En rêve
En rêve, vois-tu, je t’ai visité.
Tu primais un train et la gare était enfumée.
Je te voyais de dos, marchant dans la foule,
Ton sac sur l’épaule, le béret bien placé.
Tu marchais droit, d’un pas ferme et vif,
Longeant la micheline qui allait t’emmener,
La vapeur des trains me brouillait la vue,
Mais parmi tous les chalands je te reconnaissais.
C’était petit matin, il faisait frais.
Il pleuvait encore : nous étions fin Octobre,
Les dalles des quais brillaient d’humidité.
Où allais-tu, mon amour ?
En rêve, j’étais dans du coton, je ne ressentais rien.
J’étais paralysée, et ne pouvait parler.
Et ne pouvais crier, et ne pouvais hurler :
« Hello ! Te souviens-tu ? Nous étions amants…
Nous nous aimions tant ! ».
L’Espagne était en guerre ; des jeunes comme toi,
Il en partait beaucoup se battre pour la liberté…
Etais-tu de ceux-là ? Je ne sais plus, je ne sais pas…
Il reste la souffrance et un cœur arraché.
Les larmes me brouillaient la vue,
Mais parmi tous les chalands je t’avais reconnu.