Je crois que je vais mourir ce soir. Ce matin, en me levant, j'ai bien senti qu'une partie de ma vie s'était détachée de moi pour rester blottie sous la couette. Avec ma demi-vie, comme une très vieille dame, je me suis traînée jusqu'à la salle de bains. Le grand miroir au dessus du lavabo ne m'a pas renvoyé mon image habituelle. Il manque quelque chose à mon visage. C'est effrayant ! Côté droit je vois tous mes os en transparence.
Sous chacun de mes pas, il y a une épaisse couche de coton. Je me déplace avec difficulté et lenteur. Je n'ai plus d'équilibre. Je tangue en me cramponnant à tous les meubles. Il faut que j'atteigne mon canapé, là où ma demi-vie sera en sécurité.
Je n'ai qu'une question à me poser. Combien de temps peut-on tenir avec une demi-vie ? Mais réfléchir avec cohérence est problématique. La moitié de mon cerveau est sans doute restée elle aussi blottie sous la couette. Il faudrait que je trouve la force de retourner jusqu'à mon lit. Convaincre ma partie manquante de me revenir.
Pourquoi me donnerais-je la peine de faire un tel effort ? Après tout une demi-vie est suffisante. Mes pensées sont plus légères, les petits et grands soucis quotidiens sont restés blottis sous la couette, je ne ressens plus la faim ni la soif et l'idée de mourir ce soir est plutôt réconfortante.
Ma vie entière était devenue un fardeau. J'en étais même lasse et je songeais parfois à m'en débarrasser quand j'attendais sur le quai l'un des derniers métros ou quand je voyais débouler un bus alors que ce n'était pas mon tour de traverser.
Si je retourne jusqu'à ma chambre, je ne vais pas pouvoir m'empêcher de passer d'abord par la salle de bains pour revoir mon nouveau visage et son horrible côté droit. Je passe mes doigts sur ma joue, avec précautions. La perception de ma pommette et de l'os orbital est désagréable. Il ne faut plus que j'ai cette tentation.
Que vais-je faire de ma demi-vie en attendant de mourir ce soir ? Je suis bien sur mon canapé recouvert d'une couverture en fausse fourrure, la tête et les pieds sur mes énormes coussins bien moelleux. Non ! Je dois me considérer comme une condamnée et manifester des volontés dernières.
Voyons ce que pourraient être ces dernières volontés. Le téléphone est loin et l'idée de le coller à mon côté droit osseux m'est intolérable. Quelque chose m'empêche d'envisager de le coller à mon côté gauche. Sans doute cette partie de mon cerveau restée blottie sous la couette. Sinon j'aurais aimé appeler une dernière fois tous les noms de mon répertoire.
L'après-midi s'avance et ma demi-vie s'affaiblit. C'est bientôt Noël, la nuit va venir très vite. Je suis déjà dans une obscurité qui ne me permet plus de distinguer ma lampe préférée. Une folie que je m'étais offerte du temps où j'avais une vraie vie. Une lampe Tiffany. Je voudrais pouvoir l'allumer mais je n'ai plus assez d'énergie pour me lever. C'est bizarre que je sois dans cette obscurité à même pas seize heures. Sans doute n'ai je plus qu'une demi-vision. L'autre moitié est avec ce qui s'est détaché de moi quand je me suis réveillée ce matin. Bien blottie sous la couette.
Il faut que je me dépêche de me trouver une dernière volonté. En fait je la sais depuis que je suis venue me réfugier sur mon canapé recouvert de sa couverture en fausse fourrure.
Mourir comme un oiseau tombé du nid, entre les mains du seul homme que j'ai vraiment aimé.
Mais je ne veux pas qu'il voit mon visage tel qu'il est devenu.
Alors je mourrai seule, sans savoir ce qu'il adviendra de la partie de moi restée bien blottie sous la couette. Je mourrai comme la passante lunaire que je n'ai jamais cessé d'être. Partout je n'ai fait que passer. Surtout dans le coeur du seul homme que j'ai vraiment aimé.
Je n'ai plus de dernière volonté ni de volonté du tout. Je suis bien dans ma demi-mort. Comme un oiseau tombé du nid, que personne n'a voulu ramasser. Seule, toujours seule...
Héloïse Cerboneschi
Mardi 16 décembre 2008
Héloïse
Inscrit(e) : 30 sept. 2004Hors-ligne Dernière activité : déc. 20 2008 10:25
Informations
- Groupe : Membre
- Messages : 50
- Visualisations : 5 712
- Titre : H?lo?se
- Âge : 64 ans
- Anniversaire : Octobre 14, 1960
0
Neutral
Outils
Amis
Héloïse n'a pas encore ajouté d'ami.
Derniers visiteurs
Publications sur Toute La Poésie
Comme un oiseau tombé du nid
16 décembre 2008 - 12:52
Le sang des serpentins
11 décembre 2008 - 11:00
La tristesse est sortie de mes yeux
En larmes de rasoir
Un trait d'épervier sur ma veine indigo
Et le sang, le sang audacieux a jailli
Salopant ma belle peau de joyeux serpentins
Joyeux, jusqu'au moment où ils tombaient
Se tordant de douleur
Sur mes bottes noires bien cirées
Le Peuple des Clowns est venu applaudir
Quelqu'un a éteint les lumières
La fête était terminée, les serpentins balayés
Le funambule s'est laissé tomber d'une étoile
Pour me serrer contre son coeur brisé
Par l'écuyère infidèle
Meurs avec moi m'a t-il dit en me berçant
Dangereusement. Après je ne sais plus...
Héloïse Cerboneschi
Samedi 6 décembre 2008
23 h 55
En larmes de rasoir
Un trait d'épervier sur ma veine indigo
Et le sang, le sang audacieux a jailli
Salopant ma belle peau de joyeux serpentins
Joyeux, jusqu'au moment où ils tombaient
Se tordant de douleur
Sur mes bottes noires bien cirées
Le Peuple des Clowns est venu applaudir
Quelqu'un a éteint les lumières
La fête était terminée, les serpentins balayés
Le funambule s'est laissé tomber d'une étoile
Pour me serrer contre son coeur brisé
Par l'écuyère infidèle
Meurs avec moi m'a t-il dit en me berçant
Dangereusement. Après je ne sais plus...
Héloïse Cerboneschi
Samedi 6 décembre 2008
23 h 55
Numéro 13
29 août 2008 - 07:09
Les chevaux de braise ont envahi ma nuit
Je ne dormirai plus
Il était temps
Que les crinières métalliques tailladent mes veines
La mort sur le dos d’un mustang vaut bien la mort
D’une fausse infante défenestrée
Il était temps que demain ne revienne plus
J’en ai vu assez de ces aubes où l’esprit est plus vif que le corps
Je n’ai plus la force de recréer mon visage
De me vêtir pour ne pas subir la froidure des loups urbains
Et de marcher, marcher jusqu’au retour des chevaux
Je n’ai plus de demeure, plus d’espace pour dormir
Ainsi je passe devant les soldats aux bras croisés
Ils rient de mes poignets aux veines tranchées
Mais ici c’est devenu presque l’Amérique
Les portes des hôpitaux sont fermées aux indigents
Les porches des immeubles sont jonchés de corps barbares
Même les enfants fuient la laideur de ma désespérance
Je n’ai plus le droit de flotter avec eux
Sur les nuages nucléaires de leurs bacs à sable
Je n’ai plus le droit de m’asseoir sur les bancs
Près des mères aux lèvres médisantes et aux cheveux ras
Je n’ai plus aucun droit puisque l’amour m’a été ôté
Les soldats décroisent les bras quand je passe dans ta rue
C’est mauvais signe
Ils discutent fort de ma maigreur, de mes pieds nus
Ils soupèsent en gestes obscènes chacun de mes os
Je tire sur ma robe d’indigente pour cacher mes genoux sales
Je ne fais que découvrir mes seins de femme stérile
Toi ! Toi ! Et toi aussi !
J’en fais partie. Même si mon œil mal voyant ignore tout
Le dernier des derniers métros est pour Toi ! Toi ! Et moi aussi
Malmenées par les soldats aux kalachnikovs
Il faut obéir et baisser nos yeux sans paupières
J’ai déjà oublié ce que j’étais pour toi mais je pars
Héloïse Cerboneschi
Jeudi 8 août 2008
Je ne dormirai plus
Il était temps
Que les crinières métalliques tailladent mes veines
La mort sur le dos d’un mustang vaut bien la mort
D’une fausse infante défenestrée
Il était temps que demain ne revienne plus
J’en ai vu assez de ces aubes où l’esprit est plus vif que le corps
Je n’ai plus la force de recréer mon visage
De me vêtir pour ne pas subir la froidure des loups urbains
Et de marcher, marcher jusqu’au retour des chevaux
Je n’ai plus de demeure, plus d’espace pour dormir
Ainsi je passe devant les soldats aux bras croisés
Ils rient de mes poignets aux veines tranchées
Mais ici c’est devenu presque l’Amérique
Les portes des hôpitaux sont fermées aux indigents
Les porches des immeubles sont jonchés de corps barbares
Même les enfants fuient la laideur de ma désespérance
Je n’ai plus le droit de flotter avec eux
Sur les nuages nucléaires de leurs bacs à sable
Je n’ai plus le droit de m’asseoir sur les bancs
Près des mères aux lèvres médisantes et aux cheveux ras
Je n’ai plus aucun droit puisque l’amour m’a été ôté
Les soldats décroisent les bras quand je passe dans ta rue
C’est mauvais signe
Ils discutent fort de ma maigreur, de mes pieds nus
Ils soupèsent en gestes obscènes chacun de mes os
Je tire sur ma robe d’indigente pour cacher mes genoux sales
Je ne fais que découvrir mes seins de femme stérile
Toi ! Toi ! Et toi aussi !
J’en fais partie. Même si mon œil mal voyant ignore tout
Le dernier des derniers métros est pour Toi ! Toi ! Et moi aussi
Malmenées par les soldats aux kalachnikovs
Il faut obéir et baisser nos yeux sans paupières
J’ai déjà oublié ce que j’étais pour toi mais je pars
Héloïse Cerboneschi
Jeudi 8 août 2008
Pensées cosmiques 2
02 juillet 2008 - 05:31
Dans cette ville, où l’on ne naît ni ne meurt jamais par hasard, des hommes distribuent un bonheur malfaisant
Ni toi ni moi ne faisons la queue pour en prendre notre ration quotidienne
Ma passion de toi, mon mal de toi
Tiennent dans une seule main
Celle qui broie les étoiles pour en extraire la pulpe de la nuit
Dans cette main rustique, je garde un vestige de bonheur bienfaisant. Un bonheur qui n’existe plus
Toutes ces carotides tranchées, tout ce sang qui sert à teinter les vitraux des cathédrales, toute cette neige qui s’incruste jusque dans les orbites des statues…
Seuls les enfants restent impavides. Malgré leur cruauté, ils ont toujours cette grâce qui fait qu’on ne les confond pas avec les adultes. Pas encore…
Ce vestige que je garde dans ma main, je viendrai le déposer sur ton front le jour où je ne pourrai plus faire la guerre
Non Mon Amour ! Je ne sais pas quand je te reviendrai. Faire la guerre tous les jours m’épuise. Tant de sang dans les rues et si peu dans mes veines
Les quémandeurs de bonheur malfaisant sont de plus en plus nombreux. On a tracé des sillons partout pour eux. A condition de ne pas en sortir, ils sont dispensés de faire la guerre
Le petit garçon du quatrième étage a approché une chaise de la fenêtre de sa chambre. Puis il a appelé la petite fille du premier étage et lui a demandé d’apporter sa poupée. Il a posé la poupée en équilibre sur la rambarde de la fenêtre
Les enfants inventent des jeux de plus en plus effrayants
Je me suis enfin décidée à écrire la suite de tous les livres que je n’ai pas lus. J’ai retrouvé le titre de celui qui reposait sur le ventre de ma mère tandis qu’elle attendait ma naissance pour la dernière fois
J’aimerais revenir me coucher sur ton ventre. J’aimerais que tu ouvres les yeux pour ranimer l’étoile que tu as laissée mourir. Tes yeux sont restés fermés depuis si longtemps. Est-ce parce que tu as fait la guerre plus durement que moi ?
Samedi 14 juin 2008
Ni toi ni moi ne faisons la queue pour en prendre notre ration quotidienne
Ma passion de toi, mon mal de toi
Tiennent dans une seule main
Celle qui broie les étoiles pour en extraire la pulpe de la nuit
Dans cette main rustique, je garde un vestige de bonheur bienfaisant. Un bonheur qui n’existe plus
Toutes ces carotides tranchées, tout ce sang qui sert à teinter les vitraux des cathédrales, toute cette neige qui s’incruste jusque dans les orbites des statues…
Seuls les enfants restent impavides. Malgré leur cruauté, ils ont toujours cette grâce qui fait qu’on ne les confond pas avec les adultes. Pas encore…
Ce vestige que je garde dans ma main, je viendrai le déposer sur ton front le jour où je ne pourrai plus faire la guerre
Non Mon Amour ! Je ne sais pas quand je te reviendrai. Faire la guerre tous les jours m’épuise. Tant de sang dans les rues et si peu dans mes veines
Les quémandeurs de bonheur malfaisant sont de plus en plus nombreux. On a tracé des sillons partout pour eux. A condition de ne pas en sortir, ils sont dispensés de faire la guerre
Le petit garçon du quatrième étage a approché une chaise de la fenêtre de sa chambre. Puis il a appelé la petite fille du premier étage et lui a demandé d’apporter sa poupée. Il a posé la poupée en équilibre sur la rambarde de la fenêtre
Les enfants inventent des jeux de plus en plus effrayants
Je me suis enfin décidée à écrire la suite de tous les livres que je n’ai pas lus. J’ai retrouvé le titre de celui qui reposait sur le ventre de ma mère tandis qu’elle attendait ma naissance pour la dernière fois
J’aimerais revenir me coucher sur ton ventre. J’aimerais que tu ouvres les yeux pour ranimer l’étoile que tu as laissée mourir. Tes yeux sont restés fermés depuis si longtemps. Est-ce parce que tu as fait la guerre plus durement que moi ?
Samedi 14 juin 2008
Pensées cosmiques
11 juin 2008 - 09:35
Je pense à l’étoile que tu as laissé mourir sur mon ventre et je vois, par delà mon rêve unique, grandir les citadelles de feu
La neige a eu un orgasme tardif. Un bandeau noir sur les yeux, les enfants balaient les squares pour dégager les soldats ensevelis
Je voudrais ne faire la guerre qu’un jour sur deux mais je saigne trop, tant et tant que les ailes des oiseaux sont devenues bleu de nuit
Il ne faut plus parler aux femmes qui dorment sous le Pont Neuf. Elles volent les vitraux des cathédrales pour orner leurs robes de pacotille
Et pourtant je crois t’aimer encore. Je crois même t’aimer davantage que celui que j’ai tué en oubliant de faire la guerre
J’écris une suite à tous les livres que je n’ai jamais lus. En fait il y en a bien peu et j’espère avoir terminé avant le prochain orgasme de la neige
Un soldat a été dégagé et ranimé par la petite fille du premier. Le conservateur du musée lui a donné une récompense magnifique mais il a fallu que le petit garçon du quatrième l’aide à trancher la carotide
Si seulement je pouvais me rappeler le titre du dernier livre que je n’ai pas lu. Je revois la couverture telle qu’elle m’est apparue posée sur le ventre de ma mère
Oui ! Je t’aime Je t’aime Je t’aime ! Il ne faut pas m’en vouloir si je laisse passer plusieurs orgasmes avant de revenir dormir dans ton lit blanc de neige
La neige a pris une drôle de couleur. Les enfants ne prennent pas assez de précautions pour dégager les soldats ensevelis. Il leur est formellement défendu de retirer leur bandeau noir
Une femme du Pont Neuf s’est noyée. Sa robe trop lourde l’a déséquilibrée et l’eau du fleuve s’est refermée sur elle telle une pieuvre aux tentacules multicolores. Les soldats ensevelis suppliaient que l’on fasse vite pour qu’ils puissent, eux aussi, admirer le spectacle
Je devrais cesser de penser aux livres que je n’ai jamais lus. L’étoile s’est incrustée dans mon ventre mais je n’ai plus de sang à lui offrir. Elle va mourir pour la seconde fois
Si je t’aimais moins, je serais déjà morte. Encore quelques orgasmes de neige et je te promets de revenir me coucher sur ton ventre. Tu sais bien que la neige a pris une couleur qui brûle à ma peau
La neige a eu un orgasme tardif. Un bandeau noir sur les yeux, les enfants balaient les squares pour dégager les soldats ensevelis
Je voudrais ne faire la guerre qu’un jour sur deux mais je saigne trop, tant et tant que les ailes des oiseaux sont devenues bleu de nuit
Il ne faut plus parler aux femmes qui dorment sous le Pont Neuf. Elles volent les vitraux des cathédrales pour orner leurs robes de pacotille
Et pourtant je crois t’aimer encore. Je crois même t’aimer davantage que celui que j’ai tué en oubliant de faire la guerre
J’écris une suite à tous les livres que je n’ai jamais lus. En fait il y en a bien peu et j’espère avoir terminé avant le prochain orgasme de la neige
Un soldat a été dégagé et ranimé par la petite fille du premier. Le conservateur du musée lui a donné une récompense magnifique mais il a fallu que le petit garçon du quatrième l’aide à trancher la carotide
Si seulement je pouvais me rappeler le titre du dernier livre que je n’ai pas lu. Je revois la couverture telle qu’elle m’est apparue posée sur le ventre de ma mère
Oui ! Je t’aime Je t’aime Je t’aime ! Il ne faut pas m’en vouloir si je laisse passer plusieurs orgasmes avant de revenir dormir dans ton lit blanc de neige
La neige a pris une drôle de couleur. Les enfants ne prennent pas assez de précautions pour dégager les soldats ensevelis. Il leur est formellement défendu de retirer leur bandeau noir
Une femme du Pont Neuf s’est noyée. Sa robe trop lourde l’a déséquilibrée et l’eau du fleuve s’est refermée sur elle telle une pieuvre aux tentacules multicolores. Les soldats ensevelis suppliaient que l’on fasse vite pour qu’ils puissent, eux aussi, admirer le spectacle
Je devrais cesser de penser aux livres que je n’ai jamais lus. L’étoile s’est incrustée dans mon ventre mais je n’ai plus de sang à lui offrir. Elle va mourir pour la seconde fois
Si je t’aimais moins, je serais déjà morte. Encore quelques orgasmes de neige et je te promets de revenir me coucher sur ton ventre. Tu sais bien que la neige a pris une couleur qui brûle à ma peau