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Saint Bernard (1090-1153)


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pigloo

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Posté 30 juillet 2017 - 02:34

Parmi les grandes figures du moyen âge, il en est peu dont létude soit plus propre que celle de saint Bernard à dissiper certains préjugés chers à lesprit moderne. Quy a-t-il, en effet, de plus déconcertant pour celui-ci que de voir un pur contemplatif, qui a toujours voulu être et demeurer tel, appelé à jouer un rôle prépondérant dans la conduite des affaires de lÉglise et de lÉtat, et réussissant souvent là où avait échoué toute la prudence des politiques et des diplomates de profession ? Quoi de plus surprenant et même de plus paradoxal, suivant la façon ordinaire de juger les choses, quun mystique qui néprouve que du dédain pour ce quil appelle « les arguties de Platon et les finesses dAristote », et qui triomphe cependant sans peine des plus subtils dialecticiens de son temps ? Toute la vie de saint Bernard pourrait sembler destinée à montrer, par un exemple éclatant, quil existe, pour résoudre les problèmes de lordre intellectuel et même de lordre pratique, des moyens tout autres que ceux quon sest habitué depuis trop longtemps à considérer comme seuls efficaces, sans doute parce quils sont seuls à la portée dune sagesse purement humaine, qui nest pas même lombre de la vraie sagesse. Cette vie apparaît ainsi en quelque sorte comme une réfutation anticipée de ces erreurs, opposées en apparence, mais en réalité solidaires, que sont le rationalisme et le pragmatisme; et, en même temps, elle confond et renverse, pour qui lexamine impartialement, toutes les idées préconçues des historiens « scientistes » qui estiment avec Renan que « la négation du surnaturel forme lessence même de la critique », ce que nous admettons dailleurs bien volontiers, mais parce que nous voyons dans cette incompatibilité tout le contraire de ce quils y voient, la condamnation de la « critique » elle-même, et non point celle du surnaturel. En vérité, quelles leçons pourraient, à notre époque, être plus profitables que celles-là ?

Bernard naquit en 1090 à Fontaines-lès-Dijon; ses parents appartenaient à la haute noblesse de la Bourgogne, et, si nous notons ce fait, cest quil nous paraît que quelques traits de sa vie et de sa doctrine, dont nous aurons à parler dans la suite, peuvent jusquà un certain point être rattachés à cette origine. Nous ne voulons pas seulement dire quil est possible dexpliquer par là lardeur parfois belliqueuse de son zèle, ou la violence quil apporta à maintes reprises dans les polémiques où il fut entraîné, et qui était dailleurs toute de surface, car la bonté et la douceur faisaient incontestablement le fond de son caractère. Ce à quoi nous entendons surtout faire allusion, ce sont ses rapports avec les institutions et lidéal chevaleresques, auxquels, du reste, il faut toujours accorder une grande importance si lon veut comprendre les événements et lesprit même du moyen âge.

Cest vers sa vingtième année que Bernard conçut le projet de se retirer du monde; et il réussit en peu de temps à faire partager ses vues à tous ses frères, à quelques-uns de ses proches et à un certain nombre de ses amis. Dans ce premier apostolat, sa force de persuasion était telle, en dépit de sa jeunesse, que bientôt « il devint, dit son biographe, la terreur des mères et des épouses; les amis redoutaient de le voir aborder leurs amis ». Il y a déjà là quelque chose dextraordinaire, et il serait assurément insuffisant dinvoquer la puissance du « génie », au sens profane de ce mot, pour expliquer une semblable influence. Ne vaut-il pas mieux y reconnaître laction de la grâce divine qui, pénétrant en quelque sorte toute la personne de lapôtre et rayonnant au dehors par sa surabondance, se communiquait à travers lui comme par un canal, suivant la comparaison que lui-même emploiera plus tard en lappliquant à la Sainte Vierge, et que lon peut aussi, en en restreignant plus ou moins la portée, appliquer à tous les saints ?

Cest donc accompagné dune trentaine de jeunes gens que Bernard, en 1112, entra au monastère de Cîteaux, quil avait choisi en raison de la rigueur avec laquelle y était observée la règle, rigueur contrastant avec le relâchement qui sétait introduit dans toutes les autres branches de lOrdre bénédictin. Trois ans plus tard, ses supérieurs nhésitaient pas à lui confier, malgré son inexpérience et sa santé chancelante, la conduite de douze religieux qui allaient fonder une nouvelle abbaye, celle de Clairvaux, quil devait gouverner jusquà sa mort, repoussant toujours les honneurs et les dignités qui soffriraient si souvent à lui au cours de sa carrière. Le renom de Clairvaux ne tarda pas à sétendre au loin, et le développement que cette abbaye acquit bientôt fut vraiment prodigieux : quand mourut son fondateur, elle abritait, dit-on, environ sept cents moines, et elle avait donné naissance à plus de soixante nouveaux monastères.

Le soin que Bernard apporta à ladministration de Clairvaux, réglant lui-même jusquaux plus minutieux détails de la vie courante, la part quil prit à la direction de lOrdre cistercien, comme chef dune de ses premières abbayes, lhabileté et le succès de ses interventions pour aplanir les difficultés qui surgissaient fréquemment avec des Ordres rivaux, tout cela eût déjà suffi à prouver que ce quon appelle le sens pratique peut fort bien sallier parfois à la plus haute spiritualité. Il y avait là plus quil nen eût fallu pour absorber toute lactivité dun homme ordinaire; et pourtant Bernard allait bientôt voir souvrir devant lui un tout autre champ daction, bien malgré lui dailleurs, car il ne redouta jamais rien tant que dêtre obligé de sortir de son cloître pour se mêler aux affaires du monde extérieur, dont il avait cru pouvoir sisoler à tout jamais pour se livrer entièrement à lascèse et à la contemplation, sans que rien vînt le distraire de ce qui était à ses yeux, selon la parole évangélique, « la seule chose nécessaire ».

En cela, il sétait grandement trompé; mais toutes les « distractions », au sens étymologique, auxquelles il ne put se soustraire et dont il lui arriva de se plaindre avec quelque amertume, ne lempêchèrent point datteindre aux sommets de la vie mystique. Cela est fort remarquable; ce qui ne lest pas moins, cest que, malgré toute son humilité et tous les efforts quil fit pour demeurer dans lombre, on fit appel à sa collaboration dans toutes les affaires importantes, et que, bien quil ne fût rien au regard du monde, tous, y compris les plus hauts dignitaires civils et ecclésiastiques, sinclinèrent toujours spontanément devant son autorité toute spirituelle; et nous ne savons si cela est plus à la louange du saint ou à celle de lépoque où il vécut. Quel contraste entre notre temps et celui où un simple moine pouvait, par le seul rayonnement de ses vertus éminentes, devenir en quelque sorte le centre de lEurope et de la Chrétienté, larbitre incontesté de tous les conflits où lintérêt public était en jeu, tant dans lordre politique que dans lordre religieux, le juge des maîtres les plus réputés de la philosophie et de la théologie, le restaurateur de lunité de lÉglise, le médiateur entre la Papauté et lEmpire, et voir enfin des armées de plusieurs centaines de mille hommes se lever à sa prédication !

Bernard avait commencé de bonne heure à dénoncer le luxe dans lequel vivaient alors la plupart des membres du clergé séculier et même les moines de certaines abbayes; ses remontrances avaient provoqué des conversions retentissantes, parmi lesquelles celle de Suger, lillustre abbé de Saint-Denis, qui, sans porter encore le titre de premier ministre du roi de France, en remplissait déjà les fonctions. Cest cette conversion qui fit connaître à la cour le nom de labbé de Clairvaux, quon y considéra, semble-t-il, avec un respect mêlé de crainte, parce quon voyait en lui ladversaire irréductible de tous les abus et de toutes les injustices; et bientôt, en effet, on le vit intervenir dans les conflits qui avaient éclaté entre Louis le Gros et divers évêques, et protester hautement contre les empiètements du pouvoir civil sur les droits de lÉglise. À vrai dire, il ne sagissait encore là que daffaires purement locales, intéressant seulement tel monastère ou tel diocèse; mais, en 1130, il survint des événements dune tout autre gravité, qui mirent en péril lÉglise tout entière, divisée par le schisme de lantipape Anaclet II, et cest à cette occasion que le renom de Bernard devait se répandre dans toute la Chrétienté.

Nous navons pas à retracer ici lhistoire du schisme dans tous ses détails : les cardinaux, partagés en deux factions rivales, avaient élu successivement Innocent II et Anaclet II; le premier, contraint de senfuir de Rome, ne désespéra pas de son droit et en appela à lÉglise universelle. Cest la France qui répondit la première; au concile convoqué par le roi à Étampes, Bernard parut, dit son biographe, « comme un véritable envoyé de Dieu », au milieu des évêques et des seigneurs réunis; tous suivirent son avis sur la question soumise à leur examen et reconnurent la validité de lélection dInnocent II. Celui-ci se trouvait alors sur le sol français, et cest à labbaye de Cluny que Suger vint lui annoncer la décision du concile; il parcourut les principaux diocèses et fut partout accueilli avec enthousiasme; ce mouvement allait entraîner ladhésion de presque toute la Chrétienté. Labbé de Clairvaux se rendit auprès du roi dAngleterre et triompha promptement de ses hésitations; peut-être eut-il aussi une part, au moins indirecte, dans la reconnaissance dInnocent II par le roi Lothaire et le clergé allemand. Il alla ensuite en Aquitaine pour combattre linfluence de lévêque Gérard dAngoulême, partisan dAnaclet II; mais cest seulement au cours dun second voyage dans cette région, en 1135, quil devait réussir à y détruire le schisme en opérant la conversion du comte de Poitiers. Dans lintervalle, il avait dû se rendre en Italie, appelé par Innocent II qui y était retourné avec lappui de Lothaire, mais qui était arrêté par des difficultés imprévues, dues à lhostilité de Pise et de Gênes; il fallait trouver un accommodement entre les deux cités rivales et le leur faire accepter; cest Bernard qui fut chargé de cette mission difficile, et il sen acquitta avec le plus merveilleux succès. Innocent put enfin rentrer dans Rome, mais Anaclet demeura retranché dans Saint-Pierre dont il fut impossible de semparer; Lothaire, couronné empereur à Saint-Jean de Latran, se retira bientôt avec son armée; après son départ, lantipape reprit loffensive, et le pontife légitime dut senfuir de nouveau et se réfugier à Pise.

Labbé de Clairvaux, qui était rentré dans son cloître, apprit ces nouvelles avec consternation; peu après lui parvint le bruit de lactivité déployée par Roger, roi de Sicile, pour gagner toute lItalie à la cause dAnaclet, en même temps que pour y assurer sa propre suprématie. Bernard écrivit aussitôt aux habitants de Pise et de Gênes pour les encourager à demeurer fidèles à Innocent; mais cette fidélité ne constituait quun bien faible appui, et, pour reconquérir Rome, cétait de lAllemagne seule quon pouvait espérer un secours efficace. Malheureusement, lEmpire était toujours en proie à la division, et Lothaire ne pouvait retourner en Italie avant davoir assuré la paix dans son propre pays. Bernard partit pour lAllemagne et travailla à la réconciliation des Hohenstaufen avec lempereur; là encore, ses efforts furent couronnés de succès; il en vit consacrer lheureuse issue à la diète de Bamberg, quil quitta ensuite pour se rendre au concile quInnocent II avait convoqué à Pise. À cette occasion, il eut à adresser des remontrances à Louis le Gros, qui sétait opposé au départ des évêques de son royaume; la défense fut levée, et les principaux membres du clergé français purent répondre à lappel du chef de lÉglise. Bernard fut lâme du concile; dans lintervalle des séances, raconte un historien du temps, sa porte était assiégée par ceux qui avaient quelque affaire grave à traiter, comme si cet humble moine eût eu le pouvoir de trancher à son gré toutes les questions ecclésiastiques. Délégué ensuite à Milan pour ramener cette ville à Innocent II et à Lothaire, il sy vit acclamer par le clergé et les fidèles qui, dans une manifestation spontanée denthousiasme, voulurent faire de lui leur archevêque, et il eut la plus grande peine à se soustraire à cet honneur. Il naspirait quà retourner à son monastère; il y rentra en effet, mais ce ne fut pas pour longtemps.

Dès le début de lannée 1136, Bernard dut abandonner encore une fois sa solitude pour venir, conformément au désir du pape, rejoindre en Italie larmée allemande, commandée par le duc Henri de Bavière, gendre de lempereur. La mésintelligence avait éclaté entre celui-ci et Innocent II; Henri, peu soucieux des droits de lÉglise, affectait en toutes circonstances de ne soccuper que des intérêts de lÉtat. Aussi labbé de Clairvaux eut-il fort à faire pour rétablir la concorde entre les deux pouvoirs et concilier leurs prétentions rivales, notamment dans certaines questions dinvestitures, où il paraît avoir joué constamment un rôle de modérateur. Cependant, Lothaire, qui avait pris lui-même le commandement de larmée, soumit toute lItalie méridionale; mais il eut le tort de repousser les propositions de paix du roi de Sicile, qui ne tarda pas à prendre sa revanche, mettant tout à feu et à sang. Bernard nhésita pas alors à se présenter au camp de Roger, qui accueillit fort mal ses paroles de paix, et à qui il prédit une défaite qui se produisit en effet; puis, sattachant à ses pas, il le rejoignit à Salerne et sefforça de le détourner du schisme dans lequel lambition lavait jeté. Roger consentit à entendre contradictoirement les partisans dInnocent et dAnaclet, mais, tout en paraissant conduire lenquête avec impartialité, il ne chercha quà gagner du temps et refusa de prendre une décision; du moins ce débat eut-il pour heureux résultat damener la conversion dun des principaux auteurs du schisme, le cardinal Pierre de Pise, que Bernard ramena avec lui auprès dInnocent II. Cette conversion portait sans délai un coup terrible à la cause de lantipape; Bernard sut en profiter et à Rome même, par sa parole ardente et convaincue, il parvint en quelques jours à détacher du parti dAnaclet la plupart des dissidents. Cela se passait en 1137, vers lépoque des fêtes de Noël; un mois plus tard, Anaclet mourait subitement. Quelques-uns des cardinaux les plus engagés dans le schisme élurent un nouvel antipape sous le nom de Victor IV; mais leur résistance ne pouvait durer longtemps, et, le jour de loctave de la Pentecôte, tous firent leur soumission; dès la semaine suivante, labbé de Clairvaux reprenait le chemin de son monastère.

Ce résumé très rapide suffit pour donner une idée de ce quon pourrait appeler lactivité politique de saint Bernard, qui, dailleurs, ne sarrêta pas là : de 1140 à 1144, il eut à protester contre limmixtion abusive du roi Louis le Jeune dans des élections épiscopales, puis à intervenir dans un grave conflit entre ce même roi et le comte Thibaut de Champagne; mais il serait fastidieux de sétendre sur ces divers événements. En somme, on peut dire que la conduite de Bernard fut toujours déterminée par les mêmes intentions : défendre le droit, combattre linjustice, et, peut-être par-dessus tout, maintenir lunité dans le monde chrétien. Cest cette préoccupation constante de lunité qui lanime dans sa lutte contre le schisme; cest elle encore qui lui fait entreprendre, en 1145, un voyage dans le Languedoc pour ramener à lÉglise les hérétiques néo-manichéens qui commençaient à se répandre dans cette contrée. Il semble quil ait eu sans cesse présente à la pensée cette parole de lÉvangile : « Quils soient tous un, comme mon Père et moi nous sommes un. »

Cependant, labbé de Clairvaux navait pas seulement à lutter dans le domaine politique, mais aussi dans le domaine intellectuel, où ses triomphes ne furent pas moins éclatants, puisquils furent marqués par la condamnation de deux adversaires éminents, Abélard et Gilbert de la Porrée. Le premier sétait acquis, par son enseignement et par ses écrits, la réputation dun dialecticien des plus habiles; il abusait même de la dialectique, car, au lieu de ny voir que ce quelle est réellement, un simple moyen pour parvenir à la connaissance de la vérité, il la regardait presque comme une fin en elle-même, ce qui aboutissait naturellement à une sorte de verbalisme. Il semble aussi quil y ait eu chez lui, soit dans la méthode, soit pour le fond même des idées, une recherche de loriginalité qui le rapproche quelque peu des philosophes modernes; et, à une époque où lindividualisme était chose à peu près inconnue, ce défaut ne pouvait risquer de passer pour une qualité comme il arrive de nos jours. Aussi certains sinquiétèrent-ils bientôt de ces nouveautés, qui ne tendaient à rien moins quà établir une véritable confusion entre le domaine de la raison et celui de la foi; ce nest pas quAbélard fût à proprement parler un rationaliste comme on la parfois prétendu, car, en réalité, il ny eut pas de rationalistes avant Descartes; mais il ne sut pas faire la distinction entre ce qui relève de la raison et ce qui lui est supérieur, entre la philosophie profane et la sagesse sacrée, entre le savoir purement humain et la connaissance transcendante, et là est la racine de toutes ses erreurs. Nalla-t-il pas jusquà soutenir que les philosophes et les dialecticiens jouissent dune inspiration habituelle qui serait comparable à linspiration surnaturelle des prophètes ? On comprend sans peine que saint Bernard, lorsquon appela son attention sur de semblables théories, se soit élevé contre elles avec force et même avec un certain emportement, et aussi quil ait reproché amèrement à leur auteur davoir enseigné que la foi nétait quune simple opinion. La controverse entre ces deux hommes si différents, commencée dans des entretiens particuliers, eut bientôt un immense retentissement dans les écoles et les monastères; Abélard, confiant dans son habileté à manier le raisonnement, demanda à larchevêque de Sens de réunir un concile devant lequel il se justifierait publiquement, car il pensait bien conduire la discussion de telle sorte quelle tournerait aisément à la confusion de son adversaire. Les choses se passèrent tout autrement : labbé de Clairvaux, en effet, ne concevait le concile que comme un tribunal devant lequel le théologien suspect comparaîtrait en accusé; dans une séance préparatoire, il produisit les ouvrages dAbélard et en tira les propositions les plus téméraires, dont il prouva lhétérodoxie; le lendemain, lauteur ayant été introduit, il le somma, après avoir énoncé ces propositions, de les rétracter ou de les justifier. Abélard, pressentant dès lors une condamnation, nattendit pas le jugement du concile et déclara aussitôt quil en appelait à la cour de Rome; le procès nen suivit pas moins son cours, et, dès que la condamnation fut prononcée, Bernard écrivit à Innocent II et aux cardinaux des lettres dune éloquence pressante, si bien que, six semaines plus tard, la sentence était confirmée à Rome. Abélard navait plus quà se soumettre; il se réfugia à Cluny, auprès de Pierre le Vénérable, qui lui ménagea une entrevue avec labbé de Clairvaux et parvint à les réconcilier.

Le concile de Sens eut lieu en 1140; en 1147, Bernard obtint de même, au concile de Reims, la condamnation des erreurs de Gilbert de la Porrée, évêque de Poitiers, concernant le mystère de la Trinité; ces erreurs provenaient de ce que leur auteur appliquait à Dieu la distinction réelle de lessence et de lexistence, qui nest applicable quaux êtres créés. Gilbert se rétracta dailleurs sans difficulté; aussi fut-il simplement défendu de lire ou de transcrire son ouvrage avant quil neût été corrigé; son autorité, à part les points particuliers qui étaient en cause, nen fut pas atteinte, et sa doctrine demeura en grand crédit dans les écoles pendant tout le moyen âge.

Deux ans avant cette dernière affaire, labbé de Clairvaux avait eu la joie de voir monter sur le trône pontifical un de ses anciens moines, Bernard de Pise, qui prit le nom dEugène III, et qui continua toujours à entretenir avec lui les plus affectueuses relations; cest ce nouveau pape qui, presque dès le début de son règne, le chargea de prêcher la seconde croisade. Jusque là, la Terre Sainte navait tenu, en apparence tout au moins, quune assez faible place dans les préoccupations de saint Bernard; ce serait pourtant une erreur de croire quil fût demeuré entièrement étranger à ce qui sy passait, et la preuve en est dans un fait sur lequel, dordinaire, on insiste beaucoup moins quil ne conviendrait, et dont la portée réelle est beaucoup plus considérable que nos contemporains ne paraissent le soupçonner. Nous voulons parler de la part quil avait prise à la constitution de lOrdre du Temple, le premier des Ordres militaires par la date et par limportance, celui qui allait servir de modèle à tous les autres.

Cest en 1128, dix ans environ après sa fondation, que cet Ordre reçut sa règle au concile de Troyes, et cest Bernard qui, en qualité de secrétaire du concile, fut chargé de la rédiger, ou tout au moins den tracer les premiers linéaments, car il semble que ce nest quun peu plus tard quil fut appelé à la compléter, et quil nen acheva la rédaction définitive quen 1131. Il commenta ensuite cette règle dans le traité De laude novae militiae, où il exposa en termes dune magnifique éloquence la mission et lidéal de la chevalerie chrétienne, de ce quil appelait la « milice de Dieu ». Ces rapports de labbé de Clairvaux avec lOrdre du Temple, que les historiens modernes ne regardent que comme un épisode assez secondaire de sa vie, avaient assurément une tout autre importance aux yeux des hommes du moyen âge; et nous avons eu loccasion de montrer ailleurs quils constituent sans doute la raison pour laquelle Dante devait choisir saint Bernard pour son guide dans les ultimes cercles du Paradis.

Dès 1145, Louis VII avait formé le projet daller au secours des principautés latines dOrient, menacées par lémir dAlep; mais lopposition de ses conseillers lavait contraint à en ajourner la réalisation, et la décision définitive avait été remise à une assemblée plénière qui devait se tenir à Vézelay pendant les fêtes de Pâques de lannée suivante. Eugène III, retenu en Italie par une révolution suscitée à Rome par Arnaud de Brescia, chargea labbé de Clairvaux de le remplacer à cette assemblée; Bernard, après avoir donné lecture de la bulle qui conviait la France à la croisade, prononça un discours qui dut être, à en juger par leffet quil produisit, la plus grande action oratoire de sa vie; tous les assistants se précipitèrent pour recevoir la croix de ses mains. Encouragé par ce succès, Bernard parcourut les villes et les provinces, prêchant partout la croisade avec un zèle infatigable; là où il ne pouvait se rendre en personne, il adressait des lettres non moins éloquentes que ses discours. Il passa ensuite en Allemagne, où sa prédication eut les mêmes résultats quen France; lempereur Conrad, après avoir résisté quelque temps, dut céder à son influence et senrôler dans la croisade. Vers le milieu de lannée 1147, les armées française et allemande se mettaient en marche pour cette grande expédition, qui, en dépit de leur formidable apparence, allait aboutir à un désastre. Les causes de cet échec furent multiples; les principales semblent être la trahison des Grecs et le défaut dentente entre les divers chefs de la croisade; mais certains cherchèrent, fort injustement, à en rejeter la responsabilité sur labbé de Clairvaux. Celui-ci dut écrire une véritable apologie de sa conduite, qui était en même temps une justification de laction de la Providence, montrant que les malheurs survenus nétaient imputables quaux fautes des chrétiens, et quainsi « les promesses de Dieu restaient intactes, car elles ne prescrivent pas contre les droits de sa justice »; cette apologie est contenue dans le livre De Consideratione, adressé à Eugène III, livre qui est comme le testament de saint Bernard et qui contient notamment ses vues sur les devoirs de la papauté. Dailleurs, tous ne se laissaient pas aller au découragement, et Suger conçut bientôt le projet dune nouvelle croisade, dont labbé de Clairvaux lui-même devait être le chef; mais la mort du grand ministre de Louis VII en arrêta lexécution. Saint Bernard mourut lui-même peu après, en 1153, et ses dernières lettres témoignent quil se préoccupa jusquau bout de la délivrance de la Terre Sainte.

Si le but immédiat de la croisade navait pas été atteint, doit-on dire pour cela quune telle expédition était entièrement inutile et que les efforts de saint Bernard avaient été dépensés en pure perte ? Nous ne le croyons pas, malgré ce que peuvent en penser les historiens qui sen tiennent aux apparences extérieures, et il y avait à ces grands mouvements du moyen âge, dun caractère politique et religieux tout à la fois, des raisons plus profondes, dont lune, la seule que nous voulions noter ici, était de maintenir dans la Chrétienté une vive conscience de son unité. La Chrétienté était identique à la civilisation occidentale, fondée alors sur des bases essentiellement traditionnelles, comme lest toute civilisation normale, et qui allait atteindre son apogée au XIIIe siècle; la perte de ce caractère traditionnel devait nécessairement suivre la rupture de lunité même de la Chrétienté. Cette rupture, qui fut accomplie dans le domaine religieux par la Réforme, le fut dans le domaine politique par linstauration des nationalités, précédée de la destruction du régime féodal; et lon peut dire, à ce dernier point de vue, que celui qui porta les premiers coups à lédifice grandiose de la Chrétienté médiévale fut Philippe le Bel, celui-là même qui, par une coïncidence qui na assurément rien de fortuit, détruisit lOrdre du Temple, sattaquant par là directement à loeuvre même de saint Bernard.

Au cours de tous ses voyages, saint Bernard appuya constamment sa prédication par de nombreuses guérisons miraculeuses, qui étaient pour la foule comme des signes visibles de sa mission; ces faits ont été rapportés par des témoins oculaires, mais lui-même nen parlait que peu volontiers. Peut-être cette réserve lui était-elle imposée par son extrême modestie; mais sans doute aussi nattribuait-il à ces miracles quune importance secondaire, les considérant seulement comme une concession accordée par la miséricorde divine à la faiblesse de la foi chez la plupart des hommes, conformément à la parole du Christ : « Heureux ceux qui croiront sans avoir vu. » Cette attitude saccorderait avec le dédain quil manifeste en général pour tous les moyens extérieurs et sensibles, tels que la pompe des cérémonies et lornementation des églises; on a même pu lui reprocher, avec quelque apparence de vérité, de navoir eu que du mépris pour lart religieux. Ceux qui formulent cette critique oublient cependant une distinction nécessaire, celle quil établit lui-même entre ce quil appelle larchitecture épiscopale et larchitecture monastique : cest cette dernière seulement qui doit avoir laustérité quil préconise; ce nest quaux religieux et à ceux qui suivent le chemin de la perfection quil interdit le « culte des idoles », cest-à-dire des formes, dont il proclame au contraire lutilité, comme moyen déducation, pour les simples et les imparfaits. Sil a protesté contre labus des figures dépourvues de signification et nayant quune valeur purement ornementale, il na pu vouloir, comme on la prétendu faussement, proscrire le symbolisme de lart architectural, alors que lui-même en faisait dans ses sermons un très fréquent usage.
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La doctrine de saint Bernard est essentiellement mystique; par là, nous entendons quil envisage surtout les choses divines sous laspect de lamour, quil serait dailleurs erroné dinterpréter ici dans un sens simplement affectif comme le font les modernes psychologues. Comme beaucoup de grands mystiques, il fut spécialement attiré par le Cantique des Cantiques, quil commenta dans de nombreux sermons, formant une série qui se poursuit à travers presque toute sa carrière; et ce commentaire, qui demeura toujours inachevé, décrit tous les degrés de lamour divin, jusquà la paix suprême à laquelle lâme parvient dans lextase. Létat extatique, tel quil le comprend et quil la certainement éprouvé, est une sorte de mort aux choses de ce monde; avec les images sensibles, tout sentiment naturel a disparu; tout est pur et spirituel dans lâme elle-même comme dans son amour. Ce mysticisme devait naturellement se refléter dans les traités dogmatiques de saint Bernard; le titre de lun des principaux, De diligendo Deo, montre en effet suffisamment quelle place y tient lamour; mais on aurait tort de croire que ce soit au détriment de la véritable intellectualité. Si labbé de Clairvaux voulut toujours demeurer étranger aux vaines subtilités de lécole, cest quil navait nul besoin des laborieux artifices de la dialectique; il résolvait dun seul coup les questions les plus ardues, parce quil ne procédait pas par une longue série dopérations discursives; ce que les philosophes sefforcent datteindre par une voie détournée et comme par tâtonnement, il y parvenait immédiatement, par lintuition intellectuelle sans laquelle nulle métaphysique réelle nest possible, et hors de laquelle on ne peut saisir quune ombre de la Vérité.

Un dernier trait de la physionomie de saint Bernard, quil est essentiel de signaler encore, cest la place éminente que tient, dans sa vie et dans ses oeuvres, le culte de la Sainte Vierge, et qui a donné lieu à toute une floraison de légendes, qui sont peut-être ce par quoi il est demeuré le plus populaire. Il aimait à donner à la Sainte Vierge le titre de Notre-Dame, dont lusage sest généralisé depuis son époque, et sans doute en grande partie grâce à son influence; cest quil était, comme on la dit, un véritable « chevalier de Marie », et quil la regardait vraiment comme sa « dame », au sens chevaleresque de ce mot. Si lon rapproche ce fait du rôle que joue lamour dans sa doctrine, et quil jouait aussi, sous des formes plus ou moins symboliques, dans les conceptions propres aux Ordres de chevalerie, on comprendra facilement pourquoi nous avons pris soin de mentionner ses origines familiales. Devenu moine, il demeura toujours chevalier comme létaient tous ceux de sa race; et, par là même, on peut dire quil était en quelque sorte prédestiné à jouer, comme il le fit en tant de circonstances, le rôle dintermédiaire, de conciliateur et darbitre entre le pouvoir religieux et le pouvoir politique, parce quil y avait dans sa personne comme une participation à la nature de lun et de lautre. Moine et chevalier tout ensemble, ces deux caractères étaient ceux des membres de la « milice de Dieu », de lOrdre du Temple; ils étaient aussi, et tout dabord, ceux de lauteur de leur règle, du grand saint quon a appelé le dernier des Pères de lÉglise, et en qui certains veulent voir, non sans quelque raison, le prototype de Galaad, le chevalier idéal et sans tache, le héros victorieux de la « Queste du Saint Graal ».

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"Saint-bernard" de rené guénon

#2 pigloo

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Posté 30 juillet 2017 - 03:01

L’erreur spirite ( rené Guénon ) ; chap.X : La question du satanisme – p. 301-328

Il est convenu qu’on ne peut parler du diable sans provoquer, de la part de tous ceux qui se piquent d’être plus ou moins « modernes », c’est-à-dire l’immense majorité de nos contemporains, des sourires dédaigneux ou des haussements d’épaules plus ou moins méprisants encore ; et il est des gens qui, tout en ayant certaines convictions religieuses, ne sont pas les derniers à prendre une semblable attitude, peut-être par simple crainte de passer pour « arriérés », peut-être aussi d’une façon plus sincère. Ceux-là, en effet sont bien obligés d’admettre en principe l’existence du démon, mais ils seraient fort embarrassés d’avoir à constater son action effective ; cela dérangerait par trop le cercle restreint d’idées toutes faites dans lequel ils ont coutume de se mouvoir. C’est là un exemple de ce « positivisme pratique » auquel nous avons fait allusion précédemment : les conceptions religieuses sont une chose, la « vie ordinaire » en est une autre, et, entre les deux, on a bien soin d’établir une cloison aussi étanche que possible ; autant dire qu’on se comportera en fait comme un véritable incroyant, avec la logique en moins ; mais quel moyen de faire autrement, dans une société aussi « éclairée » et aussi « tolérante » que la nôtre, sans se faire traiter à tout le moins d’ « halluciné » ? Sans doute, une certaine prudence est souvent nécessaire, mais prudence ne veut pas dire négation « à priori » et sans discernement (…) si ce n’est pas encore une ruse du diable que de se faire nier, il faut convenir qu’il n’y a pas trop mal réussi (…)

Le diable n’est pas seulement terrible, il est souvent grotesque ; que chacun prenne cela comme il l’entendra, suivant l’idée qu’il s’en fait ; mais que ceux qui pourraient être tentés de s’étonner ou même de se scandaliser d’une telle affirmation veuillent bien se reporter aux détails saugrenus que l’on trouve inévitablement dans toute affaire de sorcellerie, et faire ensuite un rapprochement avec toutes ces manifestations ineptes que les spirites ont l’inconscience d’attribuer aux « désincarnés ».

En voici un échantillon pris entre mille : « On lit une prière aux esprits, et tout le monde place ses mains, qui sur la table, qui sur le guéridon qui lui fait suite, puis on fait l’obscurité… La table oscille quelque peu, et Mathurin, par ce fait annonce sa présence (…) ».

Il serait difficile d’imaginer quelque chose de plus puéril ; pour croire que les morts reviennent pour se livrer à ces facéties de mauvais goût, il faut assurément plus que de la naïveté ; et que penser de cette « prière aux esprits » par laquelle débute une telle séance ? Ce caractère grotesque est évidemment la marque de quelque chose d’un ordre fort inférieur ; même lorsque la source en est dans l’être humain (et nous comprenons dans ce cas les « entités » formées artificiellement et plus ou moins persistantes), cela provient des plus basses régions du « subconscient » ; et tout le spiritisme, en y englobant pratiques et théories, est, à un degré plus ou moins accentué, empreint de ce caractère. Nous ne faisons pas d’exception pour ce qu’il y a de plus « élevé », au dire des spirites, dans les « communications » qu’ils reçoivent : celles qui ont des prétentions à exprimer des idées sont absurdes, ou inintelligibles, ou d’une banalité que des gens complètement incultes peuvent seuls ne pas voir ; quant au reste, c’est de la sentimentalité la plus ridicule.

Assurément, il n’y a pas besoin de faire intervenir le diable pour expliquer de semblables productions, qui sont tout à fait à la hauteur de la « subconscience » humaine ; s’il consentait à s’en mêler, il n’aurait certes aucune peine à faire beaucoup mieux que cela. On dit même que le diable, quand il veut, est fort bon théologien ; il est vrai, pourtant, qu’il ne peut s’empêcher de laisser échapper quelque sottise, qui est comme sa signature ; mais nous ajouterons qu’il n’y a qu’un domaine qui lui soit rigoureusement interdit, et c’est celui de la métaphysique pure (…)

Mais revenons aux divagations de la « subconscience » : il suffit que celle-ci ait en elle des éléments « démoniaques », au sens que nous avons dit, et qu’elle soit capable de mettre l’homme en relation involontaire avec des influences qui, même si elles ne sont que de simples forces inconscientes par elles-mêmes n’en sont pas moins « démoniaques » aussi ; cela suffit, disons-nous, pour que le même caractère s’exprime dans quelques unes des « communications » dont il s’agit. Ces « communications » ne sont pas forcément celles qui, comme il y en a fréquemment, se distinguent par la grossièreté de leur langage ; il se peut que ce soient aussi, parfois, celles devant lesquelles les spirites tombent en admiration (…)

Si le diable peut être bon théologien quand il y trouve avantage, il peut aussi, et « à fortiori », être moraliste, ce qui ne demande point tant d’intelligence ; on pourrait même admettre, avec quelque apparence de raison, que c’est là un déguisement qu’il prend pour mieux tromper les hommes et leur faire accepter des doctrines fausses. En suite, ces choses « consolantes » et « moralisantes » sont précisément, à nos yeux, de l’ordre le plus inférieur, et il faut être aveuglé par certains préjugés pour les trouver « élevées » et « sublimes » ; mettre la morale au-dessus de tout, comme le font les protestants et les spirites, c’est encore renverser l’ordre normal des choses ; cela même est donc « diabolique », ce qui ne veut pas dire que tous ceux qui pensent ainsi soient pour cela en communication effective avec le diable.

A ce propos, il y a encore une autre remarque à faire : c’est que les milieux où l’on éprouve le besoin de prêcher la morale en toute circonstance sont souvent les plus immoraux en pratique ; qu’on explique cela comme on voudra, mais c’est un fait ; pour nous, l’explication est toute simple, c’est que tout ce qui touche à ce domaine met en jeu inévitablement ce qu’il y a de plus bas dans la nature humaine (…)

Nous n’avons voulu qu’apporter ici quelques faits, que chacun soit libre d’apprécier à son gré ; les théologiens y verront probablement quelque chose de plus et d’autre que pourraient y trouver de simples « moralistes ». En ce qui nous concerne, nous ne voulons pas pousser les choses à l’extrême, et ce n’est pas à nous qu’il appartient de poser la question d’une action directe et « personnelle » de Satan ; mais peu importe, car, quand nous parlons de « satanisme », ce n’est pas ainsi que nous l’entendons. Au fond les questions de « personnification », si l’on peut s’exprimer ainsi, sont parfaitement indifférentes à notre point de vue ; ce que nous voulons dire est tout à fait indépendant de cette interprétation particulière aussi bien que de toute autre, et nous n’entendons en exclure aucune, sous la seule condition qu’elle corresponde à une possibilité. En tout cas, ce que nous voyons dans tout cela, et plus généralement dans le spiritisme et les autres mouvements analogues, ce sont des influences qui proviennent incontestablement de ce que certains appellent la « sphère de l’Antéchrist » ; cette désignation peut encore être prise symboliquement, mais cela ne change rien à la réalité et ne rend pas ces influences moins néfastes. Assurément, ceux qui participent à de tels mouvements, et même ceux qui croient les diriger, peuvent ne rien savoir de ces choses ; c’est bien là qu’est le plus grand danger, car beaucoup d’entre eux, très certainement, s’éloigneraient avec horreur s’ils pouvaient se rendre compte qu’ils se font les serviteurs des « puissances des ténèbres » ; mais leur aveuglement est souvent irrémédiable, et leur bonne foi même contribue à attirer d’autres victimes ; cela n’autorise-t-il pas à dire que la suprême habileté du diable, de quelque façon qu’on le conçoive, c’est de faire nier son existence ?

 

 

 

 

 

 

 

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Aperçus sur l'Ésotérisme chrétien ( rené Guénon ) (Notes de lecture)

Editions traditionnelles, 1988. Editions établie par Jean Reyer.


Il s’agit d’une suite d’études fragmentaires sur l’ésotérisme chrétien.

Le Christianisme auquel pense René Guénon n’est pas celui des pseudo-ésotéristes qui ne voient dans le Christ rien de plus qu’un «grand initié» et pas davantage celui des protestants libéraux, mais le Christianisme authentique des Eglises apostoliques.

Du fait que le Christianisme tient relativement peu de place dans l’œuvre de René Guénon prise dans son ensemble, du fait que celui-ci ne s’est pas attaché à en mettre en lumière le contenu métaphysique et initiatique, certains se sont cru autorisés à conclure que Guénon considérait le Christianisme comme une forme traditionnelle, régulière et orthodoxe certes, mais en quelque manière incomplète sous le rapport de la connaissance métaphysique. René Guénon s’est opposé d’avance, et depuis longtemps, à une telle déformation de sa pensée.


Première partie. Structure et caractéristique de la tradition chrétienne

Chapitre I. A propos des langues sacrées

La langue sacrée du monde occidental est l’hébreu. Cela en raison de la filiation directe qui existe entre les traditions judaïque et chrétienne, et de l’incorporation des Ecritures hébraïques aux Livres sacrées du Christianisme lui-même.

Mais, le Christianisme n’a pas de langue sacrée qui lui appartienne en propre, ce qui est exceptionnel parmi les différentes traditions. Il ne faut confondre les langues sacrées avec les langues liturgiques (qui doivent être fixes, exemptes des variations continuelles que subissent forcément les langues qui sont parlées communément). Les langues sacrées sont celles en lesquelles sont formulées les Ecritures des différentes traditions. Une langue sacrée peut être langue liturgique, l’inverse est inconcevable. Le latin, le grec, le syriaque, le copte et le vieux slave sont langues rituelles, mais pas langues sacrées du christianisme. Le Nouveau Testament n’est connu qu’en grec, or, il est inconcevable que ce soit là la véritable langue des paroles du Christ. “Il se peut cependant qu’ils n’aient jamais été écrits effectivement qu’en grec, ayant été précédemment transmis oralement dans la langue originelle; mais on peut alors se demander pourquoi la fixation par l’écriture, lorsqu’elle a eu lieu, ne s’est pas faite tout aussi bien dans cette langue même, et c’est là une question à laquelle il serait bien difficile de répondre.” (p. 17)
Sur l’importance de la langue sacrée

“[…] une langue sacrée peut seule assurer l’invariabilité rigoureuse du texte des Ecritures; les traductions varient nécessairement d’une langue à une autre, et, de plus, elles ne peuvent jamais être qu’approximatives, chaque langue ayant ses modes d’expression propres qui ne correspondent pas exactement à ceux des autres; même lorsqu'elles rendent aussi bien que possible le sens extérieur et littéral, elles apportent en tout cas bien des obstacles à la pénétration des autres sens plus profonds; et l’on peut se rendre compte par là de quelques-unes des difficultés toutes spéciales que présente l’étude de la tradition chrétienne pour qui ne veut pas s’en tenir à de simples apparences plus ou moins superficielles.” (p. 17-18)
Le Christianisme ne possède pas non plus l’équivalent de la partie proprement “légale” des autres traditions (on peut dire, en se servant d’un terme emprunté à la tradition islamique, que le Christianisme n’a pas de shariyah, cela est d’autant plus remarquable que, dans la filiation traditionelle abrahamique, il se situe entre le Judaïsme et l’Islamisme, qui ont l’un est l’autre une shariyah fort développée).

On peut se demander, vu le manque de langue sacrée et de shariyah, si le Christianisme originel n’était pas en réalité quelque chose de très différent de tout ce qu’on peut penser actuellement – sinon quant à la doctrine elle-même, du moins quant aux fins en vue desquelles il était constitué.

Chapitre II. Christianisme et initiation

Une obscurité presque impénétrable entoure tout ce qui se rapporte aux origines et aux premiers temps du Christianisme. Cette obscurité ne paraît pas pouvoir être simplement accidentelle, mais expressément voulue. Sans toute, loin d’être uniquement la religion ou la tradition exotérique que l’on connaît actuellement sous ce nom, le Christianisme, à ses origines, avait, tant par les rites que par sa doctrine, un caractère essentiellement ésotérique, initiatique.
La tradition islamique considère le Christianisme primitif comme ayant été une tarîqah, une voie initiatique, et non une shariyah ou une législation d’ordre social et s’adressant à tous. Le droit canonique chrétien est une adaptation du droit romain, et non un développement venu de l’intérieur.

Sur l’absence de législation dans le christianisme: “Ce serait là, assurément, une lacune des plus graves si le Christianisme avait été alors ce qu’il est devenu plus tard; l’existence même d’une telle lacune serait non seulement inexplicable, mais vraiment inconcevable pour une tradition orthodoxe et régulière, si cette tradition devait réellement comporter un exotérisme aussi bien qu’un ésotérisme, et si elle devait même, pourait-on dire, s’appliquer avant tout au domaine exotérique; par contre, si le Christinianisme avait le caractère que nous venons de dire, la chose s’explique sans peine, car il ne s’agit nullement d’une lacune, mais d’une abstention intentionnelle d’intervenir dans un domaine qui, par définition même, ne pouvait pas le concerner dans ces conditions.” (p. 23)

Aux premiers siècles l’Eglise chrétienne ressemblait au Sangha bouddhique, où l’admission avait les caractères d’une véritable initiation.“[…] en effet, nous avons toujours eu le plus grand soin d’indiquer qu’une influence spirituelle intervient aussi bien dans les rites exotériques que dans les rites initiatiques, mais il va de soi que les effets qu’elle produit ne sauraient aucunement être du même ordre dans les deux cas, sans quoi la distinction même des deux domaines correspondants ne subsisterait plus.” (p. 26)

Certains considèrent que les rites exotériques chrétiens ont été d’abord des rites esotériques, mais qui ont perdu leur caractère suite à une exotérisation, à une généralistion. René Guénon considère que le caractère ésotérique ne peut pas être perdu accidentalement, et si une ouverture s’est produit à un certain moment, elle a été accompagné d’une adaptation qui, malgré les conséquences regrettables qu’elle eut forcément, fut pleinement justifiée et même nécessitée par les circonstances de temps et de lieu.

Si le Christianisme n’était pas descendu dans le domaine exotérique, vu l’extrême dégénerescence de la tradition gréco-romaine, l’Empire romain aurait été bientôt dépourvu de toute tradition. Ce changement qui a fait du Christianisme une religion au sens propre du mot et une forme traditionnelle s’adressant à tous indistinctement était déjà un fait accompli à l’époque de Constantin et du Concile de Nicée, de sorte que celui-ci n’eut qu’à le sanctionner, en inaugurant l’ère des formulations dogmatiques.

De quelle manière le changement s’est produit: “Cela ne pouvait d’ailleurs pas aller sans quelques inconvénients inévitables, car le fait d’enfermer ainsi la doctine dans des formules nettement définies et limitées rendait beaucoup plus difficile, même à ceux qui en étaient réellement capables, d’en pénétrer le sens profond; de plus, les vérités d’ordre plus proprement ésotérique, qui étaient par leur nature même hors de la portée du plus grand nombre, ne pouvaient plus être présentées que comme des «mystères» au sens que ce mot a pris vulgairement, c’est-à-dire que, aux yeux du commun, elles ne devaient pas tarder à apparaître comme quelque chose qu’il était impossible de comprendre, voire même interdit de chercher à approfondir.” (p. 28-29)

Toujours sur la nature du Christianisme des origines: “Il est évident en effet que la nature du Christianisme originel, en tant qu’elle était essentiellement ésotérique et initiatique, devait demeurer entièrement ignorée de ceux qui étaient maintenant admis dans le Christianisme devenu exotérique; par conséquent, tout ce qui pouvait faire connaître ou seulement soupçonner ce qu’avait été réellement le Christianisme à ses débuts devait être recouvert pour eux d’un voile impénétrable.” (p. 29)

La pratique exotérique pourrait se définit comme un minimum nécessaire et suffisant pour assurer le «salut», car c’est là le but unique auquel elle est effectivement destinée. L’existence même des mystères chrétiens serait injustifiable si l’on n’admettait pas le caractère ésotérique du Christianisme originel.

On peut dire que le baptême ressemble encore à un rite initiatique de rattachement à une organisation initiatique, que la confirmation est le correspondat exotérique des petits mystères, pendant que l’ordre est l’extériorisation d’une initiation sacerdotale. A l’origine, le baptême était préparé par des précautions concernant l’initié, maintenant il est un rite qui peut être accompli par n’importe qui, et dont le support est un enfant nouveau-né (son but est donc le salut, et non l’initiation).“Cette façon de voir, suivant laquelle le «salut» qui est le but final de tous les rites exotériques, est lié nécessairement à l’admission dans l’Eglise chrétienne, n’est en somme qu’une conséquence de cette sorte d’«exclusivisme» qui est inévitablement inhérent au point de vue de tout exotérisme comme tel.” (p. 34)

Les rites chrétiens d’aujourd’hui sont sans exception publiques, ce qui n’est dans aucune tradition le cas des rites ésotériques. Même si les sacrements ont d’abord une valeur exotérique, partout où il existe des initiations relevant spécialement d’une forme traditionnelle déterminée et prenant pour base l’éxotérisme même de celle-ci, les rites exotériques peuvent, pour ceux qui ont reçu une telle initiation, être transposés en quelque sorte dans un autre ordre, en servant de support pour le travail initiatique.

Dans les Eglises d’Orient subsiste une forme d’initiation: l’hésychasme, même amoindrie dans les conditions du monde moderne. L’initiation est essentiellement constituée par la transmission régulière de certaines formules, comparables à la communication des mantras dans la tradition hindoue et à celle du wird dans les turuq islamiques. Il est intéressant que cette invocation est désignée par le terme mnêmê (mémoire ou souvenir), qui est exactement l’équivalent de l’arabe dhikr.

Conclusions: “en dépit des origines initiatiques du Christianisme, celui-ci, dans son état actuel, n’est certainement rien d’autre qu’une religion, c’est-à-dire une tradition d’ordre exclusivement exotérique, et il n’a pas en lui-même d’autres possibilités que celles de tout exotérisme; il ne le prétend d’ailleurs aucunement, puisqu’il n’y est jamais question d’autre chose que d’obtenir le «salut». Une initiation peut naturellement s’y superposer, et elle le devrait même normalement pour que la tradition soit véritablement complète, possédant effectivement les deux aspects exotérique et ésotérique; mais, dans sa forme occidentale tout au moins, cette initiation, en fait, n’existe plus présentement. Il est d’ailleurs bien entendu que l’observance des rites exotériques est pleinement suffisante pour atteindre au «salut»; c’est déjà beaucoup, assurément, et même c’est tout ce à quoi peut légitimement prétendre, aujourd’hui plus que jamais, l’immense majorité des êtres humains; mais que devront faire, dans ces conditions, ceux pour qui, suivant l’expression de certains mataçawwufîn, «le Paradis n’est encore qu’une prison»?” (p. 39-40)

Deuxième partie.
De quelques organisations initiatiques chrétiennes

Chapitre III. Les gardiens de la Terre Sainte

Parmi les attributions des Ordres de chevalerie, une des plus connues est celle de «gardiens de la Terre Sainte». Si nous prenons la signification la plus extérieure, on trouve une explication de la connexion qui existe entre l’origine de ces Ordres et les Croisades. Certaines organisations orientales comme les Assacis et les Druzes ont le même titre de «gardiens de la Terre Sainte» (qui, dans leur cas ne peut pas être la Palestine).

Question pour définir les concepts: “Que faut-il donc entendre en réalité par la «Terre Sainte», et à quoi correspond exactement ce rôle de «gardiens» qui semble attaché à un genre d’initiation «chevaleresque», en donnant à ce terme une extension plus grande qu’on ne le fait d’ordinaire, mais que les analogies existant entre les différentes formes de ce dont il s’agit suffirait amplement à légitimer?” (p. 43)

L’expression Terre Sainte a quelques synonymes: Terre Pure, Terre des Saints, Terre des Bienheureux, Terre des Vivants, Terre d’Immortalité. Dans Sepher Ietsirah il est parlé du «Saint Palais» ou «Palais intérieur», qui est le véritable «Centre du Monde». L’image du «Saint Palais» dans le monde humain est un lieu de Shekinah, qui est la présence réelle de la Divinité. Pour le peuple d’Israël, cette résidence était le Tabernacle (Mishkan), qui était pour cette raison considéré le «Cœur du Monde», parce qu’il était le centre spirituel de sa propre tradition.

Tous les peuples possédant une tradition orthodoxe ont assimilé leurs pays au «Cœur du Monde», et l’ont regardé comme une image du Ciel, deux idées qui ne font qu’une seule réalité. Il existe autant de «Terres Saintes» particulières qu’il existe de formes traditionnelles régulières. Il existe néanmoins “une «Terre Sainte» par excellence, prototype de tous les autres, centre spirituel auquel tous les autres centres sont subordonnés, siège de la Tradition primordiale dont toutes les traditions particulières sont dérivées par adaptation à telles ou telles conditions définies qui sont celles d’un peuple ou d’une époque.” (p. 47-48)

Cette Terre Sainte est la «contrée suprême», appelée en sanscrit Paradêsha, dont les Chaldéens ont fait Pardes et les Occidentaux Paradis. Elle a été désignée aussi sous les noms: Tula, Luz, Salem, Agarttha. Ses symboles sont la montagne, la caverne, l’île. Elle est aussi en liaison avec le symbolisme du Pôle et de l’Axe du Monde.

La fontaine d’enseignement est aussi fontaine de jouvence (fons juventutis), parce que celui qui y boit est affranchi de la condition temporelle.Le pélerinage est précisément une des figures de l’initiation, de sorte que le «pélerinage en Terre Sainte» est, au sens ésotérique, la même chose que la «recherche de la Parole perdue» ou la «queste du Saint Graal».

Le symbolisme de la «Terre Sainte» a un double sens: il représente le Centre mais aussi la tradition qui en émane ou qui y est conservée. Cette idée se retrouve dans le symbolisme du Saint Graal, qui est un vase (grasale) et un livre (gradale ou graduale).

Sur les Templiers: “Mais, dans le cas des Templiers, il y a quelque chose de plus à considérer: bien que leur initiation ait été essentiellement «chevaleresque», ainsi qu’il convenait à leur nature et à leur fonction, ils avaient un double caractère, à la fois militaire et religieux; et il devait en être ainsi s’ils étaient, comme nous avons bien des raisons de le penser, parmi les «gardiens» du Centre suprême, où l’autorité spirituelle et le pouvoir temporel sont réunis dans leur principe commun, et qui communique la marque de cette réunion à tout ce qui lui est rattaché directement.

Dans le monde occidental, où le spirituel prend la forme spécifiquement religieuse, les véritables «gardiens de la Terre Sainte», tant qu’ils y eurent une existence en quelque sorte «officielle», devaient être des chevaliers, mais des chevaliers qui fussent des moines en même temps; et, effectivement, c’est bien là ce que furent les Templiers.” (p. 52)

Le rôle des «gardiens» du Centre suprême est aussi de maintenir un rattachement avec la Tradition primordiale et les traditions secondaires et dérivées. Les Templiers, conscients de la véritable unité doctrinale, pouvaient communiquer avec les représentants des autres traditions – c’est ce qui explique leurs relations avec certaines organisations orientales.

La destruction de l’Ordre des Templiers, au XVIe siècle, a entraîné pour l’Occident la rupture des relations régulières avec le «Centre du Monde». La communication a été encore maintenue par Fede Sante (Fidèles d’Amour) et Massenie du Saint Graal, et encore d’autres organisations héritières de l’esprit de l’Ordre du Templiers. Les derniers ont été les Rose-Croix, qui ont quitté l’Occident quand leur action est devenue impossible.“Pour le monde occidental, il n’y a plus de «Terre Sainte» à garder, puisque le chemin qui y conduit est entièrement perdu désormais; combien de temps cette situation durera-t-elle encore, et faut-il même espérer que la communication pourra être établie tôt ou tard? C’est là une question à laquelle il ne nous appartient pas d’apporter une réponse; outre que nous ne voulons risquer aucune prédiction, la solution ne dépend que de l’Occident lui-même, car c’est en revenant à des conditions normales et en retrouvant l’esprit de sa propre tradition, s’il en a encore en lui la possibilité, qu’il pourra voir s’ouvrir de nouveau la voie qui mène au «Centre du Monde».” (p. 54)

Chapitre IV. Le langage secret de Dante et des «Fidèles d’Amour»

La thèse de M. Luigi Valli (Il Linguaggio segreto di Dante a dei «Fedeli d’Amore») – les diverses «dames» célébrées par les poètes se rattachant à la mystérieuse organisation des «Fidèles d’Amour», depuis Dante, Guido Cavalcanti et leurs contemporains jusqu’à Boccace et à Pétrarque ne sont point des femmes ayant vécu réellement sur cette terre; elles ne sont touts, sous différents noms, qu’une seule et même «Dame» symbolique, qui représente l’Intelligence transcendente (Madonna Intelligenza de Dino Compagni) ou la Sagesse divine.

Chez les Soufis persans un sens similaire a été dissimulé sous les apparences d’une simple poésie d’amour.Le cuore gentile des «Fidèles d’Amour» est le cœur purifié, c’est-à-dire vide de tout ce qui concerne les objets extérieurs, et par là même rendu apte à recevoir l’illumination intérieure; ce qui est remarquable, c’est qu’on trouve une doctrine identique dans le Taoïsme.“L’ésotérisme n’est pas contrare à l’«orthodoxie», même entendue simplement au sens religieux; il est au-dessus ou au-delà du point de vue religieux, ce qui, évidemment, n’est pas du tout la même chose; et, en fait, l’accusation injustifiée d’«hérésie» ne fut souvent qu’un moyen commode pour se débarrasser de gens qui pouvaient être gênants pour de tout autres motifs.” (p. 60)

Quant à la méthode de traitement de certaines choses initiatiques: “mais il ne faudrait pas conclure de là que l’usage d’une terminologie symbolique n’a d’autre raison d’être que la volonté de dissimuler le vrai sens d’une doctrine; il y a des choses qui, par leur nature même, ne peuvent pas être exprimées autrement que sous cette forme […]” (p. 62)

L’expression proverbiale «boire comme un Templier», prise par le vulgaire dans le sens le plus grossièrement littéral, n’a sans doute pas d’autre origine réelle: le «vin» que buvaient les Templiers était le même que celui que buvaient les Kabbalistes juifs et les Soufis musulmans. De même, l’autre expression «jurer comme un Templier» n’est qu’une allusion au serment initiatique, détournée de sa véritable signification par l’incompréhension et la malveillance profanes.Le vin dans le sens ordinaire n’est pas une boisson permise en Islam; quand on en parle donc, dans l’ésotérisme islamique, il doit être entendu comme désignant quelque chose de plus subtil, et, effectivement, selon l’enseignement de Mohyiddin ibn Arabi, le «vin» désigne la «science des états spirituels» (ilmu-l-ahwâl), alors que l’«eau» représente la «science absolue» (al-ilmu-I-mutlaq), le «lait», la «science des lois révélées» (ilmu-ch-chrây’i) et le «miel», la «science des normes sapietiales» (ilmu-n-nawâmîs). Si l’on remarque en outre que ces quatre «breuvages» sont exactement les substances des quatre sortes de fleuves paradisiaques selon le Coran 47, 17, on se rendra compte que le «vin» des Soufis a, comme leurs autres boissons initiatiques, une autre substantialité que celle du liquide connu qui lui sert de symbole.“[…] une tradition «chevaleresque», pour s’adapter à la nature propre des hommes à qui elle s’adresse spécialement, comporte toujours la prépondérance d’un principe représenté comme féminin (Madonna), ainsi que l’intervention d’un élément affectif (Amore).” (p. 63)

L’aspect féminin de la divinité est le sujet d’un culte aussi dans l’Inde, où elle est désignée comme Shakti, équivalent à certains égards à la Shekinah hébraïque. Le culte de Shakti concerne surtout les Kshatriya. Shakti correspond à une voie d’initiation qui a comme support l’émotivité.
“Il faut bien prendre garde de ne pas confondre «Gnose», qui signifie «connaissance», et «gnosticisme», bien que le second tire évidemment son nom de la première; d’ailleurs, cette dénomination de «gnosticisme» est assez vague et paraît, en fait, avoir été appliquée indistinctement à des choses fort différentes.” (p. 65)
Saint Jean: “Dieu est Amour”.

Le cri de guerre des Templiers: “Vive Dieu Saint Amour”. Le dernier vers de la Divine Comédie: “L’Amor che muove il Sole et l’Altre Stelle”. Il existe une antithèse entre l’«Amour» et la «Mort»: la racine mor leur est commune, et, dans a-mor, elle est précédée d’a privatif, comme dans le sanscrit a-mara, a-mrita, de sorte que l’Amour peut s’interpréter ainsi comme une sorte d’équivalent hiéroglyphique d’«immortalité».

Chapitre V. Le langage secret de Dante et des «Fidèles d’Amour»
Comentaires concernant un autre ouvrage de M. Luigi Valli (Il Linguaggio segreto di Dante e dei «Fedeli d’Amore», vol. II – Discussione e note aggiunte, Roma, Biblioteca di Filosofia e Scienza, Casa editrice «Optima»).

“Nous noterons seulement deux ou trois exemples typiques de l’incompréhension des «critiques» universitaires: certains ont été jusqu’à prétendre qu’une poésie qui est belle ne peut être symbolique; il leur paraît qu’une œuvre d’art ne peut être admirée que si elle ne signifie rien, et que l’existence d’un sens profond en détruit la valeur artistique!” (p. 72-73)

L’œuvre Risâlatul-Ghufrân de Abul-Alâ El-Maarri (initié de haut rang) peut être considéré comme l’une des principales «sources» islamiques de la Divine Comédie.“A une époque très récente encore, dans certaines confréries ésotériques musulmanes, chacun devait tous les ans, à l’occasion du mûlid du Sheikh, composer un poème dans lequel il s’efforçait, fût-ce au détriment de la perfection de la forme, d’enfermer un sens doctrinal plus ou moins profond.” (p. 74-75)
Une adaptation du Roman de la Rose a été faite en italien par un Florentin nommé Durante, qui est presque certainement Dante lui-même.

Le sens des initiales F.S.K.I.P.F.T. sont pour les sept vertus: Fides, Spes, Karitas, Justitia, Prudentia, Fortitudo, Temperantia. Francesco da Barberino, dans son Tractatus Amoris s’est fait représenter dans une attitude d’adoration devant la lettre I; dans la Divine Comédie, Adam dit que le premier nom de Dieu fut I, le nom qui vint ensuite étant El.

Chapitre VI. Nouveaux aperçus sur le langage secret de Dante

Avec les mêmes idées que celles exprimées par M. Luigi Valli a été construit l’ouvrage de M. Gaetano Scarlata consacré au traité De vulgari eloquentia de Dante. Dante parle de poeti volgari (ceux dont les écrits avaient un sens caché conformément au symbolisme des «Fidèles d’Amour») qui s’opposent au poeti litterali (ceux qui écrivent seulement dans le sens littéral). Les premiers sont aussi trilingues doctores parce que leurs œuvres s’interprètent selon un triple sens.

M. Scarlata pense que les «Fidèles d’Amour» n’ont jamais constitué une association suivant des formes rigoureusement définies, plus ou moins semblables à celles de la Maçonnerie moderne, avec un pouvoir central établissant des «filiales» dans des diverses localités. Mais dans la Maçonnerie elle-même, rien de tel n’a jamais existé avant la constitution de la Grande Loge d’Angleterre en 1717.“[…] comme nous l’avons déjà dit souvent, une organisation véritablement initiatique ne peut pas être une «société» au sens moderne de ce mot, avec tout le formalisme extérieur qu’il implique; lorsqu’on voit apparaître des statuts, des règlements écrits et autres choses de ce genre, on peut être sûr qu’il y a là une dégénérescence donnant à l’organisation un caractère «semi-profane», si l’on peut employer une telle expression.” (p. 82)

“Dante se proposait tout autre chose que de «faire de la littérature», et cela revient à dire qu’il était précisément tout le contraire d’un moderne; son œuvre, loin de s’opposer à l’esprit du moyen âge, en est une des plus parfaites synthèses, au même titre que celle des constructeurs de cathédrales; et les plus simples données initiatiques permettent de comprendre sans peine qu’il y a à ce rapprochement des raisons très profondes.” (p. 87)

Chapitre VII. «Fidèles d’Amour» et «Cours d’Amour»

M. Alfonso Ricolfi a publié un ouvrage qui se veut continuateur de l’œuvre de M. Luigi Valli – Studi sui «Fedeli d’Amore»; I. Le «Corti d’Amore» in Francia ed i loro riflessi in Italia, Roma, Biblioteca della Nuova Rivista Storica, Societa Editrice Dante Alighieri, 1933.

Il faut entendre par «Cours d’Amour» une assemblée symbolique présidée par l’Amour lui-même personnifié, tandis qu’une «Cours d’amour» est seulement une réunion humaine, constituant une sorte de tribunal appelé à se prononcer sur des cas plus ou moins complexes.

Tout comme il y avait des alchimistes et des souffleurs, il y avait des contrefaçons littérales dans la poèsie d’Amour. Cette confusion a pu servir, dans les deux cas, à dérouter des recherches indiscrètes.

Jacques de Baisieux, Les Fiefs d’Amour.

André, chapelain du roi de France, écrit que le palais de l’Amour s’élève au milieu de l’Univers, que ce palais a quatre côtés et quatre portes. La porte de l’Orient est réservée au Dieu, et celle du Nord demeure toujours fermée. Il est à remarquer que le Temple de Salomon n’a pas de porte vers le Nord non plus. Dans la tradition chinoise le Nord est le côté du yin, tandis que le côté opposé est celui du yang.

Dans des poèmes et fabliaux, la «Cour d’Amour» est décrite comme composée d’oiseaux, qu’on voit y prendre la parole tout à tour; on y parle donc la «langue des oiseaux». Dans le Qorân cette «langue des oiseaux» se trouve expressément mentionnée. Parmi les oiseaux une importance spéciale ont le rossignol et le perroquet. Ce dernier est le vâhana ou véhicule symbolique de Kâma, c’est-à-dire de l’Eros hindou.

Francesco da Barberino, dans ses Documenti d’Amore, représente l’Amour avec des pieds de faucon ou d’épervier, l’oiseau emblématique de l’Horus égyptien, dont le symbolisme est en étroite relation avec celui du «Cœur du Monde».

Chapitre VIII. Le Saint Graal

Arthur Edward Waite, The Holy Grail, its legends and symbols, London, Rider and Co., 1933. L’ouvrage est quelque peu one-sighter.“La conception même du folk-lore, tel qu’on l’entend habituellement, repose sur une idée radicalement fausse, l’idée qu’il y a des «créations populaires», produits spontanés de la masse du peuple; et l’on voit tout de suite le rapport étroit de cette façon de voir avec les préjugés «démocratiques».” (p. 100-101)

Luc Benoist: “L’intérêt profond de toutes les traditions dites populaires réside surtout dans le fait qu’elles ne sont pas populaires d’origine” (La Cuisine des Anges, une esthétique de la pensée, Paris, 1932, p. 74).

La seule chose «populaire» est la mémoire utilisée pour conserver des connaissances traditionnelles.“Lorsqu’une forme traditionnelle est sur le point de s’éteindre, ses derniers représentants peuvent fort bien confier volontairement, à cette mémoire collective dont nous venons de parler, ce qui autrement se perdrait sans retour; c’est en somme le seul moyen de sauver ce qui peut l’être dans une certaine mesure; et, en même temps, l’incompréhension naturelle de la masse est une suffisante garantie que ce qui possédait un caractère ésotérique n’en sera pas dépouillé pour cela, mais demeurera seulement, comme une sorte de témoignage du passé, pour ceux qui, en d’autres temps, seront capables de le comprendre.” (p. 102)

Il y a des symboles qui sont communs aux formes traditionnelles les plus diverses et les plus éloignées les unes des autres, non par suite «d’emprunts» qui, dans bien des cas, seraient tout à fait impossibles, mais parce qu’ils appartiennent en réalité à la Tradition primordiale dont ces formes sont toutes issues directement ou indirectement. C’est le cas du symbole de la coupe.“[…]
Les «dieux de la végétation» et autres histoires du même genre n’ont jamais existé que dans l’imagination de Frazer et de ses pareils, dont les intentions antitraditionnelles ne sont d’ailleurs pas douteuses.” (p. 104)

“Penser qu’un sens nouveau peut être donné à un symbole qui ne le possédait pas par lui-même, c’est presque nier le symbolisme, car c’est en faire quelque chose d’artificiel, sinon d’entièrement arbitraire, et en tout cas de purement humain; […] tout véritable symbole porte ses multiples sens en lui-même, et cela dès l’origine, car il n’est pas constitué comme tel en vertu d’une convention humaine, mais en vertu de la «loi de correspondance» qui relie tous les mondes entre eux; que, tandis que certains voient ces sens, d’autres ne voient pas ou n’en voient qu’une partie, ils n’y sont pas moins réellement contenus, et l’«horizon intellectuel» de chacun fait toute la différence; le symbolisme est une science exacte et non pas une rêverie où les fantaisies individuelles peuvent se donner libre cours.” (p. 106)

Le poète qui n’est pas conscient des symboles qu’il véhicule a été désigné par l’analogie de l’âne portant des reliques. Le sens supérieur transparaît moins chez Chrestien de Troyes que chez Robert de Borron, mais on ne peut pas dire pour autant que le premier était moins conscient que le deuxième de ce qu’il colportait. Dante écrivait en parfaite connaissance de cause; Chrestien de Troyes, Robert de Borron et d’autres furent probablement beaucoup moins conscients de ce qu’ils exprimaient. Mais peu importe.“Il ne nous paraît pas douteux que les origines de la légende du Graal doivent être rapportées à la transmission d’éléments traditionnels, d’ordre initiatique, du Druidisme au Christianisme; cette transmission ayant été opérée régulièrement, et quelles qu’en aient été d’ailleurs les modalités, ces éléments firent dès lors partie intégrante de l’ésotérisme chrétien.” (p. 109)

“L’existence de l’ésotérisme chrétien au moyen âge est une chose absolument certaine; les preuves de tout genre en abondent, et les dénégations dues à l’incompréhension moderne, qu’elles proviennent d’ailleurs de partisans ou d’adversaires du Christianisme, ne peuvent rien contre ce fait […]” (p. 109)

“Transposer les vérités de l’ordre religieux dans l’ordre initiatique, ce n’est point les dissoudre dans les nuées d’un «idéal» quelconque; c’est au contraire en pénétrer le sens le plus profond et le plus «positif» tout à la fois, en écartant toutes les nuées qui arrêtent et bornent la vue intellectuelle de l’humanité ordinaire.” (p. 114)

Chapitre IX. Le Sacré-Cœur et la légende du Saint Graal

M. Charbonneau-Lassay signale dans un article la légende du Saint Graal, écrite au XIIe siècle, mais bien antérieure par ses origines, puisqu’elle est une adaptation chrétienne de très anciennes traditions celtiques.

Dans les hiéroglyphes ou écriture sacrée le cœur a été figuré par un emblème: le vase.L’origine du Graal est digne d’attention: la coupe est taillée par les anges dans une émeraude tombée du front de Lucifer lors de sa chute. Cette émeraude rappelle d’une façon frappante l’urnâ, la perle frontale qui tient la place de la troisième œil de Shiva, représentant le «sens de l’éternité».

Le Graal fut confié à Adam dans le Paradis terrestre, mais, lors de sa chute, Adam le perdit à son tour. “L’homme, écarté de son centre originel par sa propre faute, se trouvait désormais enfermé dans la sphère temporelle; il ne pouvait plus rejoindre le point unique d’où toutes choses sont contemplées sous l’aspect de l’éternité. Le Paradis terrestre, en effet, était véritablement le «Centre du Monde», partout assimilé symboliquement au Cœur divin; et ne peut-on dire qu’Adam, tant qu’il fut dans l’Eden, vivait vraiment dans le Cœur de Dieu?” (p. 119)
Seth a pu retourner dans le Paradis terrestre et put ainsi recouvrer le précieux vase. Or, Seth est une des figures du Rédempteur, d’autant plus que son nom même exprime les idées de fondement, de stabilité, et annonce en quelque façon la restauration de l’ordre primordial détruit par la chute de l’homme. Selon la légende, après la mort du Christ le Saint Graal fut transporté en Grande-Bretagne par Joseph d’Arimathie et Nicodème.Sur la Table Ronde: “[…] cette table est aussi un symbole vraisemblablement très ancien, un de ceux qui furent associés à l’idée de ces centres spirituels auxquels nous venons de faire allusion. La forme circulaire de la table est d’ailleurs liée au «cycle zodiacal» […] par la présence autour d’elle de douze personnages principaux, particularité qui se retrouve dans la constitution de tous les centres dont il s’agit.” (p. 120)

La légende associe au Graal d’autres objets, et notamment une lance, qui dans l’adaptation chrétienne est la lance du centurion Longin. Il existe un coupe chez qui contient le Soma védique, une autre contient le Haoma mazdéen.Le triangle dont la pointe est dirigée vers le bas représente la coupe sacrificielle mais aussi le cœur. Le «triangle du cœur» est une expression courante dans les traditions orientales.La coupe est équivalée parfois à une fleur. En Orient la fleur symbolique par excellence est le lotus; en Occident, c’est le plus souvent la rose qui joue le même rôle.Un autre équivalent de la coupe est le croissant lunaire.

Conclusion: “lorsqu’on trouve partout de telles concordances, n’y a-t-il pas là plus qu’un simple indice de l’existence d’une tradition primordiale? Et comment expliquer que, le plus souvent, ceux même qui se croient obligés d’admettre en principe cette tradition primordiale n’y pensent plus ensuite et raisonnent en fait exactement comme si elle n’avait jamais existé, ou tout au moins comme si rien ne s’en était conservé au cours des siècles? Si l’on veut bien réfléchir à ce qu’il y a d’anormal dans une telle attitude, on sera peut-être moins disposés à s’étonner de certaines considérations, qui, à la vérité, ne paraissent étranges qu’en vertu des habitudes mentales propres à notre époque.

D’ailleurs, il suffit de chercher un peu, à la condition de n’y apporter aucun parti pris, pour découvrir de tous côtés les marques de cette unité doctrinale essentielle, dont la conscience a pu parfois s’obscurcir dans l’humanité, mais qui n’a jamais entièrement disparu; et, à mesure qu’on avance dans cette recherche, les points de comparaison se multiplient comme d’eux-mêmes et des preuves nouvelles apparaissent à chaque instant; certes, la Quœrite et invenietis de l’Evangile n’est pas un vain mot.” (p. 125-126)



#3 M. de Saint-Michel

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Posté 31 juillet 2017 - 12:43

Que de richesses intellectuelles et spirituelles! Et quel merveilleux antidote à l'esprit avachi de nos sociétés!!

#4 Victorugueux

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Posté 31 juillet 2017 - 01:23

Dans les saints du moyen âge, une période qui était très religieuse dans un monde très violent de guerre entre seigneurs, il y a beaucoup de grands bonshommes qui intervenaient dans les vies des gens de l'époque et pas toujours des saints très doux, ça tenait plus de la politique que du religieux, entre autres, il y a toutes les croisades qui sont prêchées... Entre celle contre les albigeois et la terre sainte à conquérir pour avoir accès au tombeau de Jésus le ressuscité... Dans les saints, on peut citer, Benoit, Dominique, Bruno, François qui sont parmi les fondateurs d'ordres religieux



#5 pigloo

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Posté 31 juillet 2017 - 03:27

entièrement de votre avis, M. de Saint-Michel

 

***

 

en effet, Viktor, ce que tu dis n'est pas faux et tu sembles avoir une vue juste de ces époques......riches.



#6 AURE

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Posté 15 août 2017 - 07:35

beaucoup de grandes femmes

aussi



#7 Victorugueux

Victorugueux

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Posté 15 août 2017 - 08:08

Peut être aussi  des interventions plus douces



#8 pigloo

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Posté 16 août 2017 - 04:08

beaucoup de grandes femmes

aussi

est-ce que la taille compte vraiment !!! :rolleyes:

 

( on estime qu'un escarpin lancé sur une cible immobile, peut atteindre les 4OO km/heure par clignement du regard intérieur  :lol: )



#9 Alfred

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Posté 16 août 2017 - 08:35

Faut y aller mollo quand même avec Guénon. J'ai connu un mec, ça l'a guéri de son alcoolisme.