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La chambre d'à côté sera-t-elle aussi imagière ?...


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#1 En hoir de Loup-de-lune

En hoir de Loup-de-lune

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Posté 13 juin 2020 - 02:24

(Notes : 1. Loup-de-lune a reçu un jour un très beau cadeau d'un membre de Toute La Poésie, qui, auparavant, avait déjà déposé, dans son blog, un bouquet de commentaires, parmi les plus pénétrants, de partages, parmi les plus clairvoyants... Mais ce cadeau-là, c'est vraiment le genre de cadeau grâce auquel "le poème, immanquablement inachevé par l'auteur, est accompli par la réception du lecteur"... Loup-de-lune a reçu un jour un enregistrement de son poème "Chambre imagière I" lu par Silver... La voix de cristal de la lectrice si sensible... Loup-de-lune l'a écoutée à la faveur du silence de la nuit : "J'avais l'impression que mon poème m'était révélé pour la première fois, oui, que le poème que j'avais pourtant écrit auparavant, m'était véritablement donné à ce moment-là, qu'il commençait essentiellement à ce moment-là, que tout ce qui précédait ce moment-là, ce moment de la réception et de l'interprétation dans un tel coeur, par une telle voix, et avec une telle attention, n'était que balbutiements, que linéaments, que limbes du poème..." (Journal littéraire de Loup-de-lune, 24 décembre 2018). Nous avons le plaisir de faire tout naturellement de Silver la dédicataire du poème qui va suivre, paroxysme des visions à travers les kaléidoscopes leucémiques, acmé des traversées des masques, ou loups, colorés du quotidien, le nom "couleur", à l'instar du verbe "celer", reposant sur cette très ancienne racine indo-européenne *kel/*kol/*kl signifiant "cacher", "(...) la couleur étant ce qui recouvre et dissimule la réalité d'une chose" explique Jacqueline Picoche dans Le Robert Étymologie du français (2015). C'est bien cela, les évasions dans la "chambre imagière" : un sang différent qui infère des perceptions différentes qui induisent à des mariages de mots différents... La "chambre d'à côté" fait référence aux paroles attribuées à Augustin d'Hippone : "La mort n'est rien/Je suis seulement passé dans la pièce d'à côté"... Au moment où la victoire de la maladie ne laisse plus de place au moindre doute, Loup-de-lune se demande si la mort ne pourrait pas être en effet le passage dans une autre "chambre imagière", où la leucémie, loin d'être un ange destructeur, au contraire perpétuerait son pouvoir fascinateur et créateur, son sortilège kaléidoscopique, en les épanouissant, en les faisant participer de la "poiêsis" démiurgique et originelle, puisqu'en (leuco)poïèse elle sera retournée à la source même des métamorphoses... Qu'importe alors "le fruit qui ne sait plus nourrir" le corps devenu étranger aux triviales appétences, si le temps est venu de musiquer la nébuleuse d'un verger... 2. Dans la troisième strophe du poème, nous lisons le mot "poïkilaètes", créé à partir des éléments grecs poikilos "varié" et aetos "aigle" : les "poïkilaètes" désignent donc les "variétés d'aigles" ou les "aigles présentant toutes les variétés possibles". Il faut imaginer l'effet produit sur la jeune voyante, à la lueur de son sang-flambeau, à travers la lucarne entrebâillée, par les bourrasques de vent dans les frondaisons du grand arbre : "ondoyances de pelages et de rémiges", et elle voit les lions et les aigles qui formaient les griffons se séparer et accéder à des libertés et des mouvements et des recompositions fantasmagoriques, qui entraînent dans leurs reconsidérations et leurs redéfinitions "le quadrangle de la lucarne". Les brillances fugaces et soufrées du ciel participent de cette genèse plurielle... Les métamorphoses du bestiaire nouveau qui transparaît dans la chambre imagière surclassent les animaux les plus fabuleux des vieilles histoires merveilleuses usées. Quant au mot "olifant", il désigne un cor d'ivoire. Nous en trouvons un célèbre exemple dans la "Chanson de Roland", que Loup-de-lune avait lue plusieurs fois, chanson de geste ou épopée du XIe siècle qui raconte la mort du neveu de Charlemagne... L'olifant, symbole du merveilleux épique, lui aussi est dépassé par les visions de la chambre imagière... D'ailleurs Roland aura beau souffler dedans à plusieurs reprises pour alerter Charlemagne du piège funeste que lui ont tendu ses ennemis, l'empereur arrivera trop tard pour le sauver : c'est "l'olifant des désinences", des sons derniers, tandis que les nouveaux organes de musique que fait naître la chambre imagière, ou la chambre d'à côté, ne sont, ne sonnent que prologues et (re)commencements... peut-être... comme la voix de Silver qui a ce secret de (re)commencer, au plus cristal de son timbre, le poème de Loup-de-lune... 3. La strophe finale propose le tableau d'un faisceau de lumière prodigué par la lucarne, quintessence du feuillet, du "fissile" (voir le poème et la note publiés dans le salon Sans commentaires le 03/06/2020), où flottent les poussières enthousiastes, musiciennes, dans des scintillations irisées... C'est l'extase ou l'état de grâce des "traits" ou flèches de ce météore lumineux appelé "arc-en-ciel" ou "iris", sans cible, sans trajectoire, sans distance, sans matière, sans contrat, comme les filles musicales des Symphonies de Bruckner (voir le blog Janvier-septembre 2019), passés de la tribulation horizontale à la sérénité de "l'aplomb". Le "feuillet de clair" atteint l'heuristique, oui, les "traits" ont trouvé, ils sont authentiquement trouvères et troubadours de la nébuleuse d'un verger, avec "les solfèges des poudrescences", où le suffixe -eSC- exerce tout particulièrement le pouvoir d'inchoation qui est le sien. Nous ne nous souvenons pas d'avoir entendu un jour Loup-de-lune parler de la leucémie comme d'une ennemie funeste. C'est qu'elle lui était d'abord cette compagne troubadour, cette trobaïrits, cette "découvreuse de poésie", et nous aimons croire qu'elles vont encore, qu'elles iront toujours, de château galaxique en château d'infini, proposer la nouvelle récolte de leurs chansons mystérieuses...)




La chambre d'à côté sera-t-elle aussi imagière ?...




À Silver




le plus invisible du cristal
d'un écrin aura fait son oiseau


indéfiniment descend
mûre clairière agnosionaute
le parsemis du thrène


les épiphanies bondissantes
des frondaisons d'aérocolie
ondoyances de pelages et de rémiges
où poïkilaètes et lions-embruns
s'émancipent de l'antienne du griffon en ensoufrant
les brisées de la licorne les olifants de la désinence
n'auront connu de cesse que ne soit compromis
le quadrangle que lucarne l'entrebâillement


de la jaguarescence que tatoue le platine
comme une tératogenèse d'amants
le nombre duel d'un vinaigre va
pénétrant un lattis qui a léopardé un plafonnier


un étale quand l'album le dispute à l'adamantine eau
vient couronner le fruit qui ne sait plus nourrir
et le loup des renvois a rejoint la diablocardie des cruors


qu'émargeront les véhéments météores
qui dénient à la cime la passée de son théâtre
si préludent aux néphélécorolles d'un verger
dans l'aplomb du faisceau
fissile trobaïrits des traits d'iris
les solfèges des poudrescences ?...



Loup-de-lune
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