Eleazar, sais-tu combien Rome est puissante?
- Flavius, sais tu que Dieu est plus puissant que Rome ?
Ainsi se mesuraient, à Massada, deux hommes
Le Juif sur son roc , le Romain sous sa tente.
Les Juifs, cernés, guettaient les Romains en bas.
Que pouvaient-ils tramer ? Que savaient- ils ourdir ?
Quelle horreur païenne allait un jour sortir
De leurs cerveaux latins si enclins au combat ?
Jamais Rome ne céderait un seul arpent.
Eleazar savait très bien , en occupant
Le grenier des Romains, que Rome reviendrait
Défendre son honneur et tous ses intérêts.
Un vil matin, la maligne ruse apparut:
Une rampe d'accès, gigantesque charrue,
Allait scinder la plaine et tout ce qu'elle englobe
L'échelle des Romains allait tuer Jacob.
Sur cent mètres de haut , Rome voulait construire
Tel un tigre patient, tout tendu vers sa proie,
Une tour de Babel penchée pour introduire
Ses légionnaires-lions . Alors, ce fut l'effroi :
Eleazar hurla: enfants, femmes ,venez !
Prenez pierres et lances , c'est la destinée
du peuple juif qui se joue , là, sous ces murs.
Dardez tous vos jets sur leurs infectes armures.
La rampe montait , montait , au fil des semaines.
Plus le Romain se rapprochait et plus la haine
Montait elle aussi, plus Massada avait l'air
D'une Sparte au désert, d'une Sparte dernière.
Las, quand les ouvriers furent tout près des flèches,
Les Juifs, consternés , s'aperçurent trop tard
Que c'était d'autres Juifs, servants de César,
Qui s' affairaient à édifier ce cauchemar.
Jamais ils ne pourraient les tuer sans qu'ils pèchent.
La ruse des Romains n'était pas militaire.
La ruse, les Romains, l'empruntaient à Esther.
La ruse des Romains, c'était taper au coeur.
Jamais le Sanhédrin ne tuerait Eliézeur.
Les généraux romains riaient en contrebas.
Eleazar voyait leur néfaste sabbat.
Flavius semblait prévoir un bélier défonceur.
Sa fureur de tuer ne faisait pas mystère.
Flavius , parfois, criait: alors, Eleazar ?
-Ton faux dieu, que peut-il? ton faux dieu que fait-il?
Contre Rome, tout dieu oriental trop subtil
A fini écrasé. Pour toi, il est trop tard.
Rends-toi , avant que Rome passe par le fil
Du glaive ta tribu et rase ton bazar.
Implore sa clémence et laisse pour l'Histoire
Le souvenir d'un chef qui sut être docile.
Et Rome avance, pierre après pierre et semaine
Après semaine vers Israël replié.
Le reptile italien se hisse au sablier.
Jamais ne se vit au désert se déployer,
Glisser , plus sainte horreur au milieu des palmiers.
En bas du roc, les Romains se font un bélier.
En haut, les Juifs prient, sacrifient un agneau.
Eleazar espère voir quelques signaux
D'une armée amie, peut-être, au loin, dans la plaine.
Mais non, nul n'apparaît pour venir le délier.
Plus encor' qu' Isaac, il se sait prisonnier.
La nuit, il sent la Mort qui lui tend son manteau.
Il peut déjà ouïr les cris si matinaux ;
Des femmes hurlant ''non !'' sous les soldats brutaux;
Des enfants criant ''maman'' , tués aussitôt.
Au clair de lune, seul, accoudé au créneau,
Eleazar médite - en fixant son couteau
Les Suicidés de Massada
Débuté par Hubert-Albert Clos Lus, juin 25 2020 06:55
3 réponses à ce sujet
#4
Posté 27 juin 2020 - 12:22
merci à tous. Épisode historique, hélas, réel.
- M. de Saint-Michel et Laurence HERAULT aiment ceci