Un jour un I grec
Mal habillé, tout sec,
Rencontre dans la rue
L'X, la belle inconnue.
C'est toujours comme ça
Que l'amour, sans combat,
Gagne contre l'ennui
Son bonheur d'aujourd'hui.
L'I figure un passant
Qui se voit maintenant
Dans le regard du ciel
Comme un ange, essentiel.
Aussi tend-il les bras
Comme un V sur un mât,
Victoire sur le sort.
Il y met tout son corps.
L'X est abasourdie
Par la mine ravie
Du curieux passant
Qui l'aime éperdument.
Prudente elle rappelle
À l'I qui ne voit qu'elle
Son terrible vécu
D'inconnue, son statut :
« Je ne sais nul ami,
Dit-elle sans chichi
Qui ne perce mon cœur
Sans que j'en aie douleur.
Sitôt qu'on me connaît
- Ce n'est pas un secret,
Je risque de mourir
Connue, sans avenir. »
L'I grec réfléchit :
« Ne m'est-il pas permis
D'aimer, sans la connaître
Et sans en être maître,
Une telle beauté
De toujours honorer
Sa sublime magie
Sans menacer sa vie ?
Qui ne sait cela
Ne vous mérite pas,
Je vous en fais serment :
Je veux aveuglément
Tomber à vos genoux,
Ne rien chercher du tout
Qui contrarie la flamme
Inconnue de mon âme. »
Verroteries©M.KISSINE – ISBN 9782919390274