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Balançoire

Posté par Loup-de-lune, 24 septembre 2015 · 846 visite(s)

Balançoire Balançoire










De la croisée le rectangle hanté de pâleurs
s'attache à mes yeux à peine ouverts
suffisant luminaire
pour soleiller le risque
de l'imagerie du revoir

après si long temps carentiel
je l'entends à nouveau
la voix de la balançoire
son va-et-vient qui presse les rouilles
répète l'esquisse de la mélancolie

elle m'est rendue
distincte, derrière les volets clos
l'inflexion riche de tout le temps sableux
et je laisse son frissonnant mystère
emplir le jardin
gagner intact la maison
la chambre
se confondre avec la sentinelle de la mémoire

puisque j'ai appris que les vents
n'ont pas de ces forces-là
que les enfants du village
n'ont pas de ces intrépidités nocturnes
qui font rouler minuit sur la pente de la rébellion
que le confident désoeuvré
n'a pas de ces actes cruels
qui sursoient à l'Hadès une minute immense

que ma douleur ne maléficie pas ainsi mes sens
..................................................................................

j'abandonne la balançoire au passage de ton ombre chère
sa persévérance muée en mélodie
en prélude au prodige

Et nous sommes racontés
par une pellicule pétillante
où fulgure un aède lacunaire

dans la solitude d'écrire
une après-midi d'automne
l'amour aura sonné
brandi ton visage

le monstre se sera angoisseusement interrompu
pour se travestir en hôte
mais ta présence sans après
aura rongé masque et costume
exacerbé les affres

mes cahiers implacables auront circonscrit nos jours
j'aurai écrit notre amour cahier après cahier
Et je ne l'aurai pas vécu

jusqu'aux syllabes
de ses systoles
jusqu'aux voyelles
de ses soupirs
j'aurai détaillé ton personnage
Et je ne t'aurai pas connu

de l'emparement seul d'un trophée
la convalescence
la métamorphose
je ne serais aimée qu'en lauréate
du roman de notre amour
et tout autour du livre triomphant
il n'y aurait que le décret d'amertume


Tu te seras éloigné
de la chambre
de la maison
pour que derrière la pourpre épaisse des rideaux
croisse le monstre d'écrire

j'entendais à la brune ton corps aller
et venir

ton balancement
aura diminué
par degrés

Puis le silence
ô mes mains lunaires de silence
à en dévoiler la plume désincarnée
à en refermer le cahier
le mouvement sans personne qui va ralentissant
Mais quelle créature appelle
se perd
s'évanouit enfin
au-delà des contours du jardin
où l'absence libère ses sfumatos ?


On me dira ton escalade
de pierres comme des guisarmiers
de broussailles comme des Erinyes
l'équilibre perdu dans l'abîme non crié
le visage retourné aux possibles du sang

ô tableaux du passé
vous surgissez sans lien
et chacune de vos ruptures
me détache de lui
........................................................................

Renversé le vieux coffre
épand les cahiers
insondable
devient l'espace silencié

à rouvrir éperdument
le dernier d'entre eux
j'ai l'air de délinéamenter la merveille des ailes secourables
son inachèvement définitif
m'y voilà tout entière

Le déclin de la nuit
me rayonne sur la balançoire
je n'interroge pas plus avant
ni la charade d'empreintes intimidant le gazon
ni la rose brisée comme une révérence

je m'attelle à la lecture de notre amour
son écriture débleuie qui court sous la date si lointaine

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                                               Superbe élégie en habits de deuil.

                     Lamentation tendre et touchante.

  Bravo!

hasia

Magnifique aller-retour, en reflets et échos, larmes brisées et voix échappées, entre le monde intérieur et le silence glacé de l'externe ! Merci pour ce poème admirablement écrit, où chaque vers nous en apprend un peu plus sur la nature humaine et l'éternelle présence des disparus !

« Vous "voilà tout entière", au sortir des " ruptures" magnifique " balançoire". Nullement enfermée pour autant, ni par vous ni les autres. c'est ma lecture, et mon bravo à la sonorité et l'ampleur de ces vers sans aucune moisissure mais vivants, généreux, en avant, en élan, en allant (...) et surtout , allez de votre élan , vos talents, de votre vie en vies, sans périr ni subir , ni vouloir nuire , ni à vous ni à autrui. mes respectueuses salutations très sincèrement. »

M. H.
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