Le mot 'fissile' termine le poème intitulé 'Ténue'. Les réflexions menées par En hoir de Loup-de-lune au cours du printemps 2020 ont montré à quel point l'univers de Loup-de-lune prise ce mot. Elles apparaissent principalement dans les notes qui présentent 'La déréliction de rubis' d'une part, 'Fissile' d'autre part, poèmes publiés respectivement le 27 mai et le 3 juin 2020 dans le salon Sans commentaires.
Voir et entendre un jour Bizheng lire si fervemment de toutes ses racines si évidemment asiatiques 'Le Roman de la Rose' en ancien français m'aura à proprement parler estomaqué ! Les idées reçues, les navrantes et faciles étiquettes sont parfois tenaces, pour ne pas dire obsessives. Mais Bizheng, à coups d'inattendu, les a fait voler en éclats. Elle en a pris le contrepied. Voilà bien le mot qui caractérise son écriture si particulière : prendre le contrepied des poncifs, des catégories grammaticales, de la syntaxe, des définitions lexicales, et chercher sa parole intime. Comme la maladie aura pris le contrepied de sa jeunesse, l'embarquant pour la traversée médullaire.
Ce jour-là, au sein de cette bibliothèque de la Faculté des Lettres, Bizheng, étudiante chinoise de français moderne, d'ancien français, de latin et de grec, m'a appris un vocable très ancien : conjointure, 'ce qui est joint à une chose, ce qui la complète'. Je veux plus que jamais m'en souvenir en ce moment et à double titre : d'abord parce que Loup-de-lune n'a eu de cesse de joindre les éléments de la langue pour approcher de texte en texte un art d'écrire qui lui soit propre ; ensuite parce que Bizheng joignant le poème au poème, comme le jour au jour, se sera évertuée à construire une passerelle afin que soit rejointe jusqu'à la complétude la figure tutélaire, mélange tout à la fois de la mère et de la fascinatoire amie d'enfance, si décisifs Êtres d'Absence.
(FG / BeV)
Afin que soit rejointe Mademoiselle LIN : Poèmes
Quatrième partie
*
Tailleur du ciel
Nuages
morceaux de lumière
étoffes à l'ouvrage
sur l'atelier bleu
constantes coutures
le vent doux
pour aiguille et pour fil
déchirures constantes
le vent doux
pour négateur
et j'attends là
étendue
parmi les premiers foins
sous les métamorphoses
..............................................................................................................................
Reviendras-tu
à mes côtés
dans les habits blancs
qui nous dépêchaient
auprès de la majesté solaire
*
Trouver encore
si long train
lignes et matières
oracles et mutismes
convergés vers la vitesse onirique
une malice de voyelles
ou arlequine ou farde
le nom des villes
une trouée parmi le repère
irréalise la destination
les vitres à la file
en leur territoire qui va mincissant
réfléchissent des crânes inclinés
les colzas
l'écho vert de l'infini
l'azur filamenteux et furtif
griffé d'un lait nébuleux
la sanie d'une ville éculée
les emplissent et s'épandent
or s'arrachant parfois
à l'écran qui a deviné
les silhouettes de sa moelle
un visage se redresse
comme surpris d'un regain de lutte
entre le troubadour
renouant avec son étymon
et le diaphane caméléonesque
*
Musique
De la musique
de la matinale musique
vient d'aplomb sur la rue si passante
j'écoute les yeux clos
le visage effleurant les fleurs d'air des voilages
ô accordéon doux
qui sais taire les tumultes
et comme sur le parvis
accrocher des danses
aux ressauts de la maladie
*
Polychromie de la déprise
aurore
un ciel en orangé
infiltre le train
ses coulures
à travers la balbutiante assertion des matières
hasardent les lettres de la destination
épanché le rose s'y mêle incontinent
jusqu'à la jubilation de l'illisible
et radieuse la vitesse
entraîne le trajet
dans un ajournement couleur bleu d'assomption
*
Polyphonie de la déprise
un voyage m'a ravie
chaque sens défilé dans ses mains fenestrées
et ne ciselant pas cette géographie
qu'autorisent les cartes arabesques
visages de vivants intenses
la chair a part à l'étoile moins urgente
cannelle belle du long labeur
contente espaceuse du vide
bus musicalisé
les lignes des cimes
démentent les contours
affûteurs de la pierre
épilogues de la canopée
esquissent de l'évidence
le filon défait
aspirent à la portée
et parmi le pastel des moelles
pour une partition illustre par le seul éclat
d'évanescentes vapeurs d'eau
un camaïeu d'ailes
contrepointe les par-delàs
ô distance sans le dur vouloir
qui fait au loin de la peur mitoyenne
un dernier poudroiement de boussole suborneuse
*
Gravure
verre
à même la nébuleuse luisance
et l'horizon a diminué son arbre
dans le sortilège leucémique
qui approche les peaux des flanelles
fenêtre
toutes les croix de ton partage
leur sombre accru délivre l'acuité
pour graver sur des tablettes de ciel
sang et vent
oiselles de feuilles
foudre et aorte enfuie
débord des soirs sans rose
et fiole vide sous la lampe des sursis
*
Les nourritures impossibles
enfin
sur la table transparente
elle a déchiré le filet mince
regardé rouler
s'alentir
se figer les oranges
son dernier semis de perles
gravé sur les carreaux
la pluie se tait
calmée
l'haleine
filigrane
la pénombre
hurlée de la lampe
son jour qui bluffe
elle attend les mains moins disparues
calligraphes des partages de jadis
encres broyées sur la source du poème
pour écorcer les fruits d'ombre
qui parsèment le tapis couleur de paille
après le sommeil et ses saccades
allumement des oranges
avec l'or qui nomme les florilèges
les jus cèdent aux aurores
le tranchant
qui rayonne l'arôme descellé
s'irréalise à ces soleils propices
et ce n'est pas s'éteindre
ce continu sillage du luire
océan du mur
récif de l'angle
périssoire de l'aquarelle
où se rose encore ta jeunesse
et cette heure
qui fiche des aiguilles coureuses
dans la mire de l'éternité
réfléchissement des oranges
dans le profond de la table
spectrale cueillette
pour le sang devenu spéculaire
ce qui repose comme demain
à l'intérieur des paniers tressés
sur les sommets inatteignables des armoires muséales
oiseaux des premiers ciels
échos des blés d'enfants
baies à même l'émeraude plurielle des évadés
gestes parmi la vigueur dévouée
aux gibiers du jardin
sur ces passerelles exquisément arquées
en lesquelles se sont muées leurs anses
voyez-la traverseuse de ses dernières faims
*
Échec du feu
où s'enfonce le reflet
pour toucher la ténèbre prospère
le compartiment est licencié
par une fascination de silice
ces étincelles
qui sinuent polychromes
en compendium des villes frottées
la banale flambée
se dédit
ma propre image
en inépuisable chasse-lueurs
comme une torche d'acharnement
une insoumission enfin
même si diaphane
en faveur du minéral sans matinée
*
Flocons
cet évangile
de la neige
fait danser
le vent prophétique
sur les toits
empanachés
*
Laconismes : Vagabondée
__
Musique
Effusions d'orgue pensif
à travers la pierre
des vitraux bordent la rue des Solitudes
imagier et féal le verre
parmi l'étincelle de mai
partage le sentiment de plaie
__
Épopée
Une encre de rosée
qu'avitaille la source de soleil
tout un destin clairvoyant
sur une fleur de lilas
tombée la veille
__
Au pied de la sainte
Flamme
légèrement tremblée
à travers le rouge photophore
miroir
de la corolle éprise du zéphyr
__
Insomnieuse
Ruisselé chagrin
parmi le midi du doute
laque couleur d'étoile
sur le double bistre
où lune le regard
__
Impressions
Ombres et lumières improvisent
dans le canevas du vent
parmi l'imminence vespérale
y soupçonner
l'épisode le plus dense
de son histoire fugitive
profusion d'oiseaux et de fleurs
dévouée à l'embellie
la literie des malingres enclôt la cour
pour sécher atemporelle
fenêtre magicienne
par le seul mystère de son ouverture
tout un feuillage réfléchi
habite le lilas de l'abat-jour
cheminée parmi le pastel du soir
et les rayons ultimes
échevellent sa placidité de sentinelle
__
Église
Au ciel de la vagabonde
parcoureuse d'aurores
ces oiseaux qui musiquent
éternel d'une manne argentine
sur la pierre hôtesse des ocres
__
Consomption
Reflets du levant
flamme mûre
ton feu va se séparant de toi
et dans la cendre de vitre
vient gîter la ville partielle
__
Jardin
Délicat feuillage
souffle infime
le cartilage de la lumière
s'abandonne à l'émeraude
__
Ciel
Là où se croisent
les silencieux vols des oiseaux de charbon
est prononcé mon diamant premier
__
Fugace
mouvant clair de trapèze
parmi le voilage
comme traverse arachnéenne
au zéphyr
une ombre oscille
mendieuse de l'intense
qui recolore et mutile les oiseaux
__
Valeurs
à même une route encore
comme artère démissionnée
papier lingot d'un jour s'esquissant
et mon mimodrame d'ombres
donné par la quintessence du passage
dont se dédore l'obstinée faribole
*
Apparition
ce fut du linge
déployer la stupéfiante blancheur
afin qu'au visage il absorbât les secondes
devenues gouttes de sueur
mes pas à ce point désencombrés
je vais par les sillons d'or
qui calligraphient les noms des mystérieux
une sensitive cendre
participe de l'arc-en-ciel intermittent
où les libellules sont volées
l'espace va couvrant ses marbres noirs
de brindilles de feuilles d'ailes défuntes
d'offrandes dont la métamorphose
accompagnera jour après jour le devenir du geste
je m'éponge le temps
et soudain
à la lueur de mon flambeau de tissu
sur une échancrure de porcelaine
interstice parmi les sûrs enfouissements
cet orangé fenêtrant la sanguine du fruit
des intégrités nourricières
*
Fragile
papier de soie
qui devint
fille blanche
elle brûle
dans la flamme lascive
de sa danse
*
Métamorphoses
adonnée à la neige transitive
la cité
a mûri le tacite de ses parallèles
maintenant ses faîtes
gouttent
sur la page vigilante du carnet
le vassal de papier
haut forjure
le poème
s'est troublé
aquarelles
ses encres
dévêture du frisson
anémies des lilas
exsangues turquoises
les sèmes
sont décachés
leur source taiseuse
la musique incunable
le prince
rappelé aux foisons et aux diffluences
traverse
*
Variations pour un fragment d'opéra
1
quel fatum
murmure aux couleurs farandolées
puisqu'à l'instant de s'infirmer
les échappe le décor ?
quelque résiduaire violonance
instille une hébétude
notes enclines au paillettement
derniers abacules du silence
le librettiste s'amnésie
dans la pourpre placide du noir
fascinatrice rémittence
le paroxystique voeu infléchit la minute
des dyades de carreaux s'étagent
pour graduer le bleu
leur réfléchissement sur le vierge
et s'essore un grand équerre
où le plus sombre approche le plus sombre
neige à l'étourdie une robe effleurie
luit la musique indéfectible
ingénu décèlement
affleure cette voix
en tutelle des plus clairs
aussi ciel et douleur
font ce mêlement sûr
2
tue
la musique
et savent s'annuler
par les trouées soudaines
de la fiction
les serpentements polychromes
entre eux
et le noir
ondoyante s'éploie
la minute d'escarboucle
rêveresse
de la pénétration
la durée
se dégrève
et bleuir
carrelle un camaïeu
et l'image
en si sobre sente
à même les indigos
qui déchirent
le premier angle
croît
liliale
la soprane
3
micacé
de violons extrêmes
un silence à ses prémices
outre-semblants
la poïkilorchestique
des vêtures
s'évanouit
la merveille de métamorphoser
tressaille
parmi la soubrecidence du grenat
puis quelle taille
à rêver veille
dans toute la carrière du noir !
son ouvrante décision
pour qu'une lumière venue rompre
richoie de ses bleus
la verticale
se mire dans l'horizontale
où les quadratures jumelles
le plus prononcent la nuance
l'angle pousse
une lactescence
va silhouettant
la colorature épiphane
*
De-celare
à l'ocré solaire du parcours
fourvoyer la veine désormais
et parmi la pierraille acoquinée avec le bris
comme mémorial de la supplique et de la semaille
faire bruire sous un pas originel
le dernier crâne des couleurs qui dissimulèrent
*
Ténue
prunelles feuillies
dissoutes cités
chemins qu'auront charmés
les joueurs de murmure
libation
de la dernière systole du fragile
dans la courbure des herbes
se moirent les veines
du souffle
une nacelle encore
pour dériver le carmin pusillanime
Nectar de luminaires
bleu lisière d'un midi
carillonné par la divagation battante
méticuleux rendez-vous
des clairs de monde
et de ciel
en la gamme d'une corolle
arceaux de cette quiétude
prodigue d'ovales
et roses
des pétales transparaissent
au-travers des pétales roses
entre eux ira se glissant
ma présence fissile
*
Blancs
le ciel
comme une grande feuille
de vélin
qui neige
ses antiques fables
de cygnes
de lys
et de métamorphoses
sur le hameau rêveur
*
Trois automnes
premier automne
petite feuille sur le trottoir
une étoile paraît
dans la nuit des piétinements
deuxième automne
petite feuille d'or sur la rue
le regard s'étoile
dans la nuit des passages
troisième automne
petite feuille rouge sur le vieux tourniquet
mon coeur s'est détaché
au sein du square sans enfants
*
Ce qui ne s'éteint point
la terre qui s'étire dans la vallée
je ne la reconnaissais plus
elle était cette lisse offrande à de nouveaux tracés
c'est qu'une nuit tout entière
l'une de ces nuits d'astres enfuis et de prodigues luminaires
avait neigé sur elle
j'y engageai mon pas avec l'élan de l'aube
je la perçai d'une escapade lente
je m'y fichai jusqu'aux genoux
clou de chair croyant fixer la toile de l'effort
une légère hauteur déjà
me signifia l'espace du repos
et je voyais à travers la vapeur du respir
mes empreintes sinuer pour une présence
ô creux ô vides qui avez la forme de la trajectoire
des montagnes
se détachait le soleil
mes yeux se fermèrent un instant
pour s'accoutumer à l'illumination de la neige
depuis les confins reconsidérés par la métamorphose
jusques aux cimes des arbres qui m'environnaient
la transportante clarté du blanc
mes yeux brûlaient
et leurs flammes tranquilles s'appelaient des larmes
c'était cette exhortation murmurante
à réunir le corps et la lumière
en un prosternement qui ne passe plus
c'était cette exclamation de Faust
lançant à l'instant : demeure, beauté pleine !
et même le vol des corneilles était devenu blanc
sur le ciel de l'étourdissant silence
j'avais déposé souffle et sang
et connaissances
et chimères
au paroxysme de l'évidence
or
se présentèrent et m'aliénèrent
les machines des hommes
sonores et régulières
elles retrouveraient inéluctablement les chemins convenus
entre les murets de neige qu'elles dresseraient sur leurs bords
mais je ne savais plus y marcher
je n'avais plus le sens commun d'y retourner
je m'évertuais à croire en ma stupeur
relique de l'extase
les chemins furent révélés comme des disciplines
ils cinglaient toute la peau de l'étendue claire
de laquelle j'avais participé
abondante
la pluie qui s'abattit sur la vallée
changeant la neige
en ruisseaux de cendre et de caramel
et j'eus peur pour cette parcelle
réfugiée au fond de moi
si loin des cheveux d'eau
et des vêtements glacés
aussi me hâtant sous la trombe
je rentrai chez moi
la pluie s'empara d'un siècle de la nuit
mais la blancheur ravissante brillait en moi
peut-être ai-je connu quelque moment de sommeil
mais je n'avais pas besoin de rêver
poussée par l'aube suivante
je renouai avec l'un des chemins convenus
terre et caillasse et brindilles s'étaient amoncelées
d'une couleur de vieux monde pourrissant
et puis
à l'extrémité de la persévérance
m'apparut ce monticule particulier
sur la ligne séparant le chemin du champ
en son sommet étincelait comme un fragment
de cette vallée de neige que j'avais éprouvée si claire
depuis les confins jusques aux cimes
mon approche précisa une pierre blanche
comme lavée comme polie comme ouvragée par les transformations
celles qui sont violentes
et celles qui sont imperceptibles
une pierre où le soleil déposait tout entier son retour
et je sentis un tressaillement au fond de moi
vivant miroir de la permanence
juchée sur les nausées de chair et de boue
*
Apoissonnée
jouxtant le bleu anacoluthe
qui laque la transsuffocation
une pellicule de contre-lumière
cercle la brique et l'élusion
hors le cuivre que rive la nuance anéphéle
un entrelacs désarrime le cimetière des corolles
et l'oeil naïf pénétramment charbonné
à l'acmé de la coupelle joaillière voit
demi-mauve sur le radeau de la brisure
la gerbe témoigne l'outrepassement
parallèle une dernière incidente d'archipel
au squameux bondir où s'adivinisent des figures scintillées
*
Ivresse
le vin vaste et safrané
dans la coupe
que violettent les montagnes
qui l'a bu d'un trait sûr
pour que le chagrin noir comme un ciel
pétille soudain d'étoiles ?
*
La cueilleuse du dernier automne
la grise pierre brouillardée de jaune
bornait la place déserte
le tremblé des guirlandes pâlies
festonnait le vent d'octobre
si long temps d'absence humaine
avait changé la solitude
en gestation
elle parut
moire et candeur
enfant foulard d'un azimut recomposé
elle s'inclinait sur les feuilles de couleurs
ne cessant d'inventer ses bouquets
et flammaient les phalanges des anciens emparements
à l'image des faîtes caducs
*
Volière féerique
sur la joaillerie piaillante des oiseaux
qu'enclosent
les ombres finement quadrillées
du crépuscule frémissant
un félin noir
à l'affût
prodrome d'une nuit d'été
attache les gemmes soufrées de ses yeux
*
Itinérances
d'infimes chemins
de flambe
ou de corail
de coulures gemmifères
se ramifient sur les feuilles
presque mains ouvertes
qui vont dissimulant les voies consommées
un cartographe fabule
en myriade
la rose des vents
pollinise les viviers du congé
dans la parenthèse des sèves
s'engouffre l'étonnement d'Argo
nervures du ravir
étincelées de perles d'eau
larmes soeurs
de la vagabonde ininterrompue
*
Musiquémique
à travers la chambre
sourd le piano
y clairent leurs ambres
flacons
et sursis
abat-jour
et carreaux
leurs safrans échoïques
une si simple vigueur
vient deux fois
à la lame
pour couler
les veines
sur l'adagio
par-delà
les durées
liquide piano
que le rouge colore
*
Bifurcation
d'une arrivée
le heurt
s'en seront freints le mot
orangé et le mot
bleu enseigne
sur le déliement enchérit
un instant de lettres si franches
ferments du secret bicolore
suspension de l'alphabet trésableur
ciel ou matin
lendemain ou béton
se poser balance...
quand le départ à ce point
désencombre
en quel repli de la géodésie
composer le risque
du rebelle déchiffreur ?
*
La jeune leucémique au bain
à ce point dénudant
que saille l'aveu
son peignoir et sa peau ont neigé
sur le bleu fécond du carrellement
serpentueuse sa ceinture
fleurdelise l'angle enfui
hôtesse du corps transparaissant
la si claire olivine
d'une eau de paisibilité
parmi l'évanescence du myocarde
les cristaux qui fleurissaient le vermillon
contrepointent la marcescence
en la gaze incantée par les os
s'obsèquent
les énergies itératives
un infini de vapeur
va brouillant
le long lingot du luminaire
et chaque veine
se sera ennuagée
des évanouissantes foisons du savon
*
Aurorale
trains en gare
sous des horloges sans plus d'héraclès
si longs contenants
que la vitre intervallaire allume
dans le tulle d'une nuit
et notre multitude va les gorgeant
silhouettant les clairs de soufre
sur le papier matin
passé au bleuir
interrogent des arcanes d'encre
ruine
des architectures qui fabulent encore
arborescence
qui transmue les déchiffreurs en esprits
margaille des safrans
des blancs du voir perdu
à la réponse se dévoue l'ubique morose
malitornes et serpentines
dans leur unique aventure de verre
les comètes du crachin
s'échinent à glisser les scintillations
par-dessous le défilement
*
Origine
de la page et du cuir
délivrés avec tel sporadisme
graphèmes d'or et d'alizarine
bicolore pollen
au-dessus de la lacune prairiale
où s'affine mon voeu d'immémoire
vainement sinue
pour héler en fouet mince
la crueur du signet
des ombres
leur impalpable de serpentes et de lances
le papier brusqué bruissé de bourrasques
épeurent des siècles de vers
s'essore le pluriel natif de l'alphabet
une parcelle sibylline
apprend qu'il n'ira pas au-delà de la nuée muscoïde
de l'effort qui tant cueillit
saille un bouquet de transparences
aux fins d'offrir le fragrant iris de la première lyre
*
Transgressive
ces graphèmes d'orangé
de bourgade en bourgade
désensorcelant l'escapade
une confiance fraîche
en ensème la brume
le blanc
s'est emparé
l'exténuation y fusine les grands bois
les segments soudains
otagent l'ossuaire
où plus rien n'est nommé
la police du ticket a bifurqué
dans la cursive turquoise du poème
ce qu'il demeure d'un train
embarque par intermittence
les ruinistes de la destination
son défilement
musique le soliloque du sycophante
et c'est à la désespérance des dernières sentinelles
que s'offre son frôlement de pyrope
*
Transmissions
des éclats de soleil
ont rapiécé les voilages
quelques minutes de pupilles
les taillent en flammes
lorsqu'éperdues de formes tremblées
il n'y a plus qu'un tenace scrupule
pour les garder de la disparition
une ancille surgit
récurremment de table en table
avec un geste de mousseline
ses mains ignées
allument de longs cylindres
versicolores
ainsi que jadis midi
devenait un soir
l'aurore
un minuit de cyan
le chloroderme du retard
un tressaillement qui se dore
et qui s'enfraise
*
Cendre de la lecture
cet automne de l'acajou
à travers lequel les voilages
impriment lents leur défeuillaison
une matoise vigueur
ombre et lumière symbiotiquement acolytes
a passé les carreaux bibliophiles
dans les florilèges
où l'or de l'enrayure a dégermé la teinte
elle taille l'éclat des angles
âme soeur des marcescences
graduelle décision surie
si proche du sarcloir
et des ptôses
abolisseuse
ta voix
qui n'est plus...
pour soudain musiquer un sauf bouquet de vers
*
Automneresse
ce surcroît d'escapade
pour exhausser une telle ouïe
le clair d'encre
que collinent les pages de l'anthologie
retrempe les prunelles
les signets vont prolongeant de carmin flexueux
l'émoi de la lecture
la sagittaire confirme sa silhouette
dans le murmureur de voyelles diaphanes
vastes relais de la meurtrissure
sous le lapis nébulé de passages
les frondaisons changent les intermittences du souffle
en hémophiles défeuillaisons
dont diverge parfois ce pressentiment d'aile
*
Les funérailles de l'enchanteur
Aux mâtures d'un périple inverse pavillonnait tout le crêpe
et juvénile un sagittaire ayant empenné l'affliction
elle abjurerait l'atteinte dans le haut safran des arches
tour à tour le silence des pleureuses qu'il évoquât le soliflore
ou la trouée du destin corollait l'indeviné
élisait entre les viviers zoophanes la vitale énigme
Du thanatogone ces candorilles qui dégorgent les ombres
et les constellations tréfigurées rivettent leur ravine
lignes d'or et presquevies de vélin des immémoriaux tomes
afin d'amuïr en exauceuses se sollicitent pour un reposoir
des dynamismes des magicophores s'emplissent les angles inédits
et la lacrymale seconde du doute préface l'aiguail emperleur
Qui dans le salaire et le plomb pulvérulents
va mouvant les morceaux de l'hommage myriachrome
sinon le ménestrel du secret des bienveillances ?
et s'allume à son étape la geste de verre
saison-poème des foyers où transflamme la cendre
à travers les tangibilités décidues
Le lymphadieu qu'à la faveur d'une gaze ravit
le dernier capital tressailli d'anémones
ocreux chantiers dérobe avec boutiques obsidionales
quand la figure et la main qui se coalisaient
pour enluminer de charades la dodécaclarine de midi
douent de leur suave défaut le vagissant désencombreur du monde
*
Incertaine
a surgi clair un long triangle
inconnu à la limite
du noir dardé
symétriquement le partage
en manière de feston
y pendent les arcanes d'un visage
parmi les limbes du plus épointé
deux linéaments tressaillent de safran
jusqu'au tétanique soufre
leur amenuisement
évanouissante une parcelle déjà
réunit leurs quercitrins minimes
par la base tant éludable
le gîte de la moitié
échappe les ombres vaporeuses
avec le tableau
qui tergiverse à même un naissable mur
elles se coalisent
*
Les papiers sans poème
ce polychrome magma d'enfants
ainsi disparaissant
sous un décernement d'ardoise
et de tuile couchante
par degré le square
se résout en l'épure d'un silence
l'oiseau fusain
va soulignant jusqu'à la ramille
qui porte le crépuscule au coeur
cette veine qui sinue
à mon poignet candide
source
de l'épanchement d'ombre
et bien plus que soleil et planète
minuit brûle ses étoiles
dans le safran des luminaires
fixe bûcher de vitre
rideaux glacés
lourds
aux mains compromises du lendemain
et cette eau
diaprée d'épieurs de saphir
qui emplit le grand verre à moitié
étrangère à l'ancien déglutir
complice des soifs d'outre-organisme
à travers son clair de bleu
les couleurs des papiers sans poème
anamorphosique arlequin
des alphabets alanguis
et les réfléchit
l'or griffé
qui médaille le livre
brumes d'hôpital
sur les distances propres à ce pouls thaumaturge
la mue de l'évident
en l'ajournement démiurge
et pourtant écrire
lexies
tout à leurs alliances de guérisseuses
une encre d'abondance
le sang parjure
à son rouge
draps d'hôpital
si connaisseurs des esquisses lasses
et même au plus fuligineux des paupières
toujours de cette couleur neige
des endormeuses leucémies
*
Sanguisorbe
et le zénith en sceau de l'arrachement
issants
on puise aux poudres aux clameurs
le fugitif et l'inéluctable de son tropique de fauves
s'assouvir
vers quoi concourent les radiales
sourcier prodigue de longanimes pourpres
ne point clore au charme promu
infrémi témoin du sable inrougi
pour un sporange
les prémices de la vivace
porphyrisent cristallins et paupières
de la hantise des moroses liqueurs
que par degrés sa croissance transcoule
s'étonne le calice
parmi le rythme s'alanguissant d'une savane d'os
décisivement s'étrange haïr
depuis l'angle si désirément muti
où les lustres exsanguinent les geôliers
et les javellent au verso du sombre
un prélude s'est murmuré en fleurs de serment
et l'étreinte seule compose le spicilège
car l'instant joint par l'instant ovalise la décuple teinte
où reposer si rose tout ce qui fut épanché
*
Vitrail
cet ahan d'yeux
par-delà ce qui matière
jette ses cristallins fallacieux
pour la source
cette incessante épée
qui traverse la gorge
divisible torse
ondoient deux fils de sang
par degré
modère leur sombreur
le rose lunaire du dénudement
joignant le jardin polychrome
où repose la satiété d'un contemplateur
leur invisible réunion
allume un déferlage de corolle
*
Le cheval de neige
la vastité silence des traces
de son retour était ravi le lacet
et sa pensée joignait le vaisseau alenti
quand une part du blanc fut délinéée
et l'approcha pour l'unir à son galop
un verger de lys dépulpait les rivailles
les fibrilles de l'impalpable géographiaient le muscle
la candeur ardente galactisait l'enfant
aux lisières de munificence
les pages lues passées par les présences
meurtrissures de la disparition
héliodores et sucres bariolent les terres divisées
la borne verdoie où ricoche l'appel
inexorablement à la sève feuillole la symbiose
comme la gadoue va la chaussant
elle a des larmes qui enchérissent sur les soles d'eau
réfléchisseurs morceaux des nues évocatrices
*
Blanchisseuse
murmure de gravier et d'effluve aux étiques fenêtres
elle explique les lignes qui lamellaient d'argent
le méticuleux développement de robes et de draps
capture la corporelle évidence
un mimodrame d'ombres
dévoue ses pièces à l'énigme
le milliciel trigone qu'il tolère encore
effrange son abscons ravaudage
mirances de la sanguinoquête
cinabre et pourpre
garance et cochenille
égaillent le poecile de l'ardeur
si saillent la mutinerie du poumon avec l'aura qui suggère
des copeaux de souffleurs se réunissent
pour une épiphanie de pétales
l'arrosement
se jouant du geste qui ahanait à les confirmer
arque leurs dérosies dans son tralong platine
*
Métafleurs
de l'exquisité du contact
rayonnait un silence
profonde
son allégorie de térébelle
jusqu'au contre-lumière
où abuser le récri du dernier tortillard
la table avait cédé son angle le plus déverni
au cylindre de verre
et grandissait la potion
parmi les gestes et les feus volumes
indemne son ambre pétillé
parachèverait le muable
obsessif le décuplement des autres équerres
s'était réfugié dans la géométrie des fenêtres
lorsque couler étourdiment sur les étisies nues
offre son prodrome aux échéances délutées
l'onirurgie des vitres en troublé
y méconnut le postulat des corolles
pour ennuager avec du rouge avec du rose
épanouir ce risque de métamorphose
venu aux complies du myocarde
*
La destination
Toi disparue et transmuée
en ces après-merveilles océanes
le poisson que laqua ta main florale
bleusombrait mes odyssées de faïence
entre les gestes
t'appartenant encore
s'insinua un soupir
où briser contrefit éclore
et ce regain de ville
à mon pas galactique
ce regard érosif
dans les flueurs de masques
les lignes de l'horizon
sont venues cercler l'aorte
puisqu'une coquille hébète mon ombre
quand briser épanche atteindre
Loup-de-lune / LIU Bizheng
Modifié par Loup-de-lune, 19 février 2022 - 12:24 .