« Koperek » est un mot polonais, qui désigne une herbe aromatique, l’aneth. Ma mère avait demandé à mon père d’en planter dans le jardin, et, dès cet instant, il y en eut toujours. L’aneth entrait, de façon décisive, dans sa préparation des cornichons aigres-doux, en leur apportant une saveur, une fraîcheur particulières.
Ma mère avait été prisonnière polonaise, et mon père prisonnier français en Allemagne, de 1939 à 1945 : à ce titre, ils avaient connu les privations alimentaires, au cours de leurs années de captivité. Je suis, en quelque sorte, né de cette guerre dont le souvenir était resté si présent que le moment des repas était devenu un rituel destiné à atteindre une complétude : tout était sans modération, qu’il s’agisse du couscous, de la choucroute, du pot-au-feu, tout devenait un moment de fête. Les casseroles n’étaient jamais assez grandes !
Mon père, pourtant, sur le conseil du médecin, avait fait des régimes, mais, après maints amaigrissements, maintes rechutes, avait abandonné le combat, au grand soulagement de ma mère, que ses efforts successifs pour manger de façon modérée avaient plongée dans l’angoisse. Un jour, mon père se servit généreusement et nous annonça que c’en était fini des « régimes ».
A présent qu’il ne sont « plus là », ce dont j’ai la nostalgie, c’est de la saveur du « koperek » , récemment planté dans mon jardin. J’y ajouterai des cornichons aigres-doux, aussi aigres et aussi doux que l’est, selon les jours, la vie.
1/6/22
"Les roses de Provins" (9/6/2022)