Tu viendras longtemps marcher dans mes rêves
Tu viendras toujours du côté où le soleil se lève
Et si malgré ça j'arrive à t'oublier
J'aimerais quand même te dire
Tout ce que j'ai pu écrire
Je l'ai puisé à l'encre de tes yeux
Traversante
avec l'ombreuse étoffe qui divise
la béance de l'épicerie
bombe le rose
mystifiant le degré de l'effaçure
la robuste mémoire
confirme sa carène
et l'houache staminée
des corolles
enfuies de la cueillaison argonautique
muent le naufrage en jardin
entre les colonnes du pavillon
la quintessence de l'escale
grâce au rosier s'ogivant
et l'île déborde le fugace et le récrée
de turbides débits
embouent et ambrent l'inépuisable de la mer
et cette passation d'inconnus au marbre noir
cette proue calligraphe afin que ton nom se dore
qu'y pourra l'ancre pétrée
qu'ayant ouvré la symétrie des rugisseurs
perla le rite éploré ?...
si des mains étoiles
les surmontent encore de leurs bouquets hissés
dans la risée viride d'outre-chair
***
L'abîme des anges
Dans la presqu'ombre de la chambre
parmi les florilèges partagés
ils parcouraient du regard
le firmament de nos silences
leurs ailes qui s'éployaient
passaient la porcelaine
le distant abat-jour
s'y réfléchissait en brûlements
attachés aux cires de nos confidences
dans les plis de leurs tuniques
reposait l'obscur
et des notes
élixir des amants
perlaient à leurs cithares
sous les doigts diminués sans nulle meurtrissure
De la voie d'un ancien bisse fabulée par les neiges
tu es entrée dans l'abîme
ton risque avait suspendu notre complicité
mais tu me reviendrais
avec le poème du preux
qu'elle fut d'outre-sanglot la phrase du téléphone
en laquelle se condensa le héraut funèbre
Par-delà coutures et baumes
par-delà portraits au violoncelle
par-delà blanc cercueil et corbillard
cendres et lavandes épousées
mes pas plagiant tes pas
sur l'ancien bisse
tout à la glace étrange de l'été
j'ai grand ouvert le coffret laqué
précipité les anges
descendre encore
et encore
coeur vertigineux
ravin des moelles
profonde la douleur
profonde
jusqu'au mystère
l'essence
Et cet enfantillage entêté
à muer le bibelot
en vol tutélaire
sa flagrance fragile
en essor
et s'il advient
qu'une manière de brisement
m'environne avec insistance
je crois à l'intime visiteuse qui
derrière l'ondulante féerie des rideaux
arpente entre roses et lune aqueuse
le gravier du jardin
***
L'absence
I
Le simulacre de poignard et de cimeterre
chaque trait jusqu'aux plus effilés
se résolvait en ton poème
il ne vint plus que l'eau des prunelles sur le papier de riz
avec sa transparence pour le bûcher des encres
et la dernière feuille a neigé de mes mains sans printemps
puis le grand pays blanc
où je la rêvai ubique
exténue mon vagabondage
la conviction du chemin
repose
profonde
pour doubler désormais mes empreintes
voici vaporeux mon pas seul qui retourne
II
Ce vieux banc de bois réappris par ma halte
un souffle des nourritures en sommeil
ou la bourrasque fortuite
et l'arbre qui le côtoie s'éparpille
en prosternant ses roses faîtières à peine divulguées
ma rémittence habite son calque de pétales
toutes paupières ignées
soir après soir
les soleils fabulent
à l'étal de ma patience
la criée
du fruit
que nul partage n'attend sur la table
où mes mains récoltantes le glissent
III
Quand je m'éprouvai entre le ciel et le champ
comme un funambule d'éther
sur la ligne séparant leurs bleus symétriques
j'inclinai l'urne blanche
et tes cendres qui linéamentaient un phénix
touchèrent au firmament des lavandes
puis s'y étonner encore une fois
toute une après-midi de sud
et de serments sans inflexion
d'un ruban de toujours
je noue
ma pensive cueillette
le même parfum descend des porte-bouquets de l'espace insensé
où le feu imitant mes fièvres te fit impondérable
***
Les Mondes perdus : à la recherche de Mademoiselle LIN
Prologue
Pourtant pas un de mes mots qui n'invoquât ta survenue
et le son mûr recomposa toute une porte à rouvrir
or de ma main vaste par la tienne rejointe
le poème interrompu s'emparerait furieusement
quand te diminua le pronom qui te réverbérait dans mes pages
tu t'en allas mêler à ton désarroi les abrupts
et mon poème toujours te méconnaîtrait dans l'abîme de neige
mais parmi les cités sans âge que les mers ont ravies
parmi les étranges et belles images de leurs découvreurs
tu reparais et te réconcilies avec le poème
pas un de mes mots qui ne change ta mort en voyage abyssal
I - Heracleion
Comme un grand fanal d'art le port sombré m'oriente
s'est achevé là-haut le pesant de ma discordante chair
et la mer me dévale dans ses aubes virides
qui ravivent l'imminence de ta silhouette
de la pierre ouvragée jusqu'à l'image d'un dieu
croît un regard où s'ovalisent les millénaires
ma couleur y vient lente et pure comme la patience à la patience
d'une telle destination mille bateaux immobiles
le féerique capharnaüm du bestiaire des proues
mon amour y dissipe toute fièvre naufrageuse
et la rue noyée qui n'a plus de nom sera pour ton pas retournant
II - La cité des Lions
Qu'être par-delà le feu si prompt à cendrer tes affres
sinon ce diaphane visiteur des flambeaux submergés ?
tout respir suspendu dans la ténèbre plurielle
se refermait déjà la chambre idolâtre du poème spoliateur
mais aux lueurs s'échelonnant est distancée l'impénitence
et prodigue de nautiles fabuleux le pardon
fulgure comme un rugir clair le long du palais fauve
renoncer transvide la quête dans les grands lions qui rêvent
ils ont des proies suffisantes toujours
en la fluidité musiquante de leurs ombres
où revient puiser le jais si doux de tes cheveux
III - La pyramide de Yonaguni
Franchis les cimetières apétales de l'oubli déjà s'épand
la mer des ciels fabulant à l'entour de l'étoile séculière
la grâce qu'ils coulent dans leurs déclins ressource mes prunelles
approfondit la présence dans le filigrane des esplanades colosses
mille rocades mutiques pour s'étonner de concert
le brûle-pourpoint des marches en manière de faille
où tomber et gravir ne sont qu'une même retrouvaille
ainsi se pérennise notre sentiment nomade
de faune et d'ineffable l'espace recompose les angles
et sur la pierre infinie des puissantes fois antiques
tu m'apprends encore à déceler les fleurs qui vont abrillant nos mains
IV - Pavlopetri
Les vitrines thaumaturges auraient beau multiplier les milices de l'effacement
me portait la grande erre encline au rivage
m'entraînait l'imputrescible musette de pensée
vers les quiétudes des eaux artistes
passeur des serments rescapés voilà l'oeuvre des tréfonds
cette promenade de silence entre les colonnes toutes franches
ce mur fol désirant la méticuleuse aire de notre concorde
puisque parmi la merveille ruiniforme des quotidiens
parmi les tombeaux que tenturent
des jaillissements d'argonautes il m'est rendu
de te regarder dormir dans le poumon versicolore de l'éternité
V - Port-Royal
Flibustier de ta candeur mon poème intempérant
aura vécu son séisme et la division de sa pléthore
ainsi l'absence réputerait la mer seule pour image
sa geste originelle qui débâcle les convictions
les manuscrits noyés ressourcent l'encre ogresque
à l'humblesse des degrés un astre vainc par les cornes d'un taureau
mais quel élan pour obvier à mon pas d'altitudes altéré
l'arcane du profond collige des tablettes
mais quelle voix pour chanter le charme des signes...
or figent parmi l'erratique butin des poissons-gemmes
ces purs yeux me sachant jusqu'au battement prime
VI - Le Conestoga
Les radians de mon deuil se démesurent dans la mer
j'y respire par les mots qui découvrent les épaves
et les aiment assez pour dire leur beauté neuve
la bouquetière du temps qui les apothéose
de la prairiale quille et des passiflores du beaupré
de la trace vocalique où va germinant un nom
s'exhale l'esprit du voyage
d'amples inconnus comme l'épiphanie des voiles
des carnations fulgorées comme un équipage à l'improvisé
et cette intègre ardeur à seule fin de lever l'ancre
le silence serti du poème qui pointe ton atoll
Épilogue
C'était ta tombe et mille siècles avaient coulé
c'était ta tombe myocarde des mers battu
et radieux de vivants inouïs et de lexèmes recréateurs
c'était la calligraphie d'or où chuchote le recreusement des abîmes
la féale entrebâillure de la pierre noire
et la volute céruléenne de ta cendre qui s'enfuit
pour exaucer ma prière atemporelle
j'accrochai là le vieux gâchis tenace
avec toutes les solitudes et toutes les angoisses...
jusqu'à transfigurer la franchise du poème en mon corps qui s'allonge
renouant avec l'exquis de tes épaules sommeilleuses
***
La calligraphe
De l'urne inclinée soudain
par ces mains aériennes à suppléer l'éther
s'épancheraient tes cendres
sans rien ombrer de l'ardeur bleue des lavandes
elles se fondraient dans le sud que nous frayâmes
oh ! cette incandescence du souvenir impuissante à les joindre
mon reflet pulvérisait tous les miroirs
les yeux chers parcellisaient leurs candeurs
et le papier de riz éperdument neigeait la saison de l'absence
j'ai eu si mal
de demeurer
et les vadrouilles
m'ont gîtée
tous les traits
de mon nom
éparpillés
mais s'en saisit le poème que tu aimais
si long temps de pierre sans eau et de feuille blanche
si long temps d'encre que n'émancipe pas son broiement
et de pinceau orphelin des forces exactes
il y a tant à réunir pour se résoudre en geste
les tressauts du myocarde broussaillent les tracés
et l'accolade des langueurs enserre l'équilibre
pourtant, mon amour, à ta voix qui s'escrime à poindre
il monte comme une évidence de ciel
derrière le dragon gauche
***
Partage de l'arc-en-ciel
La neige oblique exagérait
reblanchissant toujours
le courbe sillon de vitre
supplié par mon gant
pour revoir le rose et l'or
sous lesquels s'étendait ta dépouille
où le corbillard s'évanouit
convergeait la cité de flocons
soustraite fantomale à la collation des autres
j'ai cherché un chemin insolite
une venelle encline au vague du sang
mes repères mes axiomes
mes écoles mes étais
la polychromie de la mémoire
dans le creuset de la déréliction,
j'écoutais le soliloque du sombre
Avril sur les éreintements
revint ruisseler
et chaque goutte réfracta la lumière
à l'aune de ma propre dispersion
par cette même effervescence
qui t'avait fait ouvrir ta maison
à l'étrangère filoutée
et déployer tes nourritures
sur le grand lys de la nappe
et border le lit frais
parmi les candeurs de la chambre cédée
par cette même munificence
l'arc septuple se partageait
violet rendu à la laine de la couverture
minutes merveilleuses des sommeils coïncidés
le signet du florilège retrouve l'indigo
le long duquel un poème mire les amants dans sa licence
le bleu retourne à l'encre des billets
et aimer enlumine le manuscrit des bagatelles sacrées
au seuil de la gare ton bagage fige cette restitution du vert
et par-dessus, l'un pour l'autre, nos tout premiers regards
avec le cerf-volant sur l'allégresse de Zhoushan
renouent les arabesques du jaune
grands rideaux fermés qui vont se rallumant
aubes et midis s'orangent en nos paresses impeccables
le foulard sur ta gorge refait son beau nud de rouge
cependant qu'à travers décembre se réunissent nos mains
lent effacement de l'arc
prononciation sidérante
de chaque souvenir
Ô jardin !
aux confins de l'éperdument de la vagabonde
on s'y divertit dans un silence essentiel et ravissant
on y tourne un jouet
disque blanc
qui ralentit
jusqu'à la réapparition colorée de sept angles égaux
à l'émerveillement des enfants
au recommencement du geste menant des couleurs
au blanc
du blanc de la neige
à l'ombre du soir qui borne
j'accepte le charme impérieux des métamorphoses
***
mer noire
aux hublots de sa chambre sélène
s'étrange le lacuneux gemmail des déclins
à mi-décroît du feuillet sidéré
comme la drisse l'immunise
risqueur du virtuème qu'envergue
une immaculation de paroleur
alluder désamarre
et confluent les libations des obscurs
vers l'énigme qui source le large
au gré des boras amnistieuses
les promontoires porphyrisés
transmuent le soupçon d'étoile
et les portulans imagent les essors
s'éteignant d'infini
en faveur du succinct qui la gîte
houle décerclante l'encre traversière
et du moindre rai d'élucidation déictique
réputé un abord
sitôt que de l'incandescente asymptote
s'évade un inane et jaloux éclat
et pour chaque fanal perlier
pleuré par l'inatteint
pavillonne un peu plus pélagique
le poème du silence
𝕃𝕠𝕦𝕡-𝕕𝕖-𝕝𝕦𝕟𝕖 / 劉 碧峥