Ô mes fleurs d'antan,
À l'ombre des malpropres
Je vous ai vues éclore,
Moi, qui cultivais le temps,
Qui semais les aurores,
Qui comptais
Sur mes doigts d'enfant
Moins d'hivers que d'étés.
Et tout fout le camp.
Ô ma fougueuse jeunesse,
Mes primes amours,
Sa chaleur au soleil
Ses tons sépia,
Comme je vous délaisse,
Au sombre détour
D'un réveil
Indélicat.
Et tout fout le camp.
J'ai le souvenir
De quelques fâcheux,
De ces pauvres âmes
Qui mes jours heureux
Ont taché de larmes,
Sans moindre repentir.
Et j'ai cette aigreur
Des yeux sans vergogne
De fidèles félons
Qui cognent et cognent
Encore, sans saveur
Aucune, aux portes de mon nom.
Et tout fout le camp.
J'ai, dans le creux de la tête,
Quelques filles de joie,
Quelques filles de pleurs
Qui, à ma retraite,
Et ce, j'en ai peur,
Ne laisseront d'émoi
Qu'un prompt regret.
Et tout fout le camp.
Tout fout le camp,
Mes hantises, ma vaillance,
Ma prestance, mes angoisses,
Mon acharnement,
Ma poisse,
Mes rancœurs, mes alliances,
Ma plume maladive,
Mes séductions récréatives,
La chair de mes os,
Tout fout le camp.
Mais, de tous les coups de cravache
Que m’infligent les âges et le sort,
Un seul me lancine encore
Et m'enchante de vivre :
Mon insolent panache
À demeurer libre.
Et que tout le reste foute le camp.