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« Entre ici, Jean Moulin... »

Posté par michelconrad, 16 mars 2018 · 325 visite(s)

En décembre 1964, je suis élève d’un lycée, en classe de première. Le 19 décembre, André Malraux prononce un discours pour le transfert des cendres de Jean Moulin au Panthéon. Quelques jours plus tard, l’un de mes camarades de classe, voulant absolument que je prenne connaissance du discours de Malraux, que je n’avais pas lu, ni entendu, m’apporte un cahier d’écolier où il a recopié intégralement, à la main, pour moi seul, ce discours. Encore aujourd’hui, je m’interroge sur le sens de ce geste insolite : s’agissait-il , dans son esprit, de me transmettre, dans l’urgence, une sorte de legs spirituel ?
 
Un demi-siècle plus tard, je relis le texte du discours, qui se hausse, en trois endroits, à la hauteur d’une création poétique, au  souffle même de l’épopée, au travers de  ces trois apostrophes grandioses : « Pauvre roi supplicié des ombres, regarde ton peuple d’ombres se lever dans la nuit de juin constellée de tortures »… « Comme Leclerc entra aux Invalides avec son cortège d’exaltation dans le soleil d’Afrique, entre ici, Jean Moulin avec ton terrible cortège ». «Entre ici » : on ne peut adresser un ordre à un mort : de cette transgression jaillit la poésie... «Aujourd'hui, jeunesse, puisses-tu penser à cet homme comme tu aurais approché tes mains de sa pauvre face informe du dernier jour, de ses lèvres qui n'avaient pas parlé. Ce jour-là, elle était le visage de la France ».
 
Ces figures de rhétorique montrent , s’il en était besoin, que, comme l’écrivit également Malraux, « l’art, c’est la seule chose qui résiste à la mort », la seule chose qui permette d’assurer la pérennité de ce que nous fûmes, « intus et in cute ».
 

16/3/18



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