J'ai de l'encre sur les doigts
Vide toi petit pot blanc en porcelaine
J'ai du noir pris à l'école
Vide toi brouet de pieuvre
Avant que ma plume se casse en deux.
J'ai une blouse grise
J'apprends la Garonne, l'infinitif
La règle de trois.
Les moqueries aussi.
Dans mes poches des craies qui crissent
Vite au tableau noir.
J'ai ma maîtresse, la seule, la vraie.
Elle dit le monde.
La carte est là, celle des colons
Ses belles horizontales
Qui scient les fleuves et les patries.
Je rêve ainsi couché sur le flanc
Mes pensées par la fenêtre
A l'Afrique et aux dieux noirs
Aux petits frères sans leurs cheveux,
Aux prés secs, aux girafes et à l'automne ici.
Muet moitié transi
La classe sent bon le poêle qui chauffe
Ferdinand fredonne
Des airs de châtaignes.
Rêvant sans y voir
Mes pensées sont en coulisse
Guettant le nuage qui passe
La pluie versée sur les carreaux
Mes yeux regardent le ciel qui mue
Et qui s'en va
Sur sa gauche.