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Afin que soit rejointe Mademoiselle LIN : Poèmes. Première partie / par Loup-de-lune


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#1 Loup-de-lune

Loup-de-lune

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  • Une phrase ::« Je suis la jeune leucémique des lisières, dont l'allure odysséenne et frêle tantôt se coule dans le rêve tantôt repasse le linéament du réel... la jeune érythrophore des confins, la féale étymologie des crépuscules, qu'intégralement la mort est impuissante à com-prendre et que la vie échoue à con-cerner entièrement... »

Posté 13 janvier 2021 - 07:24

C'est avec son affable autorisation que nous nous connectons à l'inscription à Toute La Poésie qu'elle a validée en juin 2013, pour publier la première partie d'un choix de poèmes de Loup-de-lune... parmi tant et tant et tant d'autres encore... Que toujours vive la Poésie, ici... et ailleurs !...

Tous les spécialistes consultés ont été explicites à ce sujet : le traumatisme provoqué par la mort soudaine d'un très jeune être aimé d'une manière tout à la fois platonique et fusionnelle, peut être à l'origine de l'apparition d'une maladie telle que la leucémie. L'inconcevable absence luit dans le sang comme un feu de cinabre. Il y a partout dans ce monde, quel que soit l'endroit où le pas est porté, quelle que soit l'épaisseur humaine qui puisse environner, il y a partout dans ce monde une lacune, une trouée qui a l'exacte forme lucide de Celle qui n'est plus de ce monde.

Bizheng n'a pas fait de la maladie une ennemie, un fléau, un désespoir, un abîme, et elle aura su se protéger subtilement de toutes les situations aussi bien que de tous les êtres qui, volontairement ou étourdiment, auront commencé à l'entraîner là. La déficience leucocytaire frayée dans sa complexion lui aura été immédiatement le chemin de retour vers l'amie, ou l'amour d'enfance, le voyage de retour vers LIN.

L'un des livres de chevet de Bizheng était l'Odyssée d'Homère. On peut y lire ces mots : 'La nymphe auguste allait vers son grand coeur d'Ulysse, toute prête à céder au message de Zeus. Quand elle le trouva, il était sur le cap, toujours assis, les yeux toujours baignés de larmes, perdant la douce vie à pleurer le retour !' Il ira même jusqu'à refuser l'immortalité que cherchera à lui offrir la nymphe par amour !

La sensibilité taoïste de Bizheng faisait tout naturellement dialoguer Tchouang-Tseu avec la nostalgie grecque : 'Comment sais-je qu'aimer la vie n'est pas tout simplement une illusion ? Comment sais-je que, lorsque nous avons peur de la mort, nous ne sommes pas comme celui qui, enfant, a quitté la maison et a oublié le chemin du retour ?' Comme Ulysse ayant toujours l'image de sa femme Pénélope dans l'esprit et dans le coeur, notre jeune leucémique, après la disparition de LIN, n'oubliera jamais le chemin du retour, et chaque jour en leucémie, comme chacun des poèmes proposés ici, comme chacun des poèmes du florilège publié par En hoir de Loup-de-lune le 5 juillet 2020, est un pas, pour ainsi dire tout à la fois enthousiaste et serein, confiant et assuré, sur le chemin qui la ramène immanquablement auprès de l'âme soeur...


(FG / BeV)




Afin que soit rejointe Mademoiselle LIN : Poèmes

Première partie




*




Voyage au bout de toi


abandonnés du sommeil
mes yeux s'épointent aux angles de la pièce
et puis glacial et récurrent cet instant
venu transir le sous-bois de mes os

je ne savais rien de ce qui se silence
au faîte de ta disparition
rien de ce qui s'enténèbre
à l'aune de la chair éteinte

comme levée j'aspire au piano
mais sur le bûcher d'absence a brûlé la musique
tes empreintes s'éloignent indéfiniment
dans la cendre des nocturnes

comme opiniâtre j'invoquerais le poème
si ce n'était que la fureur affole l'alphabet
et tes lèvres s'abîment indéfiniment
dans les distances des voyelles


d'où la vigueur
de la lame détournée
du poignet diligent et diaphane ?

d'où la vigueur
pour ces veines indemnes
bleu lacis de l'invivable ?

d'où les jambes avec l'ahan
d'où le courir hors la pièce hors la ville
hors l'extrême silhouette d'homme ?


quelque chose de toi peut-être
dans les clarines sporadiques des pâtures
ce serait quelque chose de ton rire
sur ta stèle ton prénom de métal forge mon rouge regard

quelque chose de toi peut-être
dans l'irréfrénable timbre du ruisseau
ce serait quelque chose de ta villanelle
à l'improviste une créature maléficie la berge

quelque chose de toi peut-être
dans l'élongé frémissement des cimes
ce serait quelque chose de ton extase
quelle nuit d'éveil sous les étoiles intermittentes

aux confins de la quête et du souffle éperdus
toute ma hurlée avec toute ta réponse
réunies au coeur en cet allegro neuf
qui d'une systole démiurgique prélude à l'albescent horizon




*




L'échappée


Polychrome et protéiforme
un instant de fantôme
parmi les voix qui débattent
sans les préfixes de l'Homme

pleurante ramée du saule imagier des vents médians
algues alenties au baiser des épaves
longue chevelure de la noyée des eaux sereines

Cette outre-lassitude
qui suppléa mur et horloge
je l'éprouve partage d'arc-en-ciel
dans les tentacules suffisants de la veille




*




Matutinale


Chienlit
des lueurs
des véhémences qui flamboient
des reflets colosses

et fouler le cuivré d'une ruine panique

ouvrir le sang
la mer des desseins
pour une vacance à notre image
pour une trouée où s'abandonne
le réflexe mâtiné de contrat

faire et penser
à leur dépouillé de silex et pyrite
dont un heurt encore

filigrane le sourire dans l'étincelle exhaustive




*




Laconismes : Oiseaux


__
pâture céleste

dans le guéret de l'azur
les corneilles se partagent
l'illusion de la lune

__
assourdissant

oiseau de jais
qui surplombes la voie ferrée
le train fracassant
a bondi
de ton cri

__
pur enfin

minuit ulule
à la gouache du bois
enneigé de lune

le frisson
me quintessencie

__
en partance

sur l'ardoise du ciel
la craie fugace des oiseaux
délinéamente un exil

__
regard céleste

grandes torches de feuillages
juste sous la voûte bleue
fissurée
d'ailes d'albâtre et de jais

la lune cornue
m'envisage avec subtilité

__
auroral

de l'oiseau le cri
révèle
le rayon premier
dans l'arbre
qui pleure

__
profond

envol du corbeau
et la chapelle s'abîme
au fond du vallon

__
escarmouche

mitraille de pluie
la corneille réplique
son croassement

__
un peu au-dessus de la rivière

avec l'eau s'en vont
tant de pensées superflues
les morceaux de ton visage
s'accrochent aux reflets végétaux
et je retrouve ton sourire
à la cime fluide
et tes cheveux de jais
dans l'éclair des corneilles

__
autre ciel

fleurs roses
en ronde au pied de l'arbre
l'antre de feuilles
s'étoile
et s'affranchit
de la loi bleue
qui lacère les nuées
qui souffle les oiseaux

__
saison musicienne

couleurs saoules de l'été
l'azur titube
sur ses jambes végétales
et de sa bouche de soleil
irradie cet air
où les cigales contrepointent les oiseaux

__
blessure céleste

cri de l'azur
percé du clocher
interminable effusion d'oiseaux

__
soir

cet envol soudain du vivant
dans la dernière pulsation
du bleu

__
joueurs

l'après-midi n'aura été
que cette convergence
vers une marelle de moineaux
à la lueur des corolles

__
griserie

ligne sinueuse des corneilles
et la vallée titube
sous la prémisse de l'orage

__
robustesse

le paon se juche
son cou sous le ciel de plomb
un abloc turquoise

__
légèreté

mon poème
oiselle de cristal
brisé
pour avoir oublié
à l'instant de l'essor
l'alphabet ineffable
des plumes

__
brèche exotique

hors le mur
convenu
tête d'oiseau
si imprévue
tu te poses
sur la carène de ma solitude
à la manière
d'une figure de proue
multicolore
miroir
des îles neuves




*




liés


insecte contemplatif
tu partages avec le passant
le parfum
de ta corolle tutélaire




*




Fenêtre


La pluie scintille dans l'herbe de mes songeries

un vieil homme traverse
une place de jeu
et les nuages nitescents
profilent sa lenteur morose

à peine son éclipse un vent inégal
de toute sa proclamation de cimes exalte
le vagabondage qui ne sait plus le temps

au ciel l'ardoise et la cendre disputent de gris




*




cimetière rouge


ici le penser ne s'égaille plus
ici les meurtrissures
reçoivent leur baume d'aval
et d'insondable proximité

une rose gironde
s'ébat à la manière d'un coeur
si près la poitrine de pierre
qu'argente et cuivre et dore ce prénom

la quintessence des soupirs fait ondoyer les grands saules
pour un horizon ton chandail rouge s'effile
accroché par les ressauts
des premières étoiles




*




Hybris

au-dessus de la montagne
que nous ne gravirons pas
ce noir haut-le-coeur
clouté d'étoiles




*




Recommencement

c'est l'homme
qui chaque nuit
dans sa lanterne
insomnieuse
préserve
un morceau du crépuscule
où s'avive
l'aurore




*




Mer

sur mes yeux
de sable
s'allument
les étoiles
de ton souvenir déferlé




*




Extase aligère


affublant l'une des saillies de la tombe
un papier
où s'est étiolée la polychromie de l'éploiement
déchirée l'alchimie compendieuse de la nue
détient le vent étonnant

son ombre
parmi le demeurant des offrandes
magique l'oiselle exhaustive

les ailes doublent
capricantes
diaphanéisent
l'essor des papillons symbiotiques


l'infime soupir sélène
pour le cercle
encharmé par les robinsonnades de la volute

ne se refermera pas

autour du bleu qui les gîte




*




Balançoire


De la croisée le rectangle hanté de pâleurs
s'attache à mes yeux à peine ouverts
suffisant luminaire
pour soleiller le risque
de l'imagerie du revoir

après si long temps carentiel
je l'entends à nouveau
la voix de la balançoire
son va-et-vient qui presse les rouilles
répète l'esquisse de la mélancolie

elle m'est rendue
distincte, derrière les volets clos
l'inflexion riche de tout le temps sableux
et je laisse son frissonnant mystère
emplir le jardin
gagner intact la maison
la chambre
se confondre avec la sentinelle de la mémoire

puisque j'ai appris que les vents
n'ont pas de ces forces-là
que les enfants du village
n'ont pas de ces intrépidités nocturnes
qui font rouler minuit sur la pente de la rébellion
que le confident désoeuvré
n'a pas de ces actes cruels
qui sursoient à l'Hadès une minute immense

que ma douleur ne maléficie pas ainsi mes sens
..................................................................................

j'abandonne la balançoire au passage de ton ombre chère
sa persévérance muée en mélodie
en prélude au prodige

Et nous sommes racontés
par une pellicule pétillante
où fulgure un aède lacunaire

dans la solitude d'écrire
une après-midi d'automne
l'amour aura sonné
brandi ton visage

le monstre se sera angoisseusement interrompu
pour se travestir en hôte
mais ta présence sans après
aura rongé masque et costume
exacerbé les affres

mes cahiers implacables auront circonscrit nos jours
j'aurai écrit notre amour cahier après cahier
Et je ne l'aurai pas vécu

jusqu'aux syllabes
de ses systoles
jusqu'aux voyelles
de ses soupirs
j'aurai détaillé ton personnage
Et je ne t'aurai pas connue

de l'emparement seul d'un trophée
la convalescence
la métamorphose
je ne serais aimée qu'en lauréate
du roman de notre amour
et tout autour du livre triomphant
il n'y aurait que le décret d'amertume


Tu te seras éloignée
de la chambre
de la maison
pour que derrière la pourpre épaisse des rideaux
croisse le monstre d'écrire

j'entendais à la brune ton corps aller
et venir

ton balancement
aura diminué
par degrés

Puis le silence
ô mes mains lunaires de silence
à en dévoiler la plume désincarnée
à en refermer le cahier
le mouvement sans personne qui va ralentissant
Mais quelle créature appelle
se perd
s'évanouit enfin
au-delà des contours du jardin
où l'absence libère ses sfumatos ?


On me dira ton escalade
de pierres comme des guisarmiers
de broussailles comme des Erinyes
l'équilibre perdu dans l'abîme non crié
le visage retourné aux possibles du sang

ô tableaux du passé
vous surgissez sans lien
et chacune de vos ruptures
me détache d'elle
.....................................................................

Renversé le vieux coffre
épand les cahiers
insondable
devient l'espace silencié

à rouvrir éperdument
le dernier d'entre eux
j'ai l'air de délinéamenter la merveille des ailes secourables
son inachèvement définitif
m'y voilà tout entière

Le déclin de la nuit
me rayonne sur la balançoire
je n'interroge pas plus avant
ni la charade d'empreintes intimidant le gazon
ni la rose brisée comme une révérence

je m'attelle à la lecture de notre amour
son écriture débleuie qui court sous la date si lointaine




*




Vorace octobre

dans les crocs
nuageux
de l'automne
le soleil
a un goût
de lune pleine




*




Solitude


Au trottoir des résurgences
glace rose
la nuit fluorescente
insiste

Toi
tu es passante
hors de l'envisagement

ta glissade consommée
à la présence confuse
tu fais toute une promesse de néon




*




Les feuilles d'automne


et fatale arythmie
mon nom
se détache
de la cime du chagrin
voyelle
consonne
par intermittence
m'épelle l'automne
en presque feux
en ors discrets
avec l'inflexion de ton silence




*




Sur l'eau


sur l'eau

l'ombre du fanal


en soudain sortilège

lacune

de neige

le cygne


s'en émurent

les astres

jusqu'au rapt

nuager


jusqu'au ressac

croissant désir du rouge




*




La louve incandescente


j'ai crié là ton nom de femme
à chaque porte s'ouvrant
à chaque silence érigé de nouveau

tu ne serais plus dans ta maison
cette présence qui m'avivait

ces cahiers
que tu confectionnais toi-même
avec les feuilles du hasard
et le ligot de la parque meurtrie
pour les épanchements de ton coeur
greffé sur la nuit miraculée

ces cahiers
je les ai cherchés
dans la béance des tiroirs
je les ai cherchés
à en éventrer le secret de tes coffres
à en élucider l'arcane de tes sépulcres

instants
de bois
de carton
de métal
vides
à en épuiser mes pupilles

j'étais cette assembleresse d'abîme

l'hiver s'affalait aux vitres
dans sa pelisse de rideaux pourpres

l'âtre murmurait ta silhouette

j'avais taillé dans un morceau de chêne
une louve
pour qu'elle rôdât un peu moins
au fond de ton bois dolent et sauvage

sous une lune
de poutres noires et de lustre
devant ses yeux immobiles
je te savais assise
avec ton cri d'aquarelle

la bête en braise grésille

à ses purs linéaments
voudraient se suspendre mes larmes
comme fait aux fils
juste après le linge tôt rentré
la première pluie d'été


c'était courir loin de là
loin de la maison
c'était courir à la forêt
où l'inextinguible refuge de cimes
encore une fois
t'aurait gîtée
c'était courir
que je devins tout entière
entre la disparue
et la quête
c'était ce corridor de glace
et d'enjambées éperdues
que soufflait le grand vent dans le manoir du monde


ce feu ton escale
et sur l'incandescence
la nuit cendrée
de tes poèmes

des syllabes survivent
sur un papier
déréel
pour une lectrice
impossible


toute une lisière filigrane l'horizon
et de la couleur de l'occire
cette louve qui vient hurler


la nuit
a des saillies
pour chacun des mes élans


au grand pays du ciel
on s'est égaré
avec des pas d'étoiles




*




Pietas


à l'éveil
des toits d'ocre votive
lentes fumées
volutes orantes

et le jour
dans sa déité de versant
revêt la gaze bleue
de l'éphémère




*




Mes yeux


dès lors mes yeux
des plaies appariées

en coule le réel


si liquide
la ville
lignes
et couleurs de sel
rôdent
dans toute la transparence


si marines les visions
ce ressac de boutiques
ce poudrin de passants
cette hauture de jais


confluées les effusions de ton absence




*




pur chant


grand vent
vespéral
fleuve d'éther
où mugit l'illimité

emportés
la touffeur de la bourgade
le tempo médiocre
des mots et des regards

un tombereau d'ombre
y décharge
les derniers gravois
des couleurs

à la faveur
de l'espace net
sourd
un oiseau de cristal




*




Alcool


fille folle
dans la nuit
mes larmes de silence
ne sont pas l'antidote
au poison
qui t'a gagnée

tu es
cette lente danseuse
oppressante et diaphane
au fort de l'orangé des luminaires
rebelle aux murs-tambours
qui toute une jeunesse
te convulsèrent et t'étourdirent

une euménide
a gravé sur ta face
un sourire déréel
elle a laissé
une gerbe de ses vipères
dans le bouleversement cuivré de tes cheveux

tes mains
morceaux de lune vagabonde
reflètent un soleil failli

et tu confies à ta robe
ton double de tulle
l'énergie de l'éloignement ininterrompu
dans la ruelle scintillante de pluie




*




Soir


il fait bon près de vous
à l'heure où s'en va le jour
les nuages dévoués à la lumière
au-dessus des crêtes mauves

il fait bon près de vous
parmi les cyprès immobiles
le lointain condensé dans les clarines
malgré le vol noir des oiseaux

il fait bon près de vos pierres en fleurs
vous avez des gerbes comme des incendies
vous avez des anges comme des femmes aimantes

vous êtes morts comme change ma peine




*




Mélancolie


à demi évadé
du jardin poli
arbre
majestueux
qui surplombes
l'abîme du bitume
où s'écrase
ton ombre
avec son principe
solaire
avec le départ
avec la destination
des passants
fourmillés

je sais
le plus pur
de mon dernier rêve
agrippé
à la moins automnale
de tes branches




*




Neige


Déjà le matin-machines
déjà les gestes-pelles
et le bruit de râle du sol qui reparaît

Mais la lueur soufrée des phares
à travers la tombée légèrement diagonale

Ici la métamorphose aura tout le temps
des allées d'écailles des allées d'enfonçures
il n'est qu'un seul blanc pour la lucidité du passage

une poudre d'ange remet son semblable à l'heure aiguë
coiffe la pierre de la durée du tailleur
repose les photophores
l'artifice des pétales
la fracture des fétiches
et double les voyelles chères qui furent de métal




*




Directions

aux diamants de la nuit
découper l'évasion
en rose des vents




*




Fleurs des Pharaons


je fus ce grand roi
à l'âme duquel a murmuré tout un fleuve
aussi la mort et son écho de crâne
qu'y pouvaient-ils ?

ma chair incisée s'affranchit des entrailles
et reçut les gestes du natrum, les caresses des baumes
et les regards liquides, doux et chers
imprégnant le tissu de l'emmaillotage

parmi les trésors qui se reposent de leur valeur
mes yeux gemmés et peints
par ceux qui m'ont vénéré
ont des paupières d'imperceptible voyage

et je ruisselle des fleurs sans nombre
longuement réunies et cordelées par ceux qui m'ont aimé
afin que leurs effluves me prolongent
dans la nuit prairiale de l'éternel




*




Étanchement


rayons et plis de voile
en bouquet s'offre la fenêtre

la corolle se maintiendra
dans son incertitude de nuage

mais le calice verse ses flambes
aux mauves des couvrantes




*




Errance


ce grand vent nocturne
je le connais
ce vent de la solitude opiniâtre
ce vent de l'allure
qui devance la chair
ce vent qui émeut
jusqu'à l'effroi
les géants de pierre
juchés
sur les édifices

il souffle
à l'instant apothéotique
de l'humain silencé

sa fraîcheur
rappelle
les premières lunes
de l'affranchissement

et dans son serment
de ruines
errent des lueurs mendiantes d'aurore




*




Fenêtre


Étendue
sur le lit de ce soir
le silence
m'a recueillie

la fenêtre
est pleine d'un arbre
dont une parcelle verte
demeure lumineuse

je la crois
affranchie du soleil
du mouvement
de l'axiome d'un jour encore
qui décline

image de ma sérénité
libre
du sang qui court sur mes os légers




*




Fossile de neige


où l'ombre
couvre la neige
c'est un sûr chemin

où la neige n'est pas atteinte
par l'ombre
mes pas s'enfoncent

exagération du clair
mes pupilles au supplice
je puis traverser
des champs
encore

où donc arriverai-je
lorsque toute la lumière sera versée dans mon voyage ?




*




Vraies matières suppliées


encore
ton or
soleil
pour humilier
les médailles nécrophages

encore
ton argent
lune
pour prosterner
l'orfèvrerie spasmophile

encore
ton bronze
peau offrante
pour agenouiller
les statues ravisseuses




*




Je n'ai jamais rien écrit


Je n'ai jamais rien écrit
sinon la solitude
imminence du poème

qu'elle fut longue
comme un ouvrage dès midi
l'attente du silence

je m'abandonne
à mon souffle
où désormais poudroie l'horloge

mon corps sait un déshabillage
dont le tressaut retrempe les sens

la moindre pensée d'un geste
a le poids d'un monde perdu

des oiseaux polychromes
se répètent dans les voilages

des fruits rouges se délivrent
de la succulence et de l'éphémère
dans le pénombral creuset de la porcelaine

un coeur de sucre
inconnu désormais
à toute amertume bue
raffine sur la candeur
auprès de la lampe gironde

sur les portes closes
les poignées d'or
se réduisent à l'écho
du visiteur en la mémoire

Je n'ai jamais rien écrit
sinon la solitude
je ne me trouve nulle part
sinon à l'imminence du poème




*




Matinale


Lacis de veines
dont la couleur
est une quiétude
dans les confiances
qui verdissent

Et la seconde
s'étoile
comme un ballon lâché
par un sommet
sans convoitise




*




Joaillerie en plein ciel


oiseau chanteur
que ses ailes démentielles
sertissent
dans la rose de ouate

au passant
il aura rivé
la merveille




*




L'escalier de safran


Si malingre sur les rochers de la rive
sa peur désormais un foulard de soie dénoué
à même le vent
son sang malade cette voile blanche
continûment contre la pourpre ouatée du lointain

quand se confirme tout autour d'elle
la dernière fête de l'été
elle sent revenir le monstre exilé dans ses os
et elle esquisse le geste qui violente
avec la hurlée qui laisse seul

mais de rythmes et d'alcools la foule se cuirasse
...............................................................................

Son pas véloce et vaincu dans les rues innommables
les premiers luminaires acquis aux cheveux d'or
ruissellent le long de son corps

le jardin précise les lignes de son épuisement
devant la si ancienne bâtisse
qui joue à être son château d'enfance

le jardin mais aucun des bancs fallacieux
qui cernent le bassin et sa naïade de fer bleuissant

elle marche vers l'angle ravisseur
et s'étend sur l'étroit escalier
dont une lampe finement treillissée safrane la pierre

de son visage de neige elle attend la fonte

et elle lui parle
à la leucémie
comme à une féale
des décisives cavales

elle dit qu'elle voit ici
la couleur exacte de sa douleur et de sa solitude
qu'ainsi partagées
qu'ainsi déposées sur la nuit
comme le feu de l'âme sur l'encre du poème
elles ont moins d'empire en elle

les marches qui montent
et celles qui descendent
ne la concernent plus
elle s'endort au milieu de l'escalier de safran


À l'aube avec sa vie
s'éteint la lampe niellée de proies




*




La fille au grand chien noir


Sur l'immuable ardoise du ciel
elle aura lu le soleil abdiqué

les souffles
las de l'automne classique
des sèves mortes réputées le simulacre du feu
prirent la couleur de ses longs cheveux

d'un pas serein, égal
elle éloignait la demeure
au-delà du ruisseau
au-delà des pâtures
où gouttait la clarine

un chien tantôt la distançait
tantôt la rejoignait
rapportant ses crocs humides à l'orée du sourire

au fort de sa course
il semblait une encre vive
sur l'émeraude des tréflières
sur l'ocre des labours

une encre qui se serait délivrée
des signifiants d'un potentat


D'un pas serein, égal
les yeux fixés sur un point du tréfonds
elle escamotait la demeure
la chambre sous le toit
son capharnaüm de cahiers, de plumes
de cires fantastiques, de glossaires, de papiers nomades
de regrets parmi les ambres des liqueurs renversées
la besogne inexorable d'un roman d'amour
où chaque harmonie extraite de la mine lexicale
témoigne de la peur d'aimer

un geste déjà
mais tributaire de mains si moindres
un geste se sera engagé
à ce que la consomption advienne

or de faîte en faîte
de hallier en hallier le vent s'était approché
avait possédé la charpente jusqu'à la sensation de ruine
comme le ravisseur omniscient que l'on espère depuis longtemps


Son pas serein, égal
meurt soudain au bord du champ

au sommet du corps immobile
dans ses longs cheveux détachés
une part de l'émoi des feuilles lancéolées
et des barbes d'épis
dans ce bruit de mer et de flamme mêlées
toujours recommence une réponse
au cri de la complexion

y basculer
de tout le poids
de la récolte rêvée


Seule
l'encre si pure du grand chien noir
rejaillira

de son intensité viendra la nuit qui pluvine


Avec une voix toujours murmurante
du vieillard qui s'étonne à l'enfant qui s'émerveille
on raconte qu'au retour de l'automne
un hurlement profond comme la vallée
est le principe du vent inépuisable
qui échevelle le maïs




*




Perdre les gemmes


l'instinct héliophane
de toute sa contention de rose lactescente
mamelonnait le ciel maculé de la cour

parmi l'épars nébuleux
allait cousant l'imminence de sa vanité

un angle de la table
était épanoui par ce long verre
qui limbait le liquide diamant de la lumière

or l'alchimie féline
l'énergie pour que dégorger
après la minute oscillée des paroxysmaux bords
sertisse dans l'indemne la béance

l'inéteint réfugié en prunelles
extraites du prélassement
se mue en regard
qui atteint aux vantaux de turquoise

jusqu'à ces prémices de fuligine
où se réunit et navre le mouvement de la bête

par un forjet d'arbre et de toit
sur une brève traverse de silence
au profond du retroussis de l'extase
n'a de cesse de cambrioler la croissante pénombre




*




L'adieu

on me demanda
de clore ses yeux de ciel
mes mains y devinrent des oiseaux perdus




*




Définitive


vers la sylve de nuit gracieuse
le jais ainsi dénoué
autour d'une célère sylphide

des feux rectangles
lingotent les altesses

or la ville à ce point s'acharnant
qu'elle évoque rouge
un serpentueux infini

et s'ensanglantent
vouées au transpercement kyriel
les pointes les lances
de la clôture fière

blottie la fugitive
dans l'accompli d'une enjambée
afin de mourir resplendie
à la distance heureuse




*




La navreuse


l'ambivalence des lisières
possède le moment cardiaque

sous la netteté de l'affublement jaune
l'axiome des saisons délie ses phonèmes
de leur obligation

aux extrêmes des pulpes le foliacé recueillir
s'est arrogé la pointe de lance

par l'insoupçonnable écorchure
tout le long de son pluriel
le journalier décor s'étrange

partir vrai s'échevelle
s'épanche en déplantations de vent

flanqué de son recel hématique
stride un train disparaissable

à travers la détissure
l'aiguail endiamante l'exuvie d'un repos

puis à l'épointé où richoie l'élan
transpercer
équidistance des orées
échappe de toute préhension

source
de carole
et d'aile

inépuisablement dégouttant d'abîme




*




Cerf-volant


losange soudain
enfui du saisir
que décharnent
les arches fluées

son ascension
couleuvre de désinvolture

filamenteux lest
du scintillement

renonciations d'édifices

sfumato de la tour
préface aux distances

arlequiner l'enfant du ciel
sa main nébuleuse
s'anémiant de bleu




*




Éclat d'éternité


Et d'un soir
s'augmente
l'arcane

aussi du jardin
se prononce
la saillie lumineuse
du rose

dard vrai
dont frissonnent les flancs
de l'ogresque temps




*




Reflets

comment dans le lac serein
cette baignade des étoiles
qui n'ont pas quitté le ciel ?




*




L'arrivée


l'interminable salve hiémale
compromise
les lampes d'un boulevard infirmé
d'incertain
égrènent le safran de l'idéal

les lignes des limites
démaquillent leurs noirs
jusqu'aux fusionnels méplats

onctueuses lueurs suspendues
à l'évanoui des substrats
mes yeux enfants guidés d'ambroisies

le destin
que cette arche recompose
où telle l'éclosion du cercle
exquisément courber
le flambage des ailleurs




*




Vaisselle aviaire


À travers les étagères vitrées
tant d'ailes peintes
sur les céramiques
les porcelaines sans emploi

dans le florilège de tes oiseaux
nous buvions le thé qui grise
nous éternisions les gourmandises

nous avions vidé le ciel
de toutes les rémiges
pour l'espace de notre désir commun
et de ses gestes d'envergure


Aujourd'hui
je voudrais les libérer
afin qu'elles t'accompagnent
dans l'ascension qui t'est promise

mais ma douleur
que saura-t-elle

mes mains émues
que pourront-elles

sinon briser tant d'éploiements
qui colorent la céramique
la porcelaine de nos gloires




*




Église


À force
le vent
à force de lugubre
éteint l'or et le sang
charbonne l'azur
des vitraux
La voûte
comme une brume de cendre
voile l'oreille éternelle
qu'allait atteindre
l'Énigme
qui chuchote
ou qui chante




*




Clair-obscur


de son horizontale
ce ru bref
qui safrane les voilages

d'impalpables passerelles
y sont mimées par les plis d'ombre

le réveil va se muant
en un tel voeu d'équilibre...


l'esthésie
où être ravie
tait la connaisseuse


tout à sa redéfinition
le plafonnier interroge le noir paroxystique de son triangle




*




Ivresse


le vin vaste et safrané
dans la coupe
que violettent les montagnes

qui l'a bu d'un trait sûr
pour que le chagrin noir comme un ciel
pétille soudain d'étoiles ?




*




Leucémique


ces grands rectangles de part
et d'autre de la monocorde apathie

les reflets ruissellent
de nuit défilante

des lueurs
à l'orchestique poursuite
des lueurs

l'orangé essaime dans un instant de noir parfait

le blanc traitille le fugace

une théorie de colonnes mauves sinue
jusqu'au demi-cercle radieux
qu'égraine un soudain point vert émeraude

et la parcimonie du rouge
apatrides globules
perlant à mes yeux déréels




*




Coma


dans les sillons
bleu nuit
de tes cernes
les semailles
à pleines paumes
ruisselées
de ma patience


un jour
demain
la moisson
de ton regard
à la faucille
sélène
de ma présence


un jour
tout à l'heure
la récolte
de ta voix
au silo
si résonnant
de mon coeur




*




Vagabond sélénien


j'aime
par les nuits
glacées
et crépitantes
chausser la vaste terre
qu'épouse la neige
couleur de lune




*




Au bord de l'étang



bleuité saillie

et toutes ses limites
vaguent
comme fumées
recommençantes

se ficher et percer
suspendus
l'effusion
s'hébète

se reconsidère

enfin se donne à la gaze de mutisme qui
encore échoue à se poser
sur l'intervalle des souffles




*




La Suicidée


silhouette de fille bleue
au-delà du tempérament des venelles

son chant fouaille le retard
au-delà de l'aile vaste des primes neiges

et puis le silence de la solution
versé par l'aiguière sans lèvres

la lune dans la fonte du bleu
décoche la flèche qui l'arque

la plaie brille profusément
à la manière de l'étoile protagoniste




*




Ce que fut ce jour-là balayer les feuilles mortes


de mon geste itératif
singulière ardeur

inverse ciel en feuille
humble au faisceau
du balai bruiteur de la cour

mimesis qui fulgurent
monuments lamellés
de nos âmes déhiscentes

miniature
de notre nacelle comme immobile
entre les dénégations d'un fleuve

aile ignée
du papillon couru
par nos santés de prairies

délicate étoile-main cannelle
vouée à se fermer
pour tenir l'atome vert de notre été

et dans la cour orpheline des voix
à même la survivance
tumulus des feuilles en brumaire

de leurs bruineuses nervures
lacis égareur de ma mémoire




*




Le tombeau de la mouche


la vitre qui bonifie la griffade
albe
et si légère
son étourderie de givre ou de sucre
pour que l'angle se fasse archer

sans rien enclore
de la métamorphose de neige

une mouche exténuée
équerre l'escale indéfinie

un flocon y devient l'eau longue
des étanchements impossibles

un surcroît d'étoiles en mon sang
compromet de draps immaculés
et le geste et le pas

ailer encore un peu
l'ultime ardeur

tambourineuse des parois d'hôpital
elle ira franchissant l'arête
qui exile sur la prairie d'ombre
le vieux rose des fleurs tapissières




*




Lacuneux


tes mains ont oeuvré
mais tes yeux qui sont tristes
qu'ont-ils contemplé ?




*




Les vents


un vent de gemmes murmurantes
emporte l'écrin
de mes poèmes tus

un vent d'ossements nivéens
emporte le reliquaire
de ma stature

un vent de craie hors d'haleine
emporte l'enfant
de la marelle heureuse

un vent de roses soupirées
emporte le jardin
des songes illimitants

un vent de nostalgie cendrée
emporte l'âtre
de l'aïeule fabuleuse

un vent d'infirmité nue
emporte la pourpre et le satin
de mes promesses

un vent de saison polychrome
emporte l'arc-en-ciel
de mes enjambées

un vent d'oriflamme crépusculaire
emporte l'ardeur
de mes solennités

un vent de proues sans visages
emporte le doux fanal
de mon avitaillement

un vent d'oiseaux couleur de pénombre
emporte le papier ciel
de mes convictions

un vent d'infime cristal
emporte l'aiguière
de mes étanchements

un vent de lumière profane
emporte l'étoile indigène et rouge
de ta tombe




*




Legere *


pour la bête immaculée
qui sait surgir du vert élytral
et dominer surprise les tombes
pendant que les sillons aurigères de la calligraphie
se fondent dans le geste céréalier
l'angle transmue sa pierre en pain

un bateleur nébuleux
décèle les prémices de la fraîcheur
et le souffle brandillant
qui a recueilli le soupir parmi son nimbe

tout à l'aplomb d'une croissance par-delà la glèbe
que la dilection variablement inachève
ce signet de neige
qui va reliant au ciel
l'inflexion d'un florilège



* legere : verbe latin signifiant "cueillir, choisir, rassembler", étymon du verbe français "lire" qui est d'abord "recueillir par les yeux", "assembler des paroles".




*




Dépouillement


il est temps de s'asseoir sur la grande pierre plate
il a suffisamment marché
celui qui n'a plus où aller

Le lait sucré
le beau que sillonnent les vers
ne feront que peu contre mon éreintement

enfin les derniers humains s'en vont
toutes ces femmes avec tous ces enfants
et toutes ces inflexions qui sacrent les inquiétudes

ils ont fait mal au silence
dont je m'étais considéré comme la sentinelle
avec le baume du soir j'ai veillé sa convalescence

au comble de la cicatrice vient le vent
au-dessus du panachage de bêtes
que l'homme a composé
et c'est le vent comme un toit
de feuilles et d'étincelles
et je m'étonne de mon livre
de mes mains qui saignent son alphabet
et sur la pierre
me rassure la boisson épandue en transparence

et les paons se juchent
et allument des franges de délivrance
et les oies étendent
et secouent leurs grandes ailes blanches

leurs plumes ainsi neigées
disent-elles les âmes des pommes
qui se corrompent dans le tremblé d'un linceul d'ombres ?




*




Les statues d'arrière-saison


Pour dérober leur base un gazon flambe et dore
sous les grands lacis noirs où doutent les aubiers
et de tout son miracle un seigneur topiaire
profile leur désinvolture sur son château vert
qui fiche quatre tours dans le siège du temps
Ce que furent nos mains longanimes leur est dévolu
par mille orages améthyste et ardoise ouvragés en ciels d'étoiles
nos propres paupières closes les transfigurent
ils savent l'abandon de nos demi-visages au creuset du baiser
et leur étreinte ne lénifiant aucune sépulture
prolonge notre désir humain jusqu'au minéral clair




*




Gerbe

sur la pierre tombale de ma solitude
j'ai déposé
le florilège de tes regards




*




Soir d'illusion heureuse


par les arbres s'ajourant
progressifs porteurs de sources vespérales
par ces mille canaux à l'automne
ruisselle
l'or
dans le moule impressionné
qui se creuse
à l'incise des mots

et comme une statue
avec sa face altière de poème
déjà glisse
de son désiré poids de chimère
vers la poussière d'étoiles
qui use les nuages
leurs rogations de piédestal
et leurs définitions de ouate




*




Saturne défié


château
de brume

la mémoire
prend la forme
de l'enfant

espiègle
altier
son jeu
sur les créneaux
du rempart

cet instant-là
de langage
et de mouvement
cet instant-là
de chair
n'aura rien su
des mâchoires
du temps




*




Lumière saignée


juste au-dessus
du rempart de nuage
l'étoile
comme une assiégée

ininterrompus
ses traits

partout
les meurtrissures
éblouissantes
du verre
de la route humide

partout
à la pupille éperdue
ce lac immobile
de platine et d'or

mais
l'ombre
conquérante
déjà
boit sa coupe
de crépuscule




*




Vers le gîte


le lointain
comme un dos
sous son havresac d'aurore

cette foulée de soleil
baignée de bleu viatique

passé l'altesse de midi
incliner
à l'hospitalité du seuil rouge

au satin de l'estompage

à la veilleuse lunaire
qui étoile son filament
d'un ciel à l'autre du serein respir




*




Ouragane


La fuite d'un père aux frimas de minuit
racina la violence en chacun de ses vides
puis d'une mère et de frères en allés
aux pointes contraires de la rose des vents
le nom d'Ouragane la rebaptisa

Bacchante de souffle et de nausée factieuse
elle disséminait les écoles, les métiers, les gîtes
elle se déchaînait sur les rencontres
les brisant de tonnerre et les zébrant d'éclairs
visages stupéfiés dans le grand mouvement qui abhorre

Sa cape de solitude soudain
encrait la nuit des luminaires
et si mugissante elle drapait les ruelles
énigmatiques comme
si nulle allure humaine n'y eût encore paru

Au plus épais de l'orpheline
elle avait le pouvoir des tourbillons de pluie
et les vieilles femmes montées aux cimetières
se courbaient sur les tombes bouleversées
par des manières de résurrections vandales

Ouragane aspirant à élucider son nom
s'engouffra dans sa mémoire
mais les pensées, les récits, mais la cohue des poèmes
impatientes tramontanes vers le principe et la blessure
se réduisirent aux feuillets déchirés de son âme

Vint le grand bal de l'été qui s'en va
une robe de bruns et d'ors la vêtait
d'élégants cavaliers dansèrent ainsi avec l'automne
mais sentirent en leurs os son sourire muet
se ficher comme un premier dard de fraîcheur

Elle fuit sans conscience de l'adieu
et la multitude méticuleuse la cherchant ressemblait aux ronds
que ferait un lancer de coeur dans la mare des remords
de complices rafales éparpillaient les feuilles
sur l'aube, le chemin, le square, sur midi du campanile

Sur le ruisseau
qui réunirait peut-être leurs ors à l'or du soir
au-delà des détresses
où les vents sont les soupirs
des ascètes qui contemplent




*




Automnale


C'est au bas du sentier long pourvoyeur d'abîmes
cet are limoneux mêlant la lisière à la berge
où mon coeur vient assumer le dernier rythme des choses
Avec le vaste de tes yeux se sont clos tous les oiseaux blancs
Au-dessus des ramures oubliées du frisson
un pont semblable au repos d'une immémoriale bête
a par intervalle arqué dans sa pierre une lumière épaisse
Une barque stupéfie son emploi sous l'éternité bleue de sa bâche
Pourtant au gré de l'image liquide d'un monde immobile
incessamment flottent les feuilles orphelines de leur sève, lentes
lentes comme les mues des profondes douleurs




*




Matin tissé


Les ténuités
de l'ourdisseuse
un lumineux zéphyr
y tient son cartilage

Et toute capture
à cet instant
confondrait
la mort et l'étincelle




*




Survivance


les ignorances
de la tuile épointée

les impasses bleues
d'où retourne nébuleuse
l'orpheline d'ange

claires
les fumées capricantes

réunie à la victoire
la parcimonie floconne

et il vient des mains de quintessence
pour défleurir l'ubiquiste tapisserie

ne laisser au sortilège des parois
que la gerbe vastement éparse
de la contredite funéraille




*




Séparable


bris de lune
effusion bleue
geste en nuage
et dérision
son esquisse pour panser
or les hauts troncs
partagent
les lacis des ramures
parcellisent

or les mains divisées
par l'adieu
au bord du poème
insondable




*




La dernière photographie



De la nuit qui décline
sourd une silhouette de nacre

aucune heure vile
nul odieux contrat
ne préside à son allure

elle s'émancipe
et croît comme une matinée
se fortifie comme midi

dans ses mains nivéennes
les yeux d'un homme
la dévisagent

de gravir en gravir
elle étanche sa soif des altitudes

l'élan continu de son éclat
aura porté le jour


De l'abîme qui la rive à son bord
montent les prémices du soir
et ce vent idéal
qui ni n'arrache ni ne lâche

dans ses mains nivéennes
l'homme perpétue son sourire

le corps dense des étreintes se ravive
avec la compacité de l'instant agrippé

sur ses mains qui vont floconnant
au-dessus de l'abîme
pèse son amour


Les métamorphoses
d'un vol d'oiseau
épanchent et chantournent
l'ardente polychromie du ciel

à la solution du beau
l'image se délivre
s'en va comme une aile
à mi-chemin de l'impondérable

le rouge escamoteur déjà
fait lui-même ses adieux
par le sombre qui s'étoile


Dans la fraîcheur du demi-sommeil elle attendra
que l'aurore en sa rosée
participe de sa lucidité en larmes


Loup-de-lune / LIU Bizheng

Modifié par Loup-de-lune, 14 février 2021 - 02:10 .