Le retour de la colombe
Les dieux lâchaient leurs eaux interminables.
Les animaux, ne sachant pas pleurer,
Se serraient tous, de manière admirable,
En regardant les poissons, épargnés.
Le vieux Noé – s'appelait-il Christophe ?
était lassé des disputes d'oiseaux
Qui se lançaient des mots, des apostrophes :
"Tais-toi, blanc bec, tais-toi" et autres lots.
Comme il l'aimait, il prit sa favorite,
Une colombe aux yeux épouvantés,
Qu'il fit voler dans l'espace insolite,
Il en faisait, ainsi, son messager.
Les naufragés, entourés par la guerre
étrange que leur faisait l'océan,
Tombaient bientôt, de nausées populaires.
Noé vidait son tonneau, titubant.
Ne dites pas : Ce sont là des mensonges.
La vérité, pire que le roman,
Transforme un homme, assez vite, en éponge.
Aucun radeau, sur l'eau, n'est triomphant.
Tant mal que bien, le déluge célèbre
Durait encore. Il ne finissait pas...
Seuls sur le pont, le baudet et le zèbre
Jouaient aux dés avec des cancrelats.
Car il fallait occuper sa pensée,
Sinon la mer tordait les estomacs.
La nourriture était rare et prisée :
Bientôt la faim, sans avis, s'invita.
Les plus petits se cachaient, mis en garde
Par les regards des plus volumineux.
La nature est fatale : Rien n'attarde
Ses arguments. Le reste est savoureux.
Il s'en fallut de peu pour que ne meurent,
Tous dévorés, les fragiles marins
Flottant hélas sur leur triste demeure,
Loin de chez eux, si seuls et clandestins.
Venant de loin, derrière les nuages,
Le chant troublant et doux de l'oiseau blanc
Portait l'espoir, ce précieux message,
Au-dessus de l'arche des survivants.
Une plume dans la pierre
ISBN 9782919390397–DLE 2017-12468