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Centenaire


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#1 gab

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    Tlpsien +++

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  • Une phrase ::Presque personne n'aime les vers, et le monde des vers est fictif et faux.
    Witold Gombrowicz

Posté 19 février 2020 - 03:15

La forêt ouvre son calme plat

À qui veut bien le voir, l’entendre, le sentir,

Goûter ses herbes folles et ses arbres centenaires

Toucher ses arbrisseaux fébriles et ses chemins de terre.

Une rangée d’arbres infinis entoure ses pas ;

Des arbres

Des arbres à perte de vue.

On est en pleine hiver, mais le Soleil étincelle doucement

Sur les branches effeuillées au fin fond du firmament

Qui ronflent gentiment

Facilement

Aisément

Comme agitées par la grâce.

 

Ces mastodontes sylvestres sont fatigués,

Vieillards

Usés par le froid

Usés par le chaud

Usé par le choix

D’être immobilement clos.

Mais sans eux,

Le sentier est plaine

Le spectacle est commun ;

Leur sacrifice est d’autant plus noble

Que

Leur beauté brûle dans le Soleil hiémal.

 

Un vieil homme, traversé par les années, sage comme le monde, calme comme les bois chantants

Est debout, là, sur le chemin.

C’est un esprit imposant,

Excessivement haut

Excessivement large

Mais remarquable par sa simple légèreté.

Toutes les balances du monde ne verraient que des poussières

Quand tous les hommes du monde y voient un univers.

Il vient caresser les cimes glacées par les vents désoxygénés

Masser les troncs fatigués par le poids de la Terre sous leurs pieds.

Il redort la forêt de ses pansement vitaux

Et fait d’un chemin une allée fabuleuse.

On pourrait presque déloger

Dans chaque recoin

Une fée, une nymphe

Un homoncule ou un lutin

Et du bout des neurones

Le centenaire les dirigerait.

 

Il se décide à ouvrir son cœur

Et il le pose près du plus grand arbre de la plus grande forêt.

Le plus fort tronc garde les plus forts secrets

Et vous n’aurez pas d’indices, pas d’heure

Pas de couleur de ce présent.

L’arbre sage et vieux comme le monde

Sourit de ce cadeau informe

Et dit :

« Que me vaut l’honneur

Du plus grand des trésors

De si grande valeur

Que l’homme en décore

Jusqu’à ses millénaires fresques,

Et ses poèmes heureux,

Et ses douces arabesques

De ses temples fameux ?

Que ferais-je, moi

Du souvenir hideux

De l’amour coi

Du sentiment preux ?

Je ne suis qu’un centenaire

Qui ne peux se défaire

De ses racines substantielles

Qui relient Terre et Ciel.

 

- Tu ne feras rien, répondit le sage

Tu seras imposant et respectueux

Pour que jamais un fou ne saccage

Mes pertes et mes jeux »

 

 

 

Alors, peignant ce tableau agréable

Je vis subitement les vieillards faire leur échange ;

Ils semblaient toucher du doigt

À la vérité

Au secret de l’homme

De la nature,

Des vieux et des jeunots

Qui, par leurs âges fluctuants

Ne restent qu’un temps.

Je crois l’avoir entrevu à mon tour

Le secret, le trésor si bien enfoui

Entre les herbes et les brumes, oui

Mais je choisis finalement de laisser là, au milieu du chemin

Ma toile, mon pinceau et ma volonté ;

Je ne recopierai pas cette beauté

Ce sage déclin

De mes pigments vils

Je le garderai au contraire

Toujours au fond de mon cœur

Au fond de moi je sais

Que je vieillirai

Et bientôt j’irai voir l’immortel

Et lui donnerai le cadeau d’une vie qui se sait ;

Là, à moitié usé

Entièrement centenaire

La vérité ne me semblera plus si loin.