(Notes : 1. Les pièces de vaisselle peintes, tasse, assiette, etc., auront inspiré plusieurs poèmes à Loup-de-lune : voir, par exemple, dans son blog, "Vaisselle aviaire" 23/10/2016 et "Le thé de la mer intime" 16/10/2017 ; voir, dans le salon Sans commentaires, "Thé cosmique" 19/04/2020. Ces objets du quotidien, à travers les "kaléidoscopes leucémiques", sont surpris dans leurs évasions fantasmagoriques. Dans le poème qui va suivre cette note, la cuiller et son étoile "transfixent", et non pas "transpercent", le café de la tasse. Cette blessure provoque des saignements. Ce sont les "oiselles" rouges peintes tout autour de la tasse. Mais elles ne sont pas des monochromes rouges, elles sont parsemées de nuances qui rappellent toute la polychromie des pillules et des flacons, toute la médicamentation multicolore destinée au sang malade, les "dictames thaumaturges". Parmi ces nuances qui "néocylindrent la tasse laiteuse" constituant leur support, les "phantasmors" désignent les "fantômes des ors", les "ors pâles", et annoncent déjà, avec leur son "mors", l'issue fatale en dépit de tant de couleurs préconisées ; quant aux "systolangélites", elles disent que le myocarde adresse aux artères, au réseau angéiologique, un sang bleui par les traitements. L'alexandrin "et de bruns que ramesce un risque d'améthyste" avec son rythme si régulier 3/3//3/3, avec ses sons un-e(sce)-i-é-i présentant peu de variation entre eux, rend bien l'idée de l'harmonie et de la santé que pourrait contribuer à rétablir en effet, par exemple, cette fiole de verre brun que "ramescent" des reflets violacés. Le verbe "ramescer" d'après "ramescence" est créé sur le modèle de "flavescer" d'après "flavescence". Les trois néologismes, les trois termes rêvés par la jeune leucémique et placés au coeur de ce passage précis attestent la défiance et le recul nécessaire envers le vocabulaire de la réalité des convalescences et des guérisons en couleurs, envers "les essors nouveaux du sang aviforme". Alors l'alexandrin est suivi... est compromis et brisé par le dernier vers, avec ses quatorze syllabes tumultueuses, avec ses sons contrastés qui éparpillent toutes les voyelles du français o-a-e-i-ai(re)-(d)es-i-a-e-au-a-u... Nous croyons entendre la tasse de café se briser... À la santé musiquée succèdent les "reliques éparses" de cette médecine aussi espérante, aussi dévouée, aussi précise, aussi versicolore... que vaine ! 2. Le mot "fée" est un adjectif qui a le sens de "doté d'une puissance magique, surnaturelle" : dans un état de grand amaigrissement, ou "étisie", les bras finissent par évoquer de minces baguettes magiques... qui infèrent des maladresses, des langueurs et des lenteurs véritablement enchantées... Ouvrir une fenêtre ou boire un café, avec le corps en leucémie, c'est bien autre chose que d'ouvrir une fenêtre, c'est bien au-delà de boire un café... Le poème qui suit, comme tant d'autres écrits par Loup-de-lune, voudrait être une translation, un témoin, une trace, en mots, en syntagmes, en images, en sons, en rythmes, en énigmes, de ces méta- ou anamorphoses du quotidien, de ses gestes, de ses géométries et de ses objets que Leukaima sera venue disjoindre de l'évidence et des réflexes...)
Les essors polychromes
d'une étincelle encore
que la berlue stellée fit mutiner
l'ovale de métal
parachève son appointie
insiste fée le geste d'étisie
pour éveiller au transfixement
le discoïde qui s'acharnait au café
une divise vapeur
signe une épure de l'âme
néocylindrant la tasse laiteuse
dans l'acmé de l'arôme
sa plurielle saigne
en oiselles
nuées de phantasmors et d'azurines
d'orangés et de roseurs
de systolangélites et de noirs
et de bruns que ramesce un risque d'améthyste
sporade reliquaire des dictames thaumaturges
Loup-de-lune
LIU Bizheng