veut me montrer les dauphins roses qui jouent dans une vasque limpide.

Vois, ma main tremble, respire avec moi les parfums du jour, contemple l'étrange lumière que distillent les géants .

Vitraux de chlorophylle, feuilles lances, dards, dendrites, arboresences ,

Sous le dais de verdure les orchidées pâlissent, livrées au baiser froid du scarabée.

Ana marche devant moi, oscillant comme une liane brune.

Entre les lianes un long serpent glisse pour éprouver nos âmes.

La terre, encore humide, libère de putrides senteurs, tous les parfums du jour dans l'odorant ombrage. Ana m’embrasse sauvagement ,pressant mon corps contre un banyan .

Souviens-toi de l'ombre propice aux innocents amours quand le faune attardé dans un bosquet arpégeait sa romance de roseau.

Forêt sans nom, remémore ton sacrifice floral au doux son des flûtes amazoniennes .

L'indienne, au bord de la source, tressait ses mèches brunes .

Une tiède brise caressait son rêve.

Je l'ai revue dans son Eden; elle m'offre des mangues et son parfum.

Je goûte et bois à sa bouche une langue limpide, ses phonèmes mélodieux , tendre venin et piment doux .

 

Elle était près d'une cascade dont le murmure se paraît d'arcs-en-ciel.

Viens me dit-elle croiser dans ma hutte . La lune posait sa vasque pleine sur le lit de fleurs , lys, oiseaux du paradis, coeurs de Jesus, un lit de couleurs aux contours de flammes.

J'ai longtemps veillé sur ses paupières closes qu'un rayon, au matin, allait poudrer, de neige rose  .

 

Des liqueurs amères avaient troublé ma vue, la braise rougeoyait sous la cendre ,la magie des feuilles vertes se dissipait.

Ima Sumaq offrait au soleil les reliefs d'un antique repas, des soupirs de vierge offerte au dernier Inca.

 

Il pleuvait sur Iquitos , la boue et les ordures emplissaient les rues.

A Yungay la montagne dérivait emportant clocher et palmiers dans son aventure et des illusions que je laissais là.

Iquitos ,la mère de mes rêves s’éveillait dans son lit d'Amazome .

Le sang de la terre répandait son manteau de misère, les torrents devenaient fous.

 

Ombre volubile, cri du conquérant, derniers vestiges aux convoitises offerts, sous la lune qui rit . Dans le jardin aux fleurs d'or, une ombre lasse, mémoire de l'empire, le pas de l'Inca résonnant sur la pierre, dans l’ombre des portiques de l’Histoire.

Mémoire des hommes fiers, de bâtisseurs, les Hommes de pierre, souvenirs que je ressasse parfois quand dans un profond délire, vapeurs de je ne sais quoi, le passé resurgit et s'impose à moi.

 

 

 

 

J'ai vécu plusieurs vies,chaque pays dans un rêve qui ne finit plus.

Ai-je vraiment connu tous ces paysages,ces rives arborées,ces mers,

ces peuples ,ces visages ?

Parcourir le monde , même en image

pour n'y trouver enfin qu'amers regrets .

Le monde recomposé comme un bel ouvrage

aura meilleure place sur mon étagère,

artefacts, livres et pierres

ont le parfum de mondes sages

que je parcours à mon gré.

 

Libre à moi de vivre l'aventure

à travers les pages d'un livret,

un parchemin , portulans,ou coupure

de vieux journaux oubliés.

 

Dictionnaires,encyclopédies

tout le savoir du monde,

romans et poésies

l'imaginaire de vies fécondes.

 

Et tant de rêves partis en fumée ;

 

Corr juin 2024 jff

carnet de voyage /5

19 juin 2024 - 07:32

carnet de Voyage /5

 

Entre les glaciers sculptant l'azur froid

je me sentais proche d'un autre idéal,

non pas celui même ,arrivant au Népal,

que des illuminés cherchaient avant moi.

 

Le Temps s’arrête sur les neiges éternelles,

aux pics du Pamir qui se dressent devant moi ;

est-ce donc ici que je vais trouver la foi

dépouillé de biens et des pulsions charnelles ?

 

Silence du Bodhisattva .

 

Sur la table basse culminaient quelques fleurs,

de petits soleils qu'une fée prodiguait

avec le beau sourire du matin népalais ;

A l'est d'Eden courait une rumeur .

 

Lhassa s'ouvrait comme un fruit mûr

au temps figé sur un gong de bronze ;

<< om mani padme om >> soupir des bonzes 

que l'Empire enfermait derrière un mur.

 

Au loin les rizières encore fumantes

laissaient monter au ciel la sourde rumeur ;

Mao,la marche promettant le bonheur

à des foules serviles ,dans la grande attente.

 

Le rêve fuyait sans cesse dans le monde en feu ;

nous échappions de peu à tous les drames 

il fallait encore partir,sans états d'âmes;

une fuite où notre idéal mourrait un  peu.

 

Face au mystère de forêts impénétrables ,

obscures comme la pensée du bonze,

fragiles comme un glaive de bronze,

l'avenir se jouait dans un tour de table.

 

Selvas ruinées par un rude Aquilon

et l'enfant d'Eden pillant ses richesses,

taries par l'eau, le feu, la sécheresse,

linceul de verdure au creux du vallon.

 

Guitare et collier de fleurs en bandoulière,

l'étudiante attardée,réfractaire et futile,

trouverait dernier refuge en quelque cause utile,

me laissant partir en quête aventurière..

 

je t'accompagnais dans ta fuite triste,

vers cet autre rêve ,cet autre départ,

une lueur tremblait dans ton regard

du lointain espoir au bout de la piste.

 

Après Kathmandou,Lhassa,la cité des sages,

tu errais dans ce monde étrange

mendiant sur les rives du Gange,

avec Shiva brodée sur ton vert corsage.

 

Un jour de mousson je perdis ta trace,

un Saddhou t'avait vu aux portes du Fort Rouge ;

un soir ,dans la fumée d'un bouge

où tu vendais tes charmes , nue et lasse.

 

Combien d’îles pour faire un souvenir,

de routes partagées au vent de l'insouciance,

de temps passé à perdre l'innocence,

à chercher l'oubli dans l’illusion du partir.

Jf corr jan 23

 

autodafé

14 février 2024 - 03:16

Autodafé.

 

Un jour il brûla ses 300 livres,

sa chair de papier .

Le matin s'attardait au solstice,

le bûcher fumait de vieil encens,

et âcre parchemin sacrifié

le vélin sentait la bruyère ,

Ailleurs les runes brisées par l'airain

faisaient table rase du passé ;

le savoir vivait son funeste destin,

l'encyclopédie transmutée en lumière,

les pages du Larousse en perdaient leur latin.

 

Dans cet excès d'ivresse l'érudit chassaient ses vieux démons ;

le bon vin n'avait pas réjoui son cœur d'homme .

mais bien aboli la Somme

qui, lente, assombrissait le ciel,

de ronds de fumée.

 

Le Temps s'arrête sur l'étagère ,vide de tout savoir .

Entre les artefacts flottait le parfum de fleurs fanées

et d'impressions premières.

 

Erasme,Diderot et Homère jetés en pâture aux flambeaux ,

la ferveur littéraire, les vers de Victor Hugo

mais aussi La Bruyère,Ronsard,Montaigne et Marot,

devant la foule sans remords.

 

Pas de regret après ce festin où ayant dévoré la tripe livresque,

la flamme rédemptrice fondait un monde nouveau.

 

 

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Les plus belles pages avaient un parfum d'exil .

 

sans doute aurais-je dû rester en mon village,

près de l'âtre,

ou bien revenir comme Ulysse après un beau voyage,

 

Pourquoi tant d'efforts

si lire en nous mêmes

nous épargne le voyage sans cesse recommencé,

où s'épuise le corps,où s'enlise l'esprit..

 

Plus j'apprenais et moins je savais

et un jour vint le verdict de l'insignifiance ;

le colosse aux pieds d'argile s'effondrait emportant avec lui

jusqu'au savoir d'Alexandrie,

les tablettes de Mésopotamie,

les cartouches du Nil

les runes de Scandinavie,

les cunéiformes vestiges des passions humaines ;

 

 

La grammaire Kechwa me renvoyait aux Andes,

le Maori aux antipodes

le Breton se perdait dans la brume des landes

le Thai ou le Nepali dans l'encens des pagodes ;

 

Déjà sur ma tombe fleurissaient les kanji

au temp des cerisiers sur le mont Fuji,

Confucius et Mao me traitaient d'idéogramme,

Cyrille près du samovar ,de trop faible femme ;

 

les autres langues coupées gisaient dans un cratère,

avec le grec déchu au cœur des ruines de Rome ;

le Suédois ancien gisait sous la neige,

Pourquoi Shakespeare en son mal-être

augmenta-t-il mon ire,je ne saurais dire,

je me reportais sur le Magyar et peut-être pire,

le Hindi,le Basque,l'Italien en Bergamasque,

la Lusitanie ,au Portugais mettait le masque

et , traduit en gothique,le chant wagnérien ,

enfin dans un port ibérique j'étanchais ma faim .

 

Je voyageais par le truchement des portulans,

des colonnes d'Hercule jusqu'au Groenland

et poussant l'aventure aux indes occidentales

dans le sillage de Colomb,les rives tropicales

m'ouvraient leurs bras dans tous les récits ;

 

Vasco de Gama,Magalhaes, les conquérants

gonflaient la toile de mes voiliers blancs

qui à bâbord amure longeaient les rives vertes

d'un nouvel Eden peuplé d'Eves offertes

à la concupiscence de l'ancien monde ;

 

L'imagination lançait mes chevaux

vers des cultures dont je démêlais l'écheveau,

des paysages où l'horizon fuyait sans cesse

des pays où l'on célèbre la paresse

dans un hamac près de l'autel ;

là où les filles si belles

roulant des hanches retiennent le marin

par un collier de coquillage de l''atoll corallien .

 

les plus belles pages avaient un parfum d'exil .

Rêves et illusions perdues

tristes tropiques,civilisations en déclin,

toutes pages lues,

à l'aune du voyage que reste-t-il

de nos amours et aventures vécues ;

le souvenir futile

de belles couleurs,le parfum et

une photo des îles ;

 

 

A quoi bon la connaissance

si depuis ta prime naissance

la fuite en avant te livre

derrière le paravent du livre

aux plus grands tourments,

au savoir de la fin, sans en connaître le moment

mais dans la pleine certitude qu'elle advient .

 

Et voilà presque la fin

et ce dernier matin

en autodafé

je brûle un peu de moi 

gardez votre émoi

ce n'est presque rien.

 

Août20 jf