Quels beaux poèmes ! Le vôtre et celui de Charles Baudelaire...
J'en ajoute un troisième qui s'est imposé à moi à l'évocation de ce titre, qui m'accompagne depuis l'adolescence et que j'aime toujours autant. :-)
Les Crapauds
La nuit est limpide,
L’étang est sans ride,
Dans le ciel splendide
Luit le croissant d’or.
Orme, chêne ou tremble
Nul arbre ne tremble,
Au loin le bois semble
Un géant qui dort.
Chien ni loup ne quitte
Sa niche ou son gîte
Aucun bruit n’agite
La terre au repos.
Alors dans la vase
Ouvrant en extase
Leurs yeux de topaze
Chantent les crapauds.
Ils disent : « Nous sommes
Haïs par les hommes,
Nous troublons leur somme
De nos tristes chants.
Pour nous, point de fêtes,
Dieu seul sur nos têtes
Sait qu’il nous fit bêtes
Et non point méchants.
Notre peau terreuse
Se gonfle et se creuse,
D’une bave affreuse
Nos flancs sont lavés.
Et l’enfant qui passe
Loin de nous s’efface
Et pâle, nous chasse
À coups de pavés.
Des saisons entières,
Dans les fondrières,
Un trou sous les pierres
Est notre réduit.
Le serpent en boule
Près de nous s’y roule
Quand il pleut, en foule,
Nous sortons la nuit.
Et dans les salades
Faisant des gambades
Pesants camarades
Nous allons manger.
Manger sans grimace
Cloportes ou limaces
Ou vers qu’on ramasse
Dans le potager.
Nous aimons la mare
Qu’un reflet chamarre
Où dort à l’amarre
Un canot pourri.
Dans l’eau qu’elle souille,
Sa chaîne se rouille ;
La verte grenouille
Y cherche un abri.
Là, la source épanche
Son écume blanche ;
Un vieux saule penche
Au milieu des joncs.
Et les libellules
Aux ailes de tulle
Font crever des bulles
Au nez des goujons.
Quand la lune plaque
Comme un vernis-laque
Sur la calme flaque
Des marais blafards,
Alors, symbolique
Et mélancolique,
Notre lent cantique
Sort des nénuphars. »
Orme, chêne ou tremble
Nul arbre ne tremble,
Au loin le bois semble
Un géant qui dort.
La nuit est limpide,
L’étang est sans ride,
Sous le ciel splendide
Luit le croissant d’or.
Marc Legrand
(mis en musique par Victor Meusy)