Je parlais un soir à une jeune indienne
dont le visage triste s'éclairait de lune ;
de timides étoiles brunes
luisaient dans ses yeux d'obsidienne
Ce soir, l'ombre de la forêt bruissait de mystères,
des bruits de la nuit, des bruits de la terre,
et, dans les vestiges de pierre à tête de jaguar,
j'attendais que le jour enfin se lève
pour chasser les démons qui emplissaient mes rêves.
Au matin, devant mes yeux ouverts,
sur le lac Atitlàn coulait une lumière argentée .
Dans le ciel bas, encore livide
Planait un aigle, sur le miroir sans rides ;
Les premières cerises rougissaient au flanc des volcans
dans l’ombre haut perchée de verts caféiers ;
plus bas s’ouvrait la plaine, sous l’œil du toucan .
Entre les sentiers profonds, couverts de poudre jaune.
S’étendaient les champs piégés, aux sillons semés de mines,
des bosquets, abritant de maléfiques faunes,
des moustiques, des serpents et des carabines.
D'étranges silhouettes déplaçaient leur ombre
dans la froide lumière ; leur mine était sombre ;
des indiens suivaient le planteur tête baissée
ne laissant voir sur leur face aucune pensée .
Plus bas, vers la mer , la moiteur de la forêt
et son entrelacs de lianes dans la brume dorée.
Des indiennes aux yeux sombres , amandes de jais,
Fondent dans l’ombre leur corps menu, comme des poupées.
Un perroquet vert interroge le silence ;
son cri aigu se perd dans l’ombre dense
qui recouvre les buissons parfumés.
Ici, loin des cimes aux rudes laves noires ,
rôde aussi la peur, sous un masque d’ivoire,
les visages ronds de statues olmèques,
de déesses Mayas, aux riches couleurs ,
suivent le cortège d’éternelles obsèques;
leurs yeux aux larmes de jade noir
ont d’étranges lueurs.