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Asthénie


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#1 En hoir de Loup-de-lune

En hoir de Loup-de-lune

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Posté 09 juin 2020 - 12:24

(Note : À l'été 2018, un bouquet des poèmes de Loup-de-lune a paru dans une revue universitaire de Suisse romande. Il y eut des réactions... Un étudiant et une dame, entre autres, lui ont écrit. Voici un passage de la lettre de l'étudiant : "Tout en reprochant à votre écriture poétique un esthétisme abscons, dans le même temps, je lui trouve une singularité charmeuse, presque envoûtante. À l'évidence l'univers poétique de l'auteure est affirmé. Ce n'est pas si souvent le cas. Je lui reconnais la force d'une personnalité, l'ardeur d'une identité qui a su trouver son originalité, son style bien à elle (...) Il me paraît même que je serai désormais un peu mieux éclairé sur la détresse de mon père atteint comme vous de la maladie du "sang qui luit (...)". Nous citons maintenant un extrait de la lettre de la dame : " (...) je viens de lire plusieurs de vos écrits/je suis séduite par vos mots qui filent et qui défilent/et même sans comprendre/je me laisse immerger, submerger/et je nage à l'envi/sans chercher à savoir où je suis, où je vais, je vous suis/c'est juste la magie/de votre poésie/merci". Et un extrait de la réponse de Loup-de-lune : "(...) La magie, je l'adopte de tout mon être, de toute mon essence !... S'évertuer à créer des objets magiques avec des mots et des sonorités (...) vous ne vous êtes pas condamnée à "comprendre"... vous vous êtes laissé emporter sur la mer poème, telle une étonnable Argonaute des origines, comme l'on s'abandonne à l'inconscient qui ex-prime au moyen de nous écrivant (...)". Ces mots ainsi échangés sont suffisamment explicites en eux-mêmes. Une écriture hermétique, difficile, peu intelligible à la première lecture, n'exclut, dans le coeur et l'esprit du lecteur, ni la pleine sincérité de l'auteur, ni le plaisir de se laisser transporter, égarer, vagabonder, par une sensation de mystère ou d'énigme à déchiffrer, un tant soit peu incantatoire ou magique, suscitée par de "nonpareils mariages de mots". Comment ne pas penser alors à "la marraine", comme l'appelle Loup-de-lune, comment ne pas penser à celle qui illustre dans la moindre de ses syllabes ce qui vient d'être exprimé : quand nous lisons boétiane ici ou ailleurs, nous ne nous disons, à aucun moment de notre voyage lecteur, "Il y a du celui-ci, il y a du celui-là dans cette poésie... Hé ! voilà qui fait penser à un tel, ou à un tel autre..." Non ! nous disons spontanément "C'est boétiane !" Quand nous la lisons à haute voix, nous éprouvons irrésistiblement ce sentiment d'entendre "une absolument moderne sibylle qui prophétise ou vaticine"... Le substantif latin vates désignant à la fois le poète et le prophète. C'est que boétiane a véritablement trouvé sa voix, énigmatique ou suggestive, qui communique parfaitement ce qu'elle est au tréfonds d'elle-même. Relisons, par exemple, son "Orphelinat des fleurs". Bizheng la voyait comme l'incarnation de cette pensée de Julien Gracq : "La seule littérature nécessaire est toujours réponse à ce qui n'a pas encore été demandé." Or les "devineresses" de l'antiquité, comme celle de Cumes, sont connues pour avoir répondu, dans leur langue magicienne, à ceux qui venaient les consulter sur leur avenir, souvent bien au-delà de ce qui était demandé !... Loup-de-lune... Bizheng a été terrassée par un deuil terrible qui lui a fait perdre la parole. Elle est vraiment devenue, pendant quelques mois, mutique ou aphasique, in-fans "non-parlant", étymologie de "enfant", ce que nous retrouvons dans l'un des recueils de la poète Aure, précisément intitulé "Enfances". Tout à coup un choc vient "lacuner" le réel entraînant dans son "trou noir" la fonction phonatoire. L'ineffable s'est emparé des voyelles qui savaient décrire le monde et communiquer les ressentis. Écrire, signifie alors tenter de retrouver une inflexion de voix, un timbre, une parole, sa parole qui passe le traumatisme "tout en le mettant en des mots qui constituent l'exutoire ou la catharsis"... Et combien de telles démarches échappent aux maladifs besoins de classements, de hiérarchies, de comparaisons ! Combien elles échappent aux manichéismes de tout poil qui opposent le simple au compliqué, le bien au mal, le noir au blanc... qui parquent en tel endroit les petits, en tel autre les moyens, en tel autre encore les grands, entre la pubescence et l'obsolescence du système de valeurs convoqué !... Car enfin, avoir trouvé qui l'on est et savoir l'évoquer avec des mots, quels qu'ils soient, être soi-même et pouvoir se formuler audacieusement en un poème, quel qu'il soit, c'est toujours avoir la bonne taille ! Nous ne savons pas s'ils sont nombreux, ces malheureux, si elles sont nombreuses, ces malheureuses, qui auraient troqué la joie de créer contre les rides du qu'en-dira-t-on, qui n'auraient pas de réception véritable, et à proprement parler pas de véritable existence, pour être continûment, d'imitation en imitation, de revirement en revirement, d'obsession en obsession, de jalousie en jalousie, d'aliénation en aliénation, cet éperdu et pulvérulent reniement de soi-même...)



Asthénie



cette ressource
qui abasourdit
puis vont s'espaçant l'agglomération
et le corps

jusqu'à la part d'orle qu'élit le banc


goutte après goutte
le folio du carnet
et son expectative murescente
graffitent que source
l'appel de la transparence

et chaque heurt
pâlisseur de voyelle
mutique l'encre rose


l'évanescence du cercle ourdit l'étang

la réluctance
au dernier reflet dévolue
cette lyléenne gisance

presque une prière d'aorte
circonscrit l'incolore corso


à travers les prémices du poème
ces vols criards
qui désapprennent l'éloignement



Loup-de-lune
LIU Bizheng

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