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En route vers le paradis

Posté par Laurence HERAULT, dans Poèmes 24 avril 2021 · 325 visite(s)

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En route vers le paradis 
 
 
 
Il y a cinquante ans, venus pour présenter
Les croquis d'un projet de monument sculpté
Érigé en mémoire du Soldat inconnu,
Deux artistes se rendent au nord du Kazakhstan,
Là où sont déportés par villages entiers
Des peuples que la guerre a conduits bien souvent
Dans des camps opposés.
 
Un autobus manqué, le seul de la journée,
Il en faut davantage pour arrêter ces hommes
Dans la force de l'âge, et les deux amis partent
Vers le lointain village qu'ils doivent regagner ;
 
Des heures à marcher sans se décourager,
Écrasés sous le feu d'un implacable été,
Harcelés de nuées de moustiques zélés,
Bravant les kilomètres dans la steppe eurasienne
Avant de s'arrêter, fourbus et assoiffés,
Près d'un puits isolé des plus providentiels.
 
Un couple très âgé qui n'avait pas croisé
La route d'étrangers depuis belle lurette,
Accueille avec bonheur ces rares visiteurs
Dans la pénombre fraîche de l'humble maisonnette.
 
Le vieillard sympathique à la barbe fleurie,
Un vieux Russe typique des contes folkloriques,
Leur sert alors à boire une bonne vodka,
Évoquant, nostalgique, le tout jeune soldat
 
Qui avait découvert avec sa compagnie,
Lors de la Grande Guerre, le plateau d'Arménie ;
Sa montagne sacrée, Ararat, et le lac
De Van aux bleus reflets, tableau paradisiaque
Gravé à tout jamais dans ses yeux éblouis.
 
Puis la route reprend, jusqu'à ce qu'elle s'inscrive
Dans chacune des fibres des muscles douloureux,
Et quand au loin paraît sur le chemin poudreux,
Croix-Rouge sur fond blanc, le mirage tremblant
D'une unique ambulance, l'espérance renaît...
Il faut saisir sa chance et ne pas la lâcher.
 
Un seul geste suffit et les portes arrière
S'ouvrent sur une scène digne du Paradis ;
Car là, sur la banquette, d'une blancheur de neige,
Radieuse vision, des anges sont assis !
 
Ces fraîches jeunes filles en blouse d'infirmière,
Aux si roses pommettes et ravissant sourire,
Se sont un peu serrées pour leur faire une place,
Les laissant bouche bée, jusqu'au prochain village.
 
Gentiment escortés des belles polonaises,
La suite du voyage n'en est que plus léger ;
S'achevant en un rêve à demi éveillé,
Comme si ils allaient embarquer vers Cythère...
 
 
 
Laurence
19 janvier 2020
 
 
Ce poème est dédié à Monsieur Hovhannès Haroutiounian qui m'a confié ce souvenir.
 
 
 
 
 



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