Endormi
À moitié endormi
Rêvant d'un monde meilleur
Et d'un goûter gourmand
Tu te risques à perdre haleine
Tu risques la sortie dans le doux soleil d'hiver
Te cherchant
Dans les rayons frais et boulangers.
Le pavé mouffetardé
Retiens tes pas
Tu bondis comme un réveil français
Tu bondis d'allégresse
Entre les échoppes qui s'attardent autour de toi.
Thé au jasmin
Volaille rôti,
Fourneaux farinée
Frondaisons épicées,
Paris n'est jamais aussi beau
Qu'au regard de la douce
La douce et douce automne latine...
Latin est l'air saturé d'orient et de campagne
Latin est l'air familier des quelques parisiens peu pressés
Latines sont tes jambes revigorées.
Ici, pas de sorcière,
Pas de contes brocardés
Seul le plaisir d'une après-midi belle ;
Tu vagabondes et tu cherches,
Enfin réuni avec tes émotions,
Un banc comme on en fait cent.
Mais
Seulement,
Il n'y a rien de plus rare que les bancs parisiens.
Pris dans tes pensées désolées
Tristes de ne pas voir cet atout majeur
Que tout taroteur se doit d'appréhender
Le banc des philosophes
Le banc métaphysique
Le banc à mathématiciens
Le banc fonctionnel
Le banc poète
Le banc sentimental
Où les pensées s'accomplissent.
Mais on t'arrache de tes pensées futiles :
Tu croises le regard malheureux
De ce bohémien comme Paris en fait mille.
Pris de court
Et sans-le-sou autant que lui
Tu lui offres comme un trésor
Tes dernières pièces jaunes et sans valeurs.
Pris de panique par l'horreur de ce geste
Par les parisiens qui vous toisent sans regrets
Tu regrettes un monde où l'abri est un droit.
Mais bientôt la rue se rétrécie
Le soleil se cache
Les parasites routiers s'en vont
Et la froideur d'un banc
Ose,
Il ose accrocher tes yeux.
Pauvre et sans couverture
Le banc parisien, si rare
Perdu et frileux
Délaissé par la foule bureautique
Technocratique
Sans refuge et oubliant la pratique
D'un peu d'inspiration coordonnée,
Banc se laisse alors aller au jeu
D'un sens nouveau à son histoire
Et te soutient avec plaisir.
Enfin la poésie peut sortir de ta tête !
Un tête remplie d'images et de sensations
Et, poète moderne, ta plume sont tes doigts
Tu te jettes avec appétit
Sur le téléphone de tous tes arts.
Alors la satiété attendra
Le pâtissier aussi
Car tu as trouvé l'élixir du bonheur,
Le banc parisien,
La poésie conversatrice.