cachée sous les écailles d'un vert cendré,
qui la défendaient comme une armure,
elle avait échappé à la morsure de l'ennemie,
la mouche de l'olive, et elle offrait à l'œil
son ovale parfait, sa peau lisse et tendre,
promesse, pour tous, du plaisir des sens
et de la joie de l'esprit
alors que
la plupart des fruits, troués, transpercés,
affichent, impudiques, les stigmates christiques
ou les marques infamantes du bourreau,
tâches d'un sang noir s'élargissant, inexorables,
autour de la blessure, bafouant leur beauté,
réduisant à néant leur valeur, leur être même,
en faisant un pauvre déchet encombrant, inutile,
moins qu'un fumier,
et qu'on jette dans un fossé
maintenant, les voilà, elle et ses pareilles,
préservées, intactes, amoureusement réunies
dans un cuveau de bois, baignant dans une eau
qui, jour après jour, chasse leur amertume
et prend la couleur foncée du fleuve quand,
après la pluie, il se charge de toutes les boues
et de toute la misère du monde
qu'il emporte au loin, vers la mer
bientôt, conviées à nos dîners et à nos fêtes,
elles glisseront entre nos lèvres, nos dents,
aguicheront nos papilles de leur goût sauvage,
inonderont notre palais d'un parfum ambigu,
porteur d'ici et d'ailleurs, d'orient et d'occident,
doux et amer,
comme le secret de nos vies