Aller au contenu





Marchand de confiance

Posté par plusloin, 19 octobre 2008 · 667 visite(s)

Textes
Marchand de confiance

Une ruelle la nuit où des pas pesants tapent le pavé fraîchement vieilli. Ganaël, a l’allure d’une personne envahie par le doute, maladroit de ses pieds qui ne savent où aller, tantôt à gauche, et tantôt à droite. Soudainement, il s’immobilise devant un porche qu’un réverbère érudit éclaire par une lumière enflammée.
Au centre, Ganaël découvre une porte toute de bois vêtue, elle aussi fraîchement vieillie. Attrapant enfin le heurtoir par sa main valide, il le pousse violemment contre la plaque verdâtre de la porte. Rien ne fait, la réponse est muette.
Harcelée, la lourde porte finit par s’ouvrir sur une personne amaigrie, qui arbore de coutume un large sourire.
- « Bonsoir »
- « Oui, bonsoir, que puis-je pour vous ? »
- « Euh ! j’ai besoin de cette eau précieuse que »
- « Je n’en ai plus », coupe le maigrichon.
- « plus ??, mais »
- « Revenez demain, Monsieur, nous serons livré »
- « Ne vous en reste-il pas encore une once ? »
- « La dernière s’est échappée, évaporée vers d’autres cieux »
- « Mais comment vais-je faire, j'en ai besoin »
- « Descendez ce boulevard », montre un doigt vieilli, « débarrassez-vous de votre superflu, éloignez les regrets s’ils viennent.
Passez la fontaine des pleurs. Prenez sur votre droite dans le bénédictin, une ou deux larmes, vous en aurez besoin. »
« Puis remontez l’avenue qui s’ouvrira à vous ; buvez les paroles des messages qui jailliront des échoppes. »
« Alors vous arriverez à une boutique nouvellement créée et »

Ayant pris froid, la porte se referme brusquement sans crier gare.
- « Et ? »
Ganaël reste penaud un instant encore plus emprunt au doute mais décidé cependant à entamer son pèlerinage.
Tout en descendant le boulevard ; la démarche plus alerte, Ganaël se sent moins chargé : les appréhensions qui le terrassaient le quittent doucement. Quelques regrets, qui essayent de lui tenir tête sont balayés par un détour des yeux.
Toute de pierre montée, la fontaine jacte par flot aléatoire une eau étrangement volatile. Voyant le bénédictin, Ganaël se charge en larmes, une puis deux puis trois, tant que sa besace peut en contenir.
Alors fidèlement l’avenue s’offre à ses pas pressés. Tandis qu’il grimpe l’avenue, bizarrement, un filet d’eau la descend par bâbord. Sans plus de surprise, Ganaël continue sa quête,
parcourant la nuit l’avenue insolente
de ces boutiques florissantes
diffusant à foison des paroles réconfortantes.
Il boit les paroles sortant des enseignes, même celles qui sont lourdes de sens, toujours plus dure à avaler,
tandis que des couleuvres descendent le ruisseau devenu grand. Ganaël boit jusqu’à plus soif tout en s’approchant de son but.
Il reconnait de la dernière boutique, sa porte au bois vert dont la sève s’échappe encore de ses veines taillées, mais aussi son enseigne qui illumine le plus son visage. Ragaillardi, il sonne la cloche pour annoncer sa présence. Rien ne fait, la porte demeure immobile, fière devant ce commun des mortels. Ce n’est pas sa nuit !
Malgré ses appels demeurés sourds, Ganaël ne l’entend pas de cette oreille, aussi, il tambourine sur le bois qui se cicatrise déjà. Il tape si fort qu’un panonceau tombé du fronton de la porte vient se balancer devant ses yeux surpris.
C’est à se moment que Ganaël déverse les larmes qu’il avait recueillies, alimentant ainsi le ruisseau grandissant, tout en dodelinant de la tête et répétant entre deux sanglots le message qu’il venait de lire :
« Marchand de confiance »
« parti en errance »
« aux îles Caïmans ».


Eric L. le 18 octobre 2008.




Ma photo

Derniers billets

Mai 2025

D L M M J V S
     1 23
45678910
11121314151617
18192021222324
25262728293031

Derniers commentaires

Rechercher dans le blog

1 utilisateur(s) actif(s)

0 invité(s) et 1 utilisateur(s) anonyme(s)

Catégories