circe

Pour autant de personnes qu’on veut

(Il se trouve toujours des amateurs y compris pour finir les restes qui du reste

Contrairement à une idée reçue se conservent longtemps

Aussi longtemps qu’une idée reçue)

Demandez à votre poémier de vous parer quelques pieds

En vous laissant deux trois chevilles

Et (si vous les appréciez) les e caducs

Prendre un amour de jeunesse

Une fleur de peau

Un oiseau

Un enfant par la main

Un clair de lune un coucher de soleil ou tout autre cliché

Rêver un moment

Puis vider son cœur

Non sans

Verser quelques larmes

Surtout pour un poème tarte salé

Attention cependant à bien lier le tout

Gare aux gros mots

Aux incongrus jeux de mots

Calembours et autres à-peu-près

(Cointreau n’en faut)

Vérifier que ça rime ou à peu près

Servir sans attendre

Avec des yeux de merlan frit

Comme un champ de lin

Mon cœur orphelin

A fleuri du jour au lendemain

Et tout mon chagrin

S'est évanoui

Comme un champ de lin

Mon cœur orphelin

Du soir au matin

S'est épanoui

Je pue

Je pue horriblement

De plus en plus

Je supporte à peine mon odeur

Et elle empire

J'y travaille

Je pue dès le matin je me lève en puant

Je pue en dormant en chantant

Je pue presque moins en chiant

Je pue à tuer

Une archiduchesse aussi sec

Schlass schlass

Même un SDF

Schlass schlass à dégager y a plus personne

Je pue de partout

De l'âme n’en parlons pas

Bref je sens très mauvais

Je m'applique

Je m'encrasse méthodiquement

Je fais sous moi sur moi en moi

Avec un peu d'aide

Je me laisse traîner rouler plonger noyer dans la fange la fiente le fiel la chassie la sanie le pus les eaux grasses les humeurs huileuses la lie des sentines le foutre glaireux des prostatiques

Ce n'est pas fini

Je me laisse infecter infester par tous les pores par tous les trous

Tripoter par les mains les plus sales pénétrer par les langues les doigts les appendices les plus pourris les créatures les plus répugnantes les outils les trucs les matières les plus immondes

Je me laisse souiller de toutes les façons

Je me laisse bousiller les entrailles pour mon gaz de schiste

Je suis un bon coup

Je suis ta mère

J’ai un ami

un seul

il vient de se déclarer

pardonnez-moi

je suis émue

je ne sais qui c’est

ni ne chercherai

à le savoir

de peur

que ce soit

moi

Écorchée vive

Et alors ?

Vous me préféreriez écorchée comment ?

Vivante la peau saine trouée juste où il faut ?

On ne peut rien te dire toujours tu prends la mouche

Comme tu es soupe au lait !

Oui

Avec une mouche dedans

Prenez-la

Délicatement par les deux ailes

De vos deux mains respectueuses

Comme dans certains pays l’écolier donne son cahier au maître

Soufflez doucement sur son malheur

La voilà repartie

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Photographe: Florence White.