Il a plu longtemps : je me suis dit que voilà quelque chose d’honnête. Je ne pense pas pouvoir arrêter la pluie, j’apprécie la compagnie des cours d’eau et leur musique psychédélique. Je n’ai jamais pensé pouvoir arrêter les fleuves mais j’ai souvent souhaité arrêter le cours de ma pensée. On peut regarder toute sa vie le cours de sa pensée comme un enfant regarde un adulte. Je dis cela alors qu’il y a bien longtemps que je ne sais plus ni ce qu’est un enfant, ni ce qu’est un adulte. Je me suis arrêté lorsque la pluie, et il a plu longtemps, s’est arrêté. Je suis toujours près de ce cours d’eau, de ces nombreux cours d’eau dont j’apprécie la compagnie. Ce sont des toiles en mouvement, une musique psychédélique, je ne pense pas en tirer d’enseignement sur ce qui est lumineux ou sur ce qui est obscur : je n’ai jamais pensé pouvoir arrêter les fleuves. J’ai pu pointer le doigt vers le fleuve et lui dire : toi tu es un fleuve et moi j’ai été un enfant puis un adulte. Je n’ai jamais pu dire au cours de ma pensée : toi tu es le cours de ma pensée. Je n’ai jamais pu dire cela parce que j'aurais dû m'arrêter et je n’ai jamais réussi à arrêter le cours de ma pensée bien que j’ai souvent souhaité arrêter le cours de ma pensée. Et quand je dis souvent c’est autant de fois qu’il a plu et qu’il s’est arrêté de pleuvoir. C’est-à-dire longtemps. Dans le temps de cette pluie je me suis dis : voilà quelque chose d’honnête. Voilà une pluie qui m’a tout l’air d’être honnête. C’est une pluie dont je veux serrer la main, lui serrer chaleureusement la main et puis la remercier de son honnêteté. C’est ce que je dois à cette pluie. Je ne veux pas penser tirer d’enseignement sur ce qui est lumineux et sur ce qui est obscur, je ne veux pas en être capable, ce serait trahir la grâce de la pluie dans toute sa durée, ce serait trahir ce qu’elle a de chaleureux, ce serait comme retirer ma main de la poignée chaleureuse que je veux porter à la pluie. Ce serait comme fuir la compagnie du cours d’eau et de ces nombreux cours d’eau dont j’apprécie la compagnie. Et combien ces cours d’eau me sont précieux. Combien ces toiles en mouvement, cette musique psychédélique, me sont plus précieuses que le cours de ma pensée. Et je voudrais que et l’enfant et l’adulte lui serrent la main sans qu’ils se disent : voilà quelqu’un qui s’en va en serrant chaleureusement la main sans le penser. Je ne voudrais pas qu’ils se disent : voilà quelqu’un qui a pointé le fleuve du doigt pour lui dire qu’il est fleuve et qui n’a pas remercié la pluie, dans toute sa durée, de son honnêteté, et voilà qu’il s’en va suivant le cours de sa pensée et que même parfois il souhaite arrêter le cours de sa pensée. Non, ce ne serait pas juste, ce ne serait pas ce que je veux. Je veux rester aussi près de l’enfant et de l’adulte et des cours d’eau que l’est la pluie. Même si cela fait bien longtemps que je ne sais plus ce qu’est un enfant ou un adulte, je sais encore ce qu’est un cours d’eau et j’ai vu longtemps la pluie pleuvoir honnêtement. J’ai vu longtemps la pluie pleuvoir et il a plu longtemps.

Il a plu longtemps
Débuté par Alfred, juil. 01 2021 08:20
7 réponses à ce sujet
#1
Posté 01 juillet 2021 - 08:20
- le hamster, M. de Saint-Michel, Thomas McElwain et 3 autres aiment ceci
#2
Posté 01 juillet 2021 - 08:50
Bel hommage.
Qu'est ce que vous avez tous avec la pluie, c'est le thème du mois ? Heureusement qu'il ne tombe pas de la m... Euh... Attends...
#5
Posté 01 juillet 2021 - 09:01
Et comme on fait son lit on se couche ?
Je te donne ce proverbe : "tant va la cruche à l'eau, t'es une fille t'as pas de shampoing".