
De la croisée le rectangle hanté de pâleurs
s'attache à mes yeux à peine ouverts
suffisant luminaire
pour soleiller le risque
de l'imagerie du revoir
après si long temps carentiel
je l'entends à nouveau
la voix de la balançoire
son va-et-vient qui presse les rouilles
répète l'esquisse de la mélancolie
elle m'est rendue
distincte, derrière les volets clos
l'inflexion riche de tout le temps sableux
et je laisse son frissonnant mystère
emplir le jardin
gagner intact la maison
la chambre
se confondre avec la sentinelle de la mémoire
puisque j'ai appris que les vents
n'ont pas de ces forces-là
que les enfants du village
n'ont pas de ces intrépidités nocturnes
qui font rouler minuit sur la pente de la rébellion
que le confident désoeuvré
n'a pas de ces actes cruels
qui sursoient à l'Hadès une minute immense
que ma douleur ne maléficie pas ainsi mes sens
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j'abandonne la balançoire au passage de ton ombre chère
sa persévérance muée en mélodie
en prélude au prodige
Et nous sommes racontés
par une pellicule pétillante
où fulgure un aède lacunaire
dans la solitude d'écrire
une après-midi d'automne
l'amour aura sonné
brandi ton visage
le monstre se sera angoisseusement interrompu
pour se travestir en hôte
mais ta présence sans après
aura rongé masque et costume
exacerbé les affres
mes cahiers implacables auront circonscrit nos jours
j'aurai écrit notre amour cahier après cahier
Et je ne l'aurai pas vécu
jusqu'aux syllabes
de ses systoles
jusqu'aux voyelles
de ses soupirs
j'aurai détaillé ton personnage
Et je ne t'aurai pas connu
de l'emparement seul d'un trophée
la convalescence
la métamorphose
je ne serais aimée qu'en lauréate
du roman de notre amour
et tout autour du livre triomphant
il n'y aurait que le décret d'amertume
Tu te seras éloigné
de la chambre
de la maison
pour que derrière la pourpre épaisse des rideaux
croisse le monstre d'écrire
j'entendais à la brune ton corps aller
et venir
ton balancement
aura diminué
par degrés
Puis le silence
ô mes mains lunaires de silence
à en dévoiler la plume désincarnée
à en refermer le cahier
le mouvement sans personne qui va ralentissant
Mais quelle créature appelle
se perd
s'évanouit enfin
au-delà des contours du jardin
où l'absence libère ses sfumatos ?
On me dira ton escalade
de pierres comme des guisarmiers
de broussailles comme des Erinyes
l'équilibre perdu dans l'abîme non crié
le visage retourné aux possibles du sang
ô tableaux du passé
vous surgissez sans lien
et chacune de vos ruptures
me détache de lui
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Renversé le vieux coffre
épand les cahiers
insondable
devient l'espace silencié
à rouvrir éperdument
le dernier d'entre eux
j'ai l'air de délinéamenter la merveille des ailes secourables
son inachèvement définitif
m'y voilà tout entière
Le déclin de la nuit
me rayonne sur la balançoire
je n'interroge pas plus avant
ni la charade d'empreintes intimidant le gazon
ni la rose brisée comme une révérence
je m'attelle à la lecture de notre amour
son écriture débleuie qui court sous la date si lointaine
- hasia, M. de Saint-Michel, bɔētiane et 2 autres aiment ceci
Superbe élégie en habits de deuil.
Lamentation tendre et touchante.
Bravo!
hasia