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Solitudes

Posté par Loup-de-lune, 11 février 2017 · 602 visite(s)

Solitudes



sur la berge étaient assises

deux mélancoliques filles

l'une buvait l'orge musiquante

l'autre dardait son regard

sur la cendre et l'ardoise et le mauve

qui coulaient vers les arches monotones



chacune occupait un banc

et il semblait s'exhaler de chacune

une épure d'espace imperceptible à l'autre



j'avais tant besoin d'elles

du fanal de la rencontre

pour le navigateur las



mes yeux crièrent

jusqu'à la fixité du crâne

j'avais tant besoin d'exprimer



mais on n'en saurait rien

et passé, honteux du souffle même

j'atteignis un angle d'herbes et de pierres si aigu

que le réel s'y déchira n'y laissant qu'un lambeau



il y en a tant qui s'approchent ainsi

de l'eau puissante

après un long temps de pluie

il y en a tant qui se croient maîtres

d'y démissionner l'adversité

afin qu'elle roule jusqu'aux mers dissolvantes



à mon sang se mêlait un alcool amer

et dans le songe ainsi enfanté

je hélai les filles



favori de la chimère

je l'osai, oui, je l'osai

la syntaxe régénératrice de l'orge

la pragmatique souveraine du houblon

à haute voix de tempête descellée

le langage de l'humain épanchement



et torrentiel je disais l'amour tué

les lentes ruines des lieux d'étreintes

et cette toute première sonnerie dense

dans la solitude du scriptorium

et je disais cette main trouvant la main

à la place de tout le vent passé

torrentiel je disais la délicatesse des sourcils

et les frissons légers sur les paupières

à l'instant des visages parfaits l'un par l'autre



au-devant de mon sang

de ma mémoire

de mon soliloque

allait une entière rivière de liqueur

grosse d'une saison en orage



dans le goût du réveil

s'empoisonna un peu plus le baiser de ma chance



mais c'est le sac hideux d'acharnée munificence

la bouquinée supplique pour le pardon

qui disparut dans les flots plutôt que moi



oh ! la gravité du corps sur la berge déserte !

oh ! l'épaississement du mouvement

sans nulle destination

que l'un de ces trains décochés dans la nuit

et qu'empennent des fulgurations de soufre



Que la Poésie - qui est amour - puisse rompre l'anonyme solitude et donne sens au destin...

Que la Poésie - qui est amour - puisse rompre l'anonyme solitude et donne sens au destin...




... mais de grâce, qu'elle demeure aussi, surtout, le reflet de l'essentielle part de mystère qui habite tout homme...

Loup-de-lune

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