Je suis né à reculons
seule façon de naître
sans sitôt connaître
le foudroiement de la mort
car cela s’entend
la fin ne fournit pas les moyens
bien sûr le jour fatalement
ne peut succéder qu’à la nuit
mais elle est grouillante la nuit
dangereuse aussi
parcourue de sentes traitresses
aux allures de coupe-gorges
mieux vaut la fuir
chercher le jour ailleurs
remonter à la source peut-être
à cette pulsation
qui faisait sauter le cœur
dans la poitrine
perler la sueur au front
vous souvenez-vous
de cette croisée de chemins
où vous avez trébuché
que s’était-il passé ?
vous n’étiez pas seuls
tous d’ailleurs ont trébuché
il faut reculer
mais où donc était
ce carrefour manqué
qu’avons-nous fait
d’où vient notre aveuglement
de moi à moi
parfois j’ai du parcourir le chemin
je partais à reculons
ce sont des pas qui coûtent
blessures
blessures encore
à l’évidence le sein
n’est bon aux dieux
que pour se les concilier
la hache de mon père elle
me va dans la main comme un gant
je viens de loin
de l’avant bien loin devant
je viens de la nuée et des brouillards
du front de l’orage
qui vous fascinent et vous épouvantent
je viens vous dire la vanité
de votre marche
je viens du front de l’orage
gros de ses forces
et la hache de mon père
me va dans la main