Aller au contenu





Ce qui ne s'éteint point

Posté par Loup-de-lune, 16 février 2014 · 703 visite(s)

la terre qui s'étire dans la vallée
je ne la reconnaissais plus
elle était cette lisse offrande à de nouveaux tracés
 
c'est qu'une nuit tout entière
l'une de ces nuits d'astres enfuis et de prodigues luminaires
avait neigé sur elle
 
j'y engageai mon pas avec l'élan de l'aube
je la perçai d'une escapade lente
je m'y fichai jusqu'aux genoux
clou de chair croyant fixer la toile de l'effort
 
une légère hauteur déjà
me signifia l'espace du repos
et je voyais à travers la vapeur du respir
mes empreintes sinuer pour une présence
 
ô creux ô vides qui avez la forme de la trajectoire
 
 
des montagnes
se détachait le soleil
 
mes yeux se fermèrent un instant
pour s'accoutumer à l'illumination de la neige
 
depuis les confins reconsidérés par la métamorphose
jusques aux cimes des arbres qui m'environnaient
la transportante clarté du blanc
 
mes yeux brûlaient
et leurs flammes tranquilles s'appelaient des larmes
 
c'était cette exhortation murmurante
à réunir le corps et la lumière
en un prosternement qui ne passe plus
 
c'était cette exclamation de Faust
lançant à l'instant : demeure, beauté pleine !
 
et même le vol des corneilles était devenu blanc
sur le ciel de l'étourdissant silence
 
j'avais déposé souffle et sang
et connaissances
et chimères
au paroxysme de l'évidence
 
 
or
se présentèrent et m'aliénèrent
les machines des hommes
sonores et régulières
 
elles retrouveraient inéluctablement les chemins convenus
entre les murets de neige qu'elles dresseraient sur leurs bords
 
mais je ne savais plus y marcher
je n'avais plus le sens commun d'y retourner
je m'évertuais à croire en ma stupeur
relique de l'extase
 
 
les chemins furent révélés comme des disciplines
ils cinglaient toute la peau de l'étendue claire
de laquelle j'avais participé
 
 
abondante
la pluie qui s'abattit sur la vallée
changeant la neige
en ruisseaux de cendre et de caramel
 
et j'eus peur pour cette parcelle
réfugiée au fond de moi
si loin des cheveux d'eau
et des vêtements glacés
 
aussi me hâtant sous la trombe
je rentrai chez moi
 
 
la pluie s'empara d'un siècle de la nuit
mais la blancheur ravissante brillait en moi
 
peut-être ai-je connu quelque moment de sommeil
mais je n'avais pas besoin de rêver
 
 
poussée par l'aube suivante
je renouai avec l'un des chemins convenus
 
terre et caillasse et brindilles s'étaient amoncelées
d'une couleur de vieux monde pourrissant
 
et puis
à l'extrémité de la persévérance
m'apparut ce monticule particulier
sur la ligne séparant le chemin du champ
 
en son sommet étincelait comme un fragment
de cette vallée de neige que j'avais éprouvée si claire
depuis les confins jusques aux cimes
 
mon approche précisa une pierre blanche
comme lavée comme polie comme ouvragée par les transformations
celles qui sont violentes
et celles qui sont imperceptibles
 
une pierre où le soleil déposait tout entier son retour
 
et je sentis un tressaillement au fond de moi
vivant miroir de la permanence
juchée sur les nausées de chair et de boue



Ma photo