Chaque matin du monde, je demeure sur mon banc, absorbé, à l'écoute du chant sobre d'un oiseau perdu dans les hautes branches d'un arbre qui me donne son ombre. Je fixe les rais du soleil qui serpentent sur le toit du clocher de l'église et glissent le long de ses murs, comme du lierre enflammé. Et ce ciel un peu sombre, d'un bleu indéfinissable, presque "adorable"...
Le bel écrin des brumes s'est défait et quelques gouttes recueillies sur les paumes de ma main rafraîchissent mes tempes douloureuses. C'est l'homme que je lis dans ma main, laborieux ou oisif, et comme ces gouttelettes à mes tempes réfléchissent, rafraîchissent sa pensée dans la lumière divine du ciel. Il ira vers le grisâtre, couleur plus âpre d'après-midi finissant d'automne, mais je sais qu'il mourra dans la persistance d'un rose sanglant qui, sur le soir, tremble en s'effeuillant comme l'arbre parmi le vent.
L'Evangile est un maître d'Allemagne, et l'étalon de sa rigueur fait que nous sommes tous fils de pasteur, guidant les âmes, les gardant des abîmes. Et encore d'autres patriarches viendront après nous, montant sur les cimes, sondant les abysses... Mais parmi eux, combien de maîtres équilibristes pour dompter les chevaux fougueux de nos passions ?
Le monde est en éternelle révolution, la roue tourne si le moyeu en est usé. Nous voyons le même ciel du soir au matin, changeant, divisé contre lui-même quand il engendre la foudre ou nous troublant un instant lorsqu'il s'éclaire ou se masque ; pourtant, ce n'est jamais deux fois le même.
Ah ! si j'ai encore un printemps à venir, qu'écrirai-je ? J'en dirai plus une autre fois, car j'ai sous les yeux la seule saison qui s'accorde à mon âme, et réclame le silence...