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'Poèmes', suivi de 'Soupçons mallarméens' / par Loup-de-lune


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#1 Loup-de-lune

Loup-de-lune

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  • Une phrase ::« Je suis la jeune leucémique des lisières, dont l'allure odysséenne et frêle tantôt se coule dans le rêve tantôt repasse le linéament du réel... la jeune érythrophore des confins, la féale étymologie des crépuscules, qu'intégralement la mort est impuissante à com-prendre et que la vie échoue à con-cerner entièrement... »

Posté 04 janvier 2021 - 11:24

Nous nous connectons, avec cette autorisation que nous avons reçue d'elle, à son inscription à Toute La Poésie qu'elle a validée en juin 2013, afin de publier un nouveau choix de vingt-quatre poèmes ainsi que le recueil 'Soupçons mallarméens' découverts parmi tant et tant et tant d'autres encore dans les papiers personnels de Loup-de-lune... Que toujours vive la Poésie... ici... et ailleurs !...

(FG / BeV)





Poèmes



***


Loup-de-lune


un délicat nuage noir glissait
ses métamorphoses sur les étoiles

et presque de concert
nous nous sommes écriés :
"Regarde, la lune va mettre son loup
et pourtourner les yeux qu'elle a posés sur nous !"

c'est depuis ce nocturne-là
que je m'évertue à raviver
ta voix et ton parfum
avec des poèmes lucides
qu'un aérien velours masque


*


Plaie


Une feuille
lance dansante
écorche
le vent qui l'emporte

La venelle
où je m'engage
effusion
de solitude


*


Église artérielle


bordeaux radial
tout au bout de la nef
un coeur dépeint

les systoles verrières
vêtent de rutilances tuniquées
l'angoisse et la bienveillance
le numineux vulnéraire
et le demi-secret d'un ange


*


Languide


à travers les frondaisons
s'enténébrant

cet enlacis de veines
que l'indicible taille

le macassar du ponant
effuse sur les prévenances de ouatine


*


Caducifolié


un mouchoir imbibé
de la mémoire des pluies
enfonce mon pas dans le trottoir

par un charme mimétique
au faisceau de l'embellie
son éclat de neige a pris l'aspect
des feuilles d'automne qui l'environnent

et j'épouse sa chute orchestique
et colosse comme le ciel
après son détachement de l'arbre alpin
qui a dénébulé ses faîtes glacés


*


Héraldique sylvestre


le mouvement de la nuée
allume les bruns et les verts
que la lisière a fascés

un théâtre costume d'ombre
les ramées de zéphyr
qui silhouettent leur zoophanie fée

le chant d'insistance
confirme le sécable et son oiselle
en désir de verticales tavelées de brillance


*


Scission


il se souvenait très précisément de la hauteur à laquelle, sur le fût, la lumière se séparait alors de l'ombre
et c'est à cette exacte ligne que l'arbre avait été brisé par la tempête nocturne

et la partie qui fut celle de l'ombre gisait maintenant dans le pré, ses frondaisons transfixant la lisière pour s'ensoleiller

et la partie qui fut celle de la lumière se dressait, fascinatoire verticale, insaisissable aigu, latente flavescence d'une architecture enténébrée


*


Ponant


la forme avait trop d'éclat pour confirmer un disque

elle glissait en source des orangés
qui savent outrepasser l'horizon et la descente

et continûment une gaze ondoyante
s'éployait devant son spectacle

les mouvantes frondaisons aspiraient à informer leurs cryptides issants


or fut méticulosé le périmètre juste avant sa disparition
silhouettant des linéaments d'encre et émiant la superstition du rubis

le désir amarina un ciel
en mauvincendiant des carènes-ouates

et naquit une pluie d'abondance
transfixant la lucarne
avec son irréversibilité du brisement

elle se mua en crépitation de grêle qui pénétra si loin dans la chambre
que ses gemmes d'eau vinrent se coaliser avec les encres du carnet


et comment après une telle pulsion de fragments
une telle frénésie de parcelles
un pas dans l'escalier

qui n'était pourtant pas le pas

avait le pouvoir de reconstituer toute une présence à l'étage de l'hôtel ?

qui n'était pourtant pas la présence


et d'où pouvaient bien tirer
après une telle absence

qui n'était pourtant pas l'absence

leurs parts de lumen et de résonance
les piètres détonations du feu d'artifice étésien ?


*


Lanterne


Pérenne lueur
au pied de la madone

écailleuse

De matinières courbes
symétrisent un bouquet

où flue du rouge sang

Joigne ma mélancolie
la nuit noire

aux fins d'épanouir



*


Phénix


C'était un temps indéterminé
après la bataille

le sang tout le sang
répandu
le cruor tout le cruor
était devenu lucide
à la manière d'une leucose lustrale

l'étoile hypogée
longuement s'y baigna
et se leva

délinéamentant les vols nouveaux
les armes
toutes les armes
traversaient la lumière


*


Myriam


le triangle que la lucarne entrebâillée meut
allume tour à tour les trois petits bouquets que Myriam avait composés au retour de cette escapade solitaire, utopienne et durée

gagnées par l'un des angles
les extrémités de deux allumettes d'oubliance
noircissent encore davantage
et assermentent les fusains des évocations sépulcrales

vêtue de sa nuisette liliale
Myriam les aura craquées
de toute cette foi sans paroles
en l'épiphanie des fleurs au vase de l'insomnie

un débord d'eau scintille
et à travers la transparence qu'il épaissit en perle
si lucidement brasillent les bracelets
par lesquels effusa
le diaphane des poignets serpentés de bleu


*


Canicule


sur le meuble veiné
parmi les vanneries à fruits
la lucarne donne
un triangle de lumière

il rehausse le rose
le rouge fraise
et le soliflore orangé

l'ombre de la corolle
broussaille au coeur une garrigue

le poisson de bois fauve
planté dans son losange
frémit d'un tel épanchement
où s'est annulée l'eau


*


Travaux d'automne


Un acrimonieux ouvrier s'élança mais
la main injonctive d'un collègue l'arrêta

et la petite vieille de gris et de mauve
pénétra leur nattage de silence et d'onomatopée
traversa le chantier
franchit l'échafaudage

et vint raviver au pied du bois suppliciateur
duquel on avait ôté son dieu
de meurtrissure et de pâleur

la flamme de la veilleuse

en déposant la grande feuille couleur d'ardeur
qu'elle avait recueillie
sur son itinéraire auroral
à l'extrémité de son arthralgie



*


Joyau antinomique


une feuille
affranchie de la frondaison

danseuse qu'ont passementée
toutes les métaphores aurifères

elle pourrait gagnant le vert
s'évaporer

mais en neige inverse la témoigne
un papillon jaillissier


*


La gratitude prodigieuse


les fleurs parme
que j'aimais retrouver près de l'orée
auréolées du tremblé des butineurs
ont été fauchées

je n'ai pas eu le coeur
de les abandonner à leur morose fatum de foin

j'en ai par conséquent recueilli un bouquet


je détache chacune des corolles
de sa tige sinuée de meurtrissures

et les dépose
comme une petite épiphanie de nénuphars
sur une assiette emplie d'eau


où elles roseclaireront encore un indéfini de jours

puis fanées
elles empreindront la faïence

dans le double cercle d'or et de grenat
qu'elles effleureront sans oser le débord

d'une profuse évocation d'ailes fossiles


*


Bestiaire sylvestre


parmi le silence
bruissé d'orle

du cri
poignit la lettrine

et la ramure en jaillit
actinies treillissant vers le ciel

tandis qu'entre les libers verticaux
une silhouette de cryptide
sertissait son instant
dans l'ardente répercussion du vert pluriel


*


La métamorphose


Sous l'inopinée
cascatelle
une adolescente déliant
ses longs cheveux de
jais

l'oubliance
des heures
en robe bleu pastel

elle a ouvert son cartable

les manuscrits
feuilles de grammaire
cahiers d'histoire
figures de géométrie
débordent

leurs encres serpentent un ru multicolore


Cette infatigable battue
qui natte les forêts
du silence et du nom
de l'espoir et de l'aboi

tout autour du village
tout au long des rapides
de la rivière


Où fulgore une joaillerie de vouivre


*


Nuance


Sur un degré
de l'escalier
qu'octobre pyrochrome
illuminait

par lequel je progressais
vers le jardin public
enlyré de l'absolu de l'enfance

ce morceau de papier

rouge

dont la mouillure
parut récente


Il manque

du cruor

quelque part

au plus guerrier des alizarines


*


Apesanteur


Tout le rose du jour
réuni en cet aluminium globulent
qu'a foulé mon pas

D'anthracites en automnures
de mélancolies en réembrasements
abstrait des directions
et de leurs contrats

il s'évertuera à décacher les jardins


*


Aux prémices de la fenêtre et de l'abat-jour


des émanations de croix
dans le trouble lamellé
du safran blême

un levant est supplicié

un rhombe lactescent
trémule d'asyndète
au mitan des armoires

orphelin de la clarté


*


Feuilles d'automne échancrées


et prestidigitatrices
des voies ressassées

sur des roses des vents
des roses des vents
se posent

et ma direction
avec ce penchement du buste consort
c'est contempler
les expéditions enluminées de leurs incidences


*


Concentration


Cet aboi
qui se voulut mystérieux
en témoignera le principe


et la défoliation lumineuse
s'empare de la promenade

marie
les rousseurs
avec les céladons et les ors
les citrons
avec les olivines et les écarlates

pour le jais jaillissant d'un freux


Sur cet aboi
qui sait désennuyer de l'azur
bifurque son brillant


*


Embellie mythologique


le clair-obscur repu du troupeau
sur une matinée déclive
où des arbres mélopent l'invocation

la nue échappant un faisceau
peint avec les frondaisons d'automne
l'ample frisson d'une toison d'or


*


Mademoiselle LIN


Je ne sais si
c'est le souffle d'un mot que
j'aurai prononcé

qui remue ainsi
zéphyrien
au-dessus de la table des repas

les feuilles indigo
pareilles à des ailes de papillons
que retiennent d'insoupçonnées tigelles

........................

Après que tu eus éprouvé une parole

qui te fut évocatoire

tu seras passée


et tu as laissé de ton vol fugace

étranger à la chair des yeux lugubrement sursitaires

cette empreinte qui n'en finit plus d'osciller

incalculables prolongements de mes sentiments pusillanimes




***



Soupçons mallarméens



I
partance_

pétale
qu'au bord de l'étang ma main
diaphane
en parme nacelle
échappe

embarcadère des ombres


II
sans plus de distance_

à travers l'entrebâillure
bruits de sabots
l'indéfini pétille


III
scrupules apyres_

couleur de feu
qui a rehaussé le bord du chemin

mue d'une flamme
dont les angles droits ne brûlent rien des cailloux


IV
vespéral_

épiphanies nébuleuses du rose
où sont silhouettées
les cimes-vouivres


V
l'arbrisseau verrier_

la caducité
en suspens

l'effeuillement
fait des proies
triomphantes d'incarnat
et de flamme mirabelle

au tremblé
au tournillé
au dansé du vitrail arachnéen


VI
sépulturées_

dans la voirie neigeuse
qui aura évincé la boue
pour préluder aux transparences
les feuilles d'automne
endormant leurs limbes ignescents
ont gagné un luisel
à l'enfance même du cristal


VII
du tréfonds_

pour que poudroie
le pardon

ose
un rai de ta lymphe


VIII
l'aube vespérale_

une épiphanie
cygne la bonace lacustre

cette nuit interminablement
sera attardée
par sa lacune immaculée
et passante


IX
rougenoir_

marinier
de la brise

un pétale
fait escale

un rai
telle une épingle

la pierre aussi
saigne

*
à l'orée du terrain
où atermoie le pas prochain

de la lampe aérienne
le freux oblique

le matin divisé
effuse une lumière de jais


X
flagrante douleur_

l'absence
où flambent les obliques
des feuilles dénutries

ce bûcher
où supplicier les feux mêmes
qui enluminèrent notre oaristys


XI
la dernière proie_

une sphère de soie
tissue de bleus et d'ors
lentement descend
vers l'appétition du jaguar

après quelques rebonds
sur la tacheture frémissante
elle roule les reliques du rouge
loin de la griffe pannée


XII
surréel_

les douze dernières marches
de l'escalier
s'évanouirent
dans le même temps que sonnèrent les douze coups
de midi

et je demeurai suspendue
appartenant par degrés
au poudroiement des horloges


XIII
les galaxies silenciées_

ce soir les flambois zéphyriens
de la forêt haussée au fusain
brûlent le poème mystique
transmis à l'encre d'étoile
sur le rouleau bleu de nuit

dont le souffle du déploiement
époudre le sépulcre lactescent de l'auteur
et le fermail de l'almageste princeps


XIV
émissole_

de leur vêpre imagier
les rides de la mer
réverbèrent l'irracontable aboi


XV
ophiure_

parfois elle rêvait
à cette métamorphose
pour embrasser au pluriel


XVI
néophanie_

ici et là
au sein des conciliabules paniques
on évoquait
la fulgurance des linéaments
qui suggérèrent le jaguar bondissant


les géométries es

sentiel

les de l

a vil

le ét

aient dil

ac

éré

es


dans l'impéritie plurielle
du sang bipède
engagé à contempler la merveille
là existait la seule effusion

sinon des diagonales de pétales
tournillaient
épiphanes des coloris et des formes
qu'ont créés des enfants de galaxies
au dire des survivances encrées
en les almagestes immémoriaux


XVII
fenêtre de l'embellie_

rose
un drap
cascatelle suspendue

et la vétuste lanterne
son rêve
d'y retremper la lande de ses cires


XVIII
la mort de la musique_

au coeur de la ville tumultueuse
cette feuille d'automne perforée
comme une déchirure de carton
du dernier orgue de Barbarie


XIX
de promenade en promenade_

depuis si long temps de rêverie
ce ne sont plus
des branches brisées
au-dessus de la rivière

les berges
pêchent à la ligne
l'éternité du courant


XX
rescousse_

enluminures des carreaux
pointillés des réverbères
serpentements duals des voies

parsemis du contrebas
les lueurs de la ville
à l'orée de la nuit

vont mosaïquant un phare
pour guider la cathédrale
sur la mer de brume


XXI
respir_

air
musicien
tu aquarelles

un silence
nue de rose
la rumeur de mon sang


XXII
matin floconné_

à travers le ciel
pour toute une lame
longue
est volé l'oiseau

longuement
elle ira éventrant
l'escarcelle ardoise des neiges
pourvoyeuse du méconnaissable


XXIII
le pleur-ciel_

sur la veilleuse
de la tombe
cet ange peint
les yeux clos

sous la flamme
surabonde
sa réserve de larmes safran


XXIV
Zhoushan_

quelle invisible bienveillance
a déposé
sur la tombe
de LIN
cette libellule
à laquelle il manque
une aile ?

elle n'est plus et
c'est un joyau
où flue l'arc-en-ciel


XXV
séjour_

j'aime, au bout de tous mes nomadismes, revenir dans ce logis qu'on appelle "la petite chambre", foyer où d'abord convergent toute sorte d'inflexions de voix insaisissables, pour s'éteindre par degrés, et ensuite faire saillir, laisser peser, le fruit du plus nourrissant silence ; la récurrence des oiseaux de couleurs baignant dans la lactescence des voilages, qui ne les dilue cependant pas ; et ceux-là qui sont gorgés de la nuance rouge sang tendent ardemment vers l'incandescence vermeille de la poignée qui claire la promesse du vol et du ciel


XXVI
sagittaire_

la brume estompe les arches du pont

dardées
les tours dans l'immobile
les feuilles d'automne adverses à la résurgence des rais
les flèches de jais pour la cible et l'aile affines


XXVII
ravisseur_

à chacun des tours que j'accomplissais, se développait un peu plus le bonhomme de neige qu'au centre du terrain façonnaient concordamment une femme et une enfant emmantelée de rose. Soudain j'entendis un hurlement, je vis un corps prosterné au-dessus d'un petit corps gisant, au coeur de la blancheur vaste qui en accentuait la roseur jusqu'au rouge, dans le même temps que la créature de neige s'enfuyait à toute allure avec le butin de la vie


XXVIII
couronnement du surréel_

une longue suite
de traits d'ombre
au bord du terrain

ma main
sait les rassembler
telles des tiges

et mon pas
sait partir
à la recherche de leurs corolles


XXIX
nocturnal_

j'ai recherché longtemps
l'homme qui courait chaque matin
et qui déployait l'aube derrière lui

mais tant de verticales autour de moi
qui furent les fugaces succédanés
où le noir des oiseaux vigile en corolles


XXX
émancipation _

à la pointe de chacune des branches de la rose des vents s'exhalait ce cerf-volant même que la main vulnéraire de l'enfant est sur le point d'échapper quand promener ainsi le ciel en laisse va meurtrissant jusqu'aux bleus les météores de son regard


XXXI
legs périhélie_

au pétale rose
j'ai remis
le demeurant de ma vie

le vague va scénographiant
les palindromes de la durée
à l'acmé diaphane


XXXII
arborescence_

du titre d'une pièce lointaine
une Égypte onirique m'ennuage

par ses pulpes généreuses
un sycomore m'a engourdie
à son écorce le sommeil m'adosse

et parmi le succès nocturne
les palpitations exquises
qui fleurissent ses ramées
vont constellant ma scène assoiffée de réplique


XXXIII
ravissement_

mes soifs s'étanchaient surtout
à sa lenteur clarinée de verseuse

tout autour de la cascatelle de thé
couleur d'aurore éclosière
l'immuance en céramique bleue
des papillons kyrielles


XXXIV
après la giboulée_

gifle de neige
donnée à ta pierre tombale

dans l'ovale dédoré
le visage fond

à chacune de tes transparences
fait escale l'arc-en-ciel


XXXV
juillet nué_

une jaillie
nielle de son oiseau
l'azur

son éploiement nébuleux
souffle et relustre
les coquelicots frumenteux


XXXVI
cardiaque_

prélude à l'automne
le sinué des feuilles

et leur diagonale plurielle
inachevable estompement des fûts

systoles vermeilles et or
de brise

qui approchent le coeur


XXXVII
la vieille maison_

les volets de grenat
sont déclos

les carreaux
brûlent de corolles garance

bûcher des reflets
et du fantôme qu'ils déguisent


XXXVIII
effeuillaison_

en deçà même
de la brise
des légers d'air
soufflent
à travers les cimes ourleuses

et le jaune de prodigalité
luit sur l'étang

tant de nacelles de vacance

et d'évagation


XXXIX
automne liquide_

l'escalier
qui mène aux lointains des tours

n'est plus que gouttellements
et feuilles lancéolées

mon pas
une lente nacelle itérative à contre-courant
des ruisseaux déclives de flambes glacées


XL
imagination marine au salon_

au pied de l'écran
le coquillage retourné
béant

libère des ressacs

des embruns d'images


XLI
du feu au feu_

ma tempe effleurée
par l'oiseau de cendre

ma pensée fugitive
déjà évanouie dans le brasier urbain


XLII
de la lampe à la lampe_

l'abat-jour matutinal
avec sa lumière safran
coule

devient un ruisseau

tout le jour
je marche sous la pluie battante

jusqu'à ce grand lac
qu'allument les feuilles d'automne


XLIII
voleurs d'éclats_

les intermittences des nuées
rallumaient sur l'édifice
les ors dont les griffons s'étaient demi-vêtus

de passage en passage tramant une envie
tumultueusement des freux
iraient diminuant l'ascendant d'un soleil


XLIV
impressions d'église_

de très hautes ouvertures, nutricières des rêves du vitrail, allument les ors qui ceignent, enrubannent ou arment

la blancheur éclatante des suggestions qui vêtent les hagiosomes consume le succès de la matière

une mélancolieuse musique sera récurremment discontinuée par cette tousseuse spectrale que je tiendrai pour une moniale lorsqu'elle aura trouvé l'espace et le temps du cimetière de mes fées


XLV
vitrail résurrectif_

ce rai
de tous les franchissements
autour duquel s'étoffe
ton épiphanie


XLVI
messidor après la guerre_

tant de sang linceulé
de nocturnales cyanées

à déblondir pour jamais
nos moirures de pain


XLVII
relèvement d'entre..._

partout
dans la maison de Marianne
des fragments de craie

multicolore ossuaire sporade

et l'enfant Louise
infatigable à redessiner

à rédimer

à réinventer le corps sur le tableau noir


XLVIII
ravissement_

il traversait le long clair-obscur de la forêt

lorsqu'il franchit la lisière
il s'aperçut que le bouquet
qu'il avait ourdi de musarderie
en musardise à travers les champs circonvoisins
était entièrement effeuillé

médusé il essaya de revenir sur ses pas

une brume parme, des linéaments incarnats, des ondes bleu effaré
allaient métamorphosant et approfondissant le clair-obscur

il desserra la caducité de son poing
et tandis que les tiges sans pétales s'échappaient
aux fins de joindre l'humus

le sublime lever de sa main fit une étoile éclatante


XLIX
numineux_

à l'entrée du village, en venant par l'ouest, l'une des toutes premières maisons qui paraît est presque centenaire
malgré les mois passés dans une chambre voisine, je ne sais pas si elle est habitée et tiens à l'ignorer toujours
certains signes de présence récurrente, tels ces carreaux nués de parme soudain ou de la soierie d'une inflexion de voix, suffisent aux appétences de mon imagination
la façade donnant sur la route des imminences commence en blanc granuleux et se termine en larges bandes de bois brun foncé
cette seconde moitié plus près du ciel est parsemée d'étoiles déclinant toutes les délicatesses pastel, qui semblent continûment s'effuser d'une demi-lune rivée telle une estafilade de chair argentine


L
sanguine_

parmi la façade
que le courre insole
des dorages léoninent un découpage

dans le dernier quart des degrés
qui me dévoient et qu'il domine
les mines de mes carotides exécutent une proie


LI
éphémère_

j'ai trouvé dans une forêt
trois glands encore à demi protégés
par leurs demi-coques
et réunis par une ramille

je ne me lasse pas d'en contempler l'harmonie
et de recevoir cet apaisement
de l'intensité presque nitescente du vert olive

il prononce l'éternel

il semble qu'il durera toujours
à travers mes appétences mes exigences
à travers mes langueurs
à travers les transformations les corruptions

et bien après que j'aurai disparu
il accordera une parcelle
où pressentir mon regard accompli


LII
transmutation_

le couchant

mais essentiellement ce qu'il fait de la chambre
avec l'instrument de la fenêtre en mansarde
que j'ai entrebâillée

instrument
car il y a imminence musicienne

et même organe
car il y a le vivant s'évertuant

comme il appose le tremblé
de ses quadrangles mirabelle
sur les fleurs prasines de la tapisserie si éclose

un devoir de différence empreint les corolles
une exigence de cloison fée

un nectar et son butineur naissent
de la reluctance du jour qui expire


LIII
misère miraculeuse_

cette voix goujate et piètre incarcère la forme acuminée entre les contrats d'une tache qui avilirait le tapis de la chambre

(rire triste et vigoureux)

or l'heur de la fantaisie a saisi là tout un ichtyoïde pour s'épanouir

et le reliquat d'arantèle suspendu au plafond patiente jusqu'à l'aubaine des pêches

il n'est pas exclu qu'accompli le poisson s'évade par la fenêtre en mansarde parmi la persuasion de pluie marine

il restera toutefois l'étoile liliale de la taie d'oreiller
sa nage tranquille en le vêpre onirique
à côté de mes veules appâts

tandis qu'en une dernière foudre mince
s'évanouira le fil


LIV
fraction d'octobre_

la bruine perlière
platine l'effeuillement

sanguines digitées
et xanthies
nervurent ce rêve
de transparence

où passer la saison de méchoir


LV
aumône_

mon coeur
en oripeaux de mendiant
pour ce rai du levant
vaisseau pollinique des voilages


LVI
réconfort_

de carreau
en carreau
le serpentement
d'un flocon

sa morsure de fraîcheur
dans le sel de mon pleur


LVII
crayonnage d'enfant_

entre le bonhomme de neige
et la fillette rose
un coeur orangé
qui le dispute à l'arbre
pour affruiter les nuages


LVIII
au cimetière de Zhoushan_

au travers de mes pensées
la ravissante libellule

et l'éclat joignant l'éclat
m'est soufflée la solution


LIX
partages_

s'élucide et s'irise aujourd'hui le foyer de la force qui me fut donnée au moment où il fallut lever avec ton père et ton frère le poids de ton cercueil blanc

quand je vois cette libellule inlassablement revenir entre le ciel et ton stûpa infatigablement prenant sa part de mes journées sans trajectoire et sans réponse


LX
ailes soeurs_

j'escompte retourner à Zhoushan en oiseau parent de ta cendre et en résurgence surprise de transpercer le fabuleux


LXI
le cryptide hyalin_

dans l'angle du carreau
se réfléchit le crépuscule de la chandelle

un félin mûr
tombant de l'arbre
en est pénétré

au milieu de la cour se figeant
son regard
est un oeil bleu cendré et une flambe à l'équerre


LXII
oiseaux des voilages_

après si long temps d'imminence
la croisée polychrome

s'essore

loin de l'ouverture amblyope


LXIII
le temps_

deux oiseaux
noirs
s'envolent

la frise des cimes
les
subsume

sur le cadran
qui rougit l'heure
au bord du stade

il manque
le trait lumineux
de la morte minute


LXIV
aube_

à la pointe de mon bistre insomnieux
se perce et se dilacère
le vague fuligineux des masses émergentes

il en jaillit des corolles hiémales
qui arquent en roses un ciel
au-dessus de la cour
que viennent furtiver des gemmes de félins


LXV
adoptions_

aussi je consacrai
des journées entières
à parcourir les voiries
pour recueillir les étoiles foulées

et dans la modicité
de ma paume s'incurvant
ces denses orphelines des altitudes
savaient étancher leurs soifs


LXVI
stûpa_

entre l'huile sacrée et le volume cinéraire
enfin je les ai réunis
les livres que nous avons partagés toi et moi

ô ma vie de nomade légère
mon bagage est devenu idéal

et sur la terre hospitalière
de chambre en chambre toujours je vais
où ton filet de voix réitérée
d'entre les reliures de notre bibliothèque funéraire
me destine le poème de notre perpétualité


LXVII
calligraphie_

c'est en chancelant passant du fuligineux
que je t'appelle
avec la gravure du zénith
allumant sur le stûpa
les traits thésauriseurs qui te donnent ton nom


LXVIII
transabîme_

chaque jour je reprendrais le poème qui eût métamorphosé le pierrier où neigea le jais de ton dernier regard

un jardin pour que le parme le dispute au blanc et l'inde au rouge aux fins de lisérer de corolles nos passages tout le long d'une durable saison


LXIX
lux_

au-dessus des cires épuisées
éparses à même la dalle
qui scelle tes cendres

au-dessus des ors calligraphes
qu'équinoxes et solstices vont dépeignant

une escale poudroyante
avitaille la libellule

j'en raviverai au débord de minuit
les iridescences
à l'instant d'allumer la lampe qui prie
pour veiller sur nos souvenances


LXX
foyer_

de fête
de radiophonie
d'acrimonie
de trivial
toutes les voix
ont convergé vers ma chambre
pour natter le silence

le papier insondable
où le mot lilial
vagit


LXXI
le premier jour de la leucémie_

ce matin-là
entraient dans le lac
pour y prendre leur bain
six éléphants


c'est que bien sûr un petit cirque était de passage dans notre ville pour quadrupler son spectacle et nous sourit bientôt son chapiteau multicolore tout environné d'autres pittoresques rescapés de l'arche de Noé


mais la vision avait coïncidé
avec l'insolite éclabousseur de ton sang


LXXII
partance_

les corolles parme
entrebâillent l'air

mon corps atteignant à la taille
de l'imminent coulé
il me reste cette oeillade
pour les chrysocales de l'ossuaire
qui parsème le chemin parcouru



***


Loup-de-lune / LIU Bizheng

Modifié par Loup-de-lune, 18 mars 2022 - 11:10 .