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Collapsus


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#1 En hoir de Loup-de-lune

En hoir de Loup-de-lune

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Posté 28 juin 2020 - 03:43

(Notes : 1. À publier, à présenter en ce jour d'été le poème de Loup-de-lune intitulé "Collapsus", une émotion considérable nous submerge... nous qui, avec une telle netteté, nous souvenons de cette grappe de poèmes lus au cours d'un autre été de ce siècle, dans une revue littéraire de Suisse romande, signés Loup-de-lune, nous qui avons sans délai aimé leur "esthétique hermétique", leur musicalité, leur invitation bijoutière au symbole et au mystère, leur frisson d'innovation et de modernité, leur secret de "suggérer plutôt que de nommer", nous qui alors avons voulu rencontrer leur auteur(e) dont la jeunesse nous a laissé(e)(s) sans voix, nous qui avons de la sorte débuté et la plus vivifiante et la plus enthousiasmante et la plus puissante et la plus sincère et la plus indéfectible et la plus indestructible de nos amitiés humaines, rendue chaque jour, chaque heure, un peu plus évidente et robuste encore par les "réfléchissements jumeaux" de la maladie, nous qui avons passé toutes ces années avec Loup-de-lune, avec Mademoiselle LIU, avec Bizheng, en traversant toutes les nuances de l'existence, nous qui l'avons vue au cours de nos atemporelles escapades miraculer des chemins insoupçonnés et épanouir sous ses mains-rayons des fleurs inconnues à même la grise pierre, nous qui l'avons vue faire de la leucémie, d'une part la voie éclairée de flambeaux qui la reconduisait auprès de l'âme soeur Linfabrice, Mademoiselle LIN, Meilihua, d'autre part la trobaïrits, la lumineuse découvreuse de poésie, qui lui aura restitué la parole après la mutité du haut deuil ravisseur de son expression, nous qui l'avons entendue laisser si lucidement le champ libre à la leucémie devant le désarroi médical, sans nulle résignation, sans nulle révolte, sans nulle désespérance, nous qui l'avons étreinte une dernière fois et comme la première fois jusqu'à confondre les turquoises de nos angéiophanies, nous qui l'avons étendue impondérable sur son lit d'agonie aux draps moins immaculés que sa sérénité, nous qui lui avons tenu sa main écrivante jusqu'à sa dernière voyelle de pouls en cette vie corporelle et terrestre, nous qui avons senti son ultime tressaillement se communiquer à notre propre corps pour le parcourir tout entier, au plus clair du poème, alors que le printemps ce matin-là était âgé de dix minutes, nous qui lui avons fermé ses yeux de jais tant aimés en craignant de déchirer ses paupières de papillon, nous qui avons embaumé, apprêté, vêtu, de larmes silenciées, d'essences orientales, d'étoffes précieuses, sa grâce de sylphide diaphane dans son cercueil, nous qui avons dû trouver ce mot, ce son, ce cri, ce souffle, sans cesse atermoyé par l'imminence du miracle, qui avons dû improviser cet impossible signe de tête, pour que devienne possible l'ébranlement du trop jeune cercueil n'en finissant plus de se fermer, prenant la direction de cette bouche du crématoire s'embrasant, nous qui avons veillé consciencieusement à ce que le céladon cinéraire fût acheminé jusqu'à l'archipel natal de Zhoushan, dans la province du Zhejiang, en Chine orientale, "afin que soit rejointe Mademoiselle LIN", nous qui, après cette saison de l'hoir, ne savons pas quelle forme prendra notre essentielle fatigue, puisqu'elle ne trouvera plus les bras de Bizheng pour l'accueillir et pour qu'elle soit divisée par deux... oui, vraiment, nous sommes submergé(e)(s) par une immense émotion, à présenter, à publier en ce jour de notre premier été "plus jamais comme avant", le poème "Collapsus" écrit par Loup-de-lune ! 2. C'est que ce moment du bain ou de la douche, ce moment où "à nouveau est émise la nudité", Loup-de-lune en a souvent fait un poème. Ainsi nous pouvons lire par exemple dans son blog "La jeune leucémique au bain" publié le 23/02/2018, et dans le salon Sans commentaires "Perrault perpétuel" publié le 29/04/2020... C'est que la "découvreuse de poésie" et ses lanternes magiques, ou kaléidoscopes, y savent opérer là tout particulièrement, avec les fluences de l'eau et les reflets lumineux, avec le corps plus fragile, plus disponible que dans la chambre imagière elle-même, ses enchantements leucopoétiques. Il arrivait fréquemment que Loup-de-lune ressente durant ces moments-là, ces moments de "l'enveloppe s'abluant", un malaise soudain, intense, un authentique "collapsus", durant lequel il lui semblait qu'elle "glissait" véritablement, conformément au sens du verbe latin labi, participe passé lapsus, avec les eaux lumineuses, comme une transfiguration des viscosités et des épaisseurs sanguines, vers un nouvel espace-temps. Elle était là pure évanescente ou "disparaissante" (voir le poème publié dans le blog le 30/04/2018). Et pourtant ces moments de déficience coïncidaient avec les plus fortes pulsions créatrices : elle était rebaptisée de "ce démiurgonyme d'Undafer", et comme Lucifer porte la lumière, elle portait l'eau-lumière des ruissellements, l'eau-lucidité des écoulements, l'eau-lueur des passages... Traversante !... Oui, nous en témoignons, nous avons souvent retrouvé Loup-de-lune, dans la salle d'eau, dans le passé antérieur, équivalant presque au potentiel, de "ce frein des cartilages/qui eurent reçu un artiste laps", comme il est écrit aux vers 1-2, en proie à la géométrie effarante et fantastique de "la fixité vestigieuse des jambes en arches", comme il est écrit au vers 20. 3. L'un des derniers mots du poème "Collapsus" est le mot "savon". Un accessoire crucial, vital pour Loup-de-lune, par-delà ses usages élémentaires et quotidiens. Nous en avons toujours possédé toute une collection très variée, dans des armoires en bois, peintes de fleurs, de feuillages et d'oiseaux composant, comme des prières, d'étourdissantes, d'infinies, d'éternelles arabesques... Loup-de-lune prenait tout son temps lorsqu'elle ouvrait l'emballage d'un nouveau savon pour en respirer longuement le parfum et en éprouver la forme et en apprécier la consistance. Elle avait fini par établir, plus ou moins consciemment, une espèce de rituel magique, sacré, qu'elle avait le secret mystique de prolonger toujours davantage... C'est qu'un nouveau savon, plus que tout autre chose, par la puissance que sait exercer l'effluve ou l'odeur sur l'esprit et la mémoire, signifiait la vie encore un peu, un nouveau sursis accordé par Leukaima, des lendemains encore de lavande, de cannelle, d'amande, de vanille, de citronnelle, de camomille, purifiant et protégeant le corps dans leurs téguments de mousse... Aussi, tout naturellement, plusieurs poèmes de Loup-de-lune sont consacrés au pouvoir du savon, véritable charme talismanique : voir dans son blog "L'appel" 16/08/2017 avec le riche et beau commentaire de pigloo, "Savon sélène" 24/08/2019, "La jeune cancéreuse au lavabo" 13/11/2016 : "Depuis ce matin/le savon est un coeur rouge/Et les mains à laver/iront inéluctablement le perdant (...) /De ce coeur quelles seront/et la taille et la métamorphose/quand après quelques matins encore/par-delà quelques sursitaires fraîcheurs/venues aux poignets minimes/le rythme/qu'au fond d'elle il lui fait la grâce d'enhardir/aura cessé". Le savon peut aussi, d'utilisation en utilisation, de jour en jour, finir par ressembler à une aile très mince, promesse de l'envol, prélude à l'essor de la part incorruptible... Dans le poème qui va suivre, il est devenu avec "le paraphe du dernier souffle", une ovale lamelle" qui participe par degrés de l'écoulement de la transparence, de la "glisse" du limpide scintillant. 4. Avec Leukaima la trobaïrits, les portes coulissantes et translucides de la douche sont changées en un "retable", et le liquide jaillissant du tuyau vient y couler en "aquarellant de fugaces méduses d'eau" que multicolorent les diverses sources d'éclairage, d'abord de la salle d'eau elle-même, ensuite des pièces voisines, enfin et surtout de Leukaima, du sang qui brille, du sang qui luit, du sang qui lune de safran et d'incarnat, et nous n'oublions pas de préciser que le mot "lune" au vers 19, reposant sur la même racine indo-européenne que "lumière", "luire", "leuc-émie", est une forme du verbe intransitif "luner" au sens de "émettre ou répandre une clarté lunaire"... Alors, nous ne sommes plus "Durant les dernières minutes du dissimulable" (voir ce poème et sa note publiés le 25/06/2020), où la couleur est le masque. Dans "Collapsus" en effet "la couleur submerge/ses loups" : le "loup", comme dans Loup-de-lune, si loin des révélateurs clichés hurleurs, est ce "masque couvrant le haut du visage". Ainsi le "collapsus", les coulures des eaux colorées, ne sont plus le vernis, ne sont plus les apparences, mais le réel qui va assumant les épanchements corollés par l'effondrement soudain de la complexion corporelle et de son heurt syncopal sur le sol de la salle d'eau. Et les eaux de confiance ne cessent de couler, de courir... elles atteignent à toujours plus de cristal, à toujours plus de limpide. Les colorations n'étaient qu'une étape, elles sont distancées. "Collapsus", glissement hors du corruptible et de l'éphémère, glissade enfant hors du symptôme et du diagnostic, glisse hors de la cause et de l'incidence. Comme nous avons eu ce courage de réouvrir les armoires à savons, et que leurs parfums la restituent si nettement, nous revoyons Loup-de-lune, avant que le cercueil blanc ne la dérobe à nos yeux d'eau, et jamais elle n'aura été plus translucide... et le feu aura eu beau passer par toutes les nuances du rouge, elle aura glissé, élégant collapsus, ataraxique laps d'au revoir, devant chacune d'entre elles, devant le vermillon, devant la cornaline, devant le cinabre, devant le corail, devant l'amarante, devant le pourpre, devant le rubis, devant l'orangé, devant l'éosine, devant le rocou, devant le colcotar, devant la santaline, devant l'andrinople, devant le brésil, devant le rose, devant la garance, devant la framboise, devant le carmin, devant la fraise, devant le ponceau, devant l'ocre, devant le réalgar, devant la groseille, devant le kermès, devant la sanguine, en en recevant tour à tour la teinte, sans qu'aucune d'entre elles, en dépit de toute l'ardeur de son hématique écho, ne trouve le moyen de se fixer... elle aura glissé fluide et accompli leucopoème destiné à "la transparanéité de l'ininterrompu".)





Collapsus




avec ce frein des cartilages
qui eurent reçu un artiste laps
à nouveau est émise la nudité
de l'enveloppe s'abluant

étourdir élit un battement
la couleur submerge
ses loups


Sa part d'insurrection
lui consent encore ce démiurgonyme d'Undafer

l'arcure plurielle du flux bouillant
inépuisable voeu immanent à la percale de paume

d'une lente horizontale
sur un retable enfin qui a coulissé
elle aquarelle de fugaces méduses d'eau
parmi pluiante une sonorité de carreaux

grènetis de bleu seuil hémibouclant l'albe effoison

poix kaki où s'agglutinent les quadrilatères

tentaculaire safran délavé de l'électrique ophtalmie

incarnat en plein chagrin pour que lune un plus vrai risque en fanal



Et la somme du tréfonds frappe


sous la fixité vestigieuse des jambes en arches
la transparanéité de l'ininterrompu
va assimilant cette ovale lamelle du savon
que l'expir a paraphée d'une éclaboussure




Loup-de-lune
LIU Bizheng

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