« Je n’attends personne.
J’ai marché à petits pas dans la maison, les bras ouverts pour garder en moi le parfum de la cire et celui des vieilles étoffes.
J’ai rangé tous les objets sur la cheminée, je sais qu’ils trouveront tout cela étrange quand ils viendront, le vase de cristal auprès du chandelier de bronze, les scintillements et les reflets, puis l’ombre à pas de loup est venue tout effacer.
J’ai plié le linge et placé des sachets de lavande entre les draps brodés puis la porte de l’armoire a caché les lourds secrets inscrits dans les plis des mouchoirs.
J’ai marché dans toutes les pièces en évitant les miroirs et j’ai fermé les fenêtres, comme des paupières. Au dos de la main j’ai lissé les rideaux de mousseline. Pas un pli. Pas un cil. Avec une épingle j’ai nettoyé les rainures du parquet et j’ai tiré le tapis de haute laine à la trame usée pour que toutes les franges s’accolent au fil du temps. Ils trouveront cela étrange et personne ne pourra leur expliquer toute la beauté du monde incluse dans ces choses insignifiantes.
J’ai écouté la musique du silence et clos le couvercle du piano qui s’est plaint. J’ai remis les tableaux verticaux sur les murs et j’ai essuyé la poussière, surtout les traces sur les miroirs au tain usé. J’ai décroché les gémissants bouquets séchés qui tombaient en lambeaux de misère, et j’ai habillé de roses fraîches les vases de porcelaine, puis enflammé de glaïeuls rouges le ventre rond des cruches remplies.
J’ai balayé le sol de terre cuite jusqu’à ce qu’il luise, enlevé les miettes sur la maie. J’ai entouré le pain d’un tissu de lin blanc à sa place dans le tiroir de la table de chêne. J’ai lavé à l’eau claire le cristal des coupes et des verres. Pas une trace de lèvre gourmande. Longtemps je les ai regardés, les miroitements, les lueurs, serrés sur l’étagère entre l’ombre et l’obscur, sous la patine des choses interminablement aimées.
J’ai astiqué les casseroles de cuivre, et raccroché la grande bassine fauve de la transmutation. La brillance éteinte et mate avait captivé mon regard. Ceux qui viendront trouveront cela dérisoire. Ils auront ignoré le reflet du bois ciré des grandes armoires et la lueur des moules de cuivre, ils auront négligé la noblesse du monde. Et pourtant ils viendront et se poseront des questions sur le futile et l’important.
J’ai jeté les derniers pots de confiture entamés, les légumes tavelés et les tranches de pain rassises, j’ai fait cuire les derniers fruits pour ne pas les perdre, en des mélanges nouveaux. Les fruits et les souvenirs, le parfum de la cire, le miel et le bleu des lavandes, je ne voulais pas les perdre.
J’ai lu les dernières lettres, quelques anciennes aussi. Je n’ai pas pleuré en refermant tous les livres sur les trèfles séchés. J’ai voulu éviter les miroirs, les regards captifs m’ont fait sursauter.
Pourtant je n’ai plus peur.
J’ai mis ma belle robe et j’ai peigné mes cheveux. Je me suis allongée toute seule sur le grand lit dans ma belle robe.
Je ne sais plus s’ils ont trouvé tout cela étrange ou dérisoire. Je ne les attendais pas, en vérité, je savais simplement qu’ils finiraient bien par venir un jour.
Le verre était près de moi, le verre je l’ai bu. Et le monde a fini par passer au loin comme un orage.»
Artemisia
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Dérisoire
29 août 2007 - 06:56
rencontre
17 juin 2007 - 04:24
Rencontre
Le pont était glissant mais je l’ai traversé
Dans un souffle de mots chuchotés
L’eau amère
Des nuits
S’écoulait bourbeuse au sillage des entre-deux et des gouffres
J’ai cru toucher ta main
Une fois
Dans le printemps des claires libellules
Oh comme elles jouaient sur la tranquillité des roseaux
Légère j’étais devenue
La poussière des rayons
Impalpable lumière
Vivante
Vibrante
J’ai poursuivi dans le courant
Ton reflet sur le miroir des eaux
Il irisait jusqu’au fond l’espérance
Guetteuse de sortilèges
J’ai marché sur le fil et semé les désirs
Aux quatre vents de nos abîmes
Mais la lisière est ténue
Et le miroir
Sans tain…
Artemisia
Le pont était glissant mais je l’ai traversé
Dans un souffle de mots chuchotés
L’eau amère
Des nuits
S’écoulait bourbeuse au sillage des entre-deux et des gouffres
J’ai cru toucher ta main
Une fois
Dans le printemps des claires libellules
Oh comme elles jouaient sur la tranquillité des roseaux
Légère j’étais devenue
La poussière des rayons
Impalpable lumière
Vivante
Vibrante
J’ai poursuivi dans le courant
Ton reflet sur le miroir des eaux
Il irisait jusqu’au fond l’espérance
Guetteuse de sortilèges
J’ai marché sur le fil et semé les désirs
Aux quatre vents de nos abîmes
Mais la lisière est ténue
Et le miroir
Sans tain…
Artemisia
Te souviens tu…
14 juin 2007 - 04:45
Te souviens tu…
La grande place s’enflait de souffles
Et de livres,
Les oiseaux flottants d’ailes,
Les inconnus, les pavés bleus…
Poussé par les vents d'Est
Au long mystère des forêts sous la lune dormantes
Tu dérobas les secrets
Déchirés au silence.
Ton cheval échevelé
Galopait sur le soleil enfui :
La grande Nuit de soie sombre
Serait sa robe lumineuse et céleste.
Index pointé sur le hasard
Stanislas dévoila les destins
Comme des présents qui se décèlent
Entre les ombres et les bruits.
La grande place s’enivrait de signes
Et de symboles.
J’ai touché ton apparence
Pour atteindre ton âme.
Au banquet des ombres
Furtif
Tu t’effaças dans l’ombre des hautes grilles d’or
Et des fontaines néréides.
Artemisia
La grande place s’enflait de souffles
Et de livres,
Les oiseaux flottants d’ailes,
Les inconnus, les pavés bleus…
Poussé par les vents d'Est
Au long mystère des forêts sous la lune dormantes
Tu dérobas les secrets
Déchirés au silence.
Ton cheval échevelé
Galopait sur le soleil enfui :
La grande Nuit de soie sombre
Serait sa robe lumineuse et céleste.
Index pointé sur le hasard
Stanislas dévoila les destins
Comme des présents qui se décèlent
Entre les ombres et les bruits.
La grande place s’enivrait de signes
Et de symboles.
J’ai touché ton apparence
Pour atteindre ton âme.
Au banquet des ombres
Furtif
Tu t’effaças dans l’ombre des hautes grilles d’or
Et des fontaines néréides.
Artemisia
Au seuil de…
31 mai 2007 - 05:48
Au seuil de…
J’ai peur
Du tain des miroirs
Où tapies
Les eaux courantes
Épient
Je happe
Le silence tressé
D’heures oblongues
Et de tant de chaînes
Aux dents de laine
J’oscille
Mes contours s’égarent
Je me délite
Et je me délie
Je quitte mon sang
Je quête
Je m’écoule
Aux secrets des pauvres mères
Aux rides des nuits
LÃ sur le seuil.
Artemisia
J’ai peur
Du tain des miroirs
Où tapies
Les eaux courantes
Épient
Je happe
Le silence tressé
D’heures oblongues
Et de tant de chaînes
Aux dents de laine
J’oscille
Mes contours s’égarent
Je me délite
Et je me délie
Je quitte mon sang
Je quête
Je m’écoule
Aux secrets des pauvres mères
Aux rides des nuits
LÃ sur le seuil.
Artemisia
les fées
23 avril 2007 - 04:52
Et nous,
Pour qui vivons-nous,
Nous qui sommes attachées
Aux petites choses ?
La fêlure d’une tasse de porcelaine
Est-elle si profonde
Pour que l’univers entier vienne
S’y martyriser ?
Nous qui cultivons la moindre poudre d’épices
Pour donner la saveur au monde
Et guérir les écorchures ?
Dans nos jardins d’hiver
Les fleurs aux goûts étranges
Nous parlent-elles comme dans les livres
De l’histoire oubliée des peuples
D’autrefois ?
Inquiètes et frissonnantes,
Fidèles à celles qui nous ont précédées,
Nous demeurons dans nos étranges laboratoires
Remplis de sucres et de miels,
Nous cuisons les fruits amers
Dans la cire des abeilles
Et nous polissons nos bassines de cuivre
Comme des creusets pour fondre l’or.
Artemisia
Pour qui vivons-nous,
Nous qui sommes attachées
Aux petites choses ?
La fêlure d’une tasse de porcelaine
Est-elle si profonde
Pour que l’univers entier vienne
S’y martyriser ?
Nous qui cultivons la moindre poudre d’épices
Pour donner la saveur au monde
Et guérir les écorchures ?
Dans nos jardins d’hiver
Les fleurs aux goûts étranges
Nous parlent-elles comme dans les livres
De l’histoire oubliée des peuples
D’autrefois ?
Inquiètes et frissonnantes,
Fidèles à celles qui nous ont précédées,
Nous demeurons dans nos étranges laboratoires
Remplis de sucres et de miels,
Nous cuisons les fruits amers
Dans la cire des abeilles
Et nous polissons nos bassines de cuivre
Comme des creusets pour fondre l’or.
Artemisia