Coqracie
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Deux vieux coqs décatis, crête décolorée,
Se toisaient vaillamment, fiers de leur renommée :
Chacun d'eux était riche, avait poule et petits
("Petits" n'est pas le mot : tous étaient endurcis).
Ils avaient, du talent, la fougue monétaire
Et, dans tout le pays, on redoutait la guerre
Que ces deux-là menaient sur leur tas respectif.
La basse-cour amène observait les motifs,
Comptait les coups portés, les ruses, les folies.
Bref, on œuvrait beaucoup dans cette oisellerie
Pour ce qu'on pût nommer la "coqracie" d'état
(Car la voyoucratie valait moins que cela).
Les deux gallinacés se battaient pour la gloire ;
Ils tenaient chaque endroit de leur grand territoire
Et menaçaient de mort les passants malchanceux :
"Partez d'ici, manants ! Sommes ici tous deux
Pour diriger le monde. Ainsi va le partage."
Un zélé journaliste émit quelques messages.
On le fit taire avec un grand coup de (… …)
Et des billets cachés dans une banque au sud.
On n'imagine pas ce que les coqs séniles
Paient pour faire voter les plumes dans les villes.
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Sentiments ©M.KISSINE – ISBN 9782919390519