PENSÉES EN VRAC... COMME MON GENOU

Prendre le temps.
Prendre son temps.

J'apprends la signification de ces notions au fil des journées passées au centre de rééducation.

Vous souriez, j'en suis sûre.... et pourtant... Ces notions sont beaucoup plus complexes à mettre en uvre qu'on ne le pense !

La notion de temps est différente au centre, les enjeux n'étant pas les mêmes qu'à l'extérieur.

Ici, le sablier s'écoule lentement.... la conscience est plus aiguisée, l'attention est centrée vers la seule chose importante à cet instant même, le maintien des conditions optimales de la vie parcourant chaque cellule de votre corps.

Les yeux fermés, je me remémore pourtant mon quotidien il y a quelques mois de cela, bien campée sur mes deux jambes et je suis perplexe....

Avant ma blessure, chaque mouvement, chaque action, chaque décision étaient minutieusement automatisés et chronométrés. J'y pensais à peine et ne me souciais que de la suite, tout en faisant en fin de journée, un bilan rapide du "FAIT" et "RESTE À FAIRE".

Et alors, me direz-vous ?

Et bien, à l'instant où j'écris ces mots sur mon téléphone sans réseau, je comprends que prendre le temps de faire les choses provoque un véritable changement de la qualité de vie.

Et pourtant ! C'est bien la première fois que je me retrouve face à moi-même, occupée à prendre soin de la seule personne qui sera là jusqu'à la fin de mes jours... MOI.

À chaque geste, chaque intention, j'ai pleinement conscience de mon corps, pleinement conscience de l'habiter et de mesurer chaque pas que je fais, de ressentir l'eau coulant sur mes mains, la quiétude qui s'empare de mon être en acceptant la succession des actions visant à me rééduquer...

Il est vrai que les journées au centre se ressemblent toutes au début.
Misère, que c'est frustrant pour l'hyperactive que je suis de devoir répéter les mêmes choses à longueur de temps !

Électrodes, glaçage, gymnase, LA séance de kine quotidienne, infirmière, déjeuner, glaçage, gymnase, électrodes, chaud-froid.... toute la journée !

Les premiers jours, je trépignais et échafaudais d'innombrables plans pour les semaines, les mois à venir, tant aux niveaux professionnel, relationnel et personnel. J'étais en colère contre moi-même et les autres, je culpabilisais en pensant à tout ce que je laissais de côté, en attente...
Sans cesse, je vociférais dans ma tête: "Quelle perte de temps ! Je gaspille ces journées !! Je ne suis même plus connectée !!" Sic...

Mais voilà, petit à petit on se détend, on croise des regards, des tempéraments, on parle à des personnes avec qui l'on n'aurait peut-être jamais discuté... de tous âges, toutes générations confondues, toutes classes sociales.

Tous ont le même objectif:
la guérison, ou pour le moins, le soulagement des douleurs.

Je m'enrichis auprès de personnes extravagantes, touchantes, voire agaçantes.... et le sable du temps continue lentement de s'écouler.

L'obligation devient compréhension.

La résignation, en revanche, ne fait pas partie de l'équation.
Tu l'oublies, la résignation, de même que la colère ou le sentiment d'injustice.

Surtout après avoir croisé les accidentés de la route et autres patients "lourds" qui te saluent, l'air malicieux, après avoir piqué les gâteaux amenés par les blessés "légers" qui ont la chance de pouvoir rentrer chez eux le soir.

Tu te tais, tu respires, tu fais passer ce noeud dans ta gorge et tu dis merci en levant les yeux au ciel.

Et là.... tu te sens mieux et tu acceptes ce rythme, ces contraintes provisoires, tu lâches tes angoisses et te concentres sur toutes ces petites choses, ces actions qui te paraissaient insignifiantes jusqu'à présent, mais qui sont la promesse d'une prochaine phase plus légère.... et authentique.

#1 Mia78

#2 M. de Saint-Michel

#3 Mia78

#4 Julien Hoquet

#5 Mia78

#6 AURE