mes nuits sont pleines de rêves, mais au réveil,
Pschitt! les voilà tous évanouis
comme bulles de champagne, pluie d'été,
elfes légères qui dansaient dans la clairière,
soudain enfuies,
lendemain blafard d'un sabbat de sorcières
autour du Dieu cornu,
de bacchanales effrénées ou de Woodstock's fous,
fêtes de la nature et de tous les sens,
le corps tremblant dans la nuit et renvoyé à la vie réelle
aux premières lueurs de l'aube.
il n'y a plus alors dans ma mémoire
que quelques trainées de pinceau illisibles,
des empreintes de pas à demi-effacées sur la neige
ou le sable,
mon cœur chaviré, à nu, privé d'un coup de ses illusions,
comme la femme de Barbe Bleue qui a enfreint l'interdit
et puis perdu-caché- la clé tâchée de sang
du macabre petit cabinet noir,
ou comme l'enfant quand le cirque reprend la route
et s'en est allé au loin
ou que le mot F I N s'inscrit sur l'écran,
que la salle se rallume et qu'on retrouve son décor quotidien,
la rue et ses lumières blêmes.
me voici dans le matin voleur de rêves,
en ce moment unique où sur le voilier on cargue la grand-voile
après avoir rejoint le port
et que le marin s'apprête à regagner la terre d'un pas lent,
tanguant comme un rafiot ivre.
je suis comme le comédien encore à demi-maquillé
et qui se détache, à regret, de son rôle,
le charbonnier hagard, encore noir de suie,
et qui sort du bois pour retrouver les hommes,
le poète* ou Alice après la traversée du miroir
et qui abandonne son monde immatériel.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
le soleil inonde ma chambre, les branches du frêne vibrent
comme des haubans dans le vent,
une éolienne sur un toit tournoie éperdument et, pour un instant,
une image de la nuit vient hanter ma mémoire :
d'innombrables hirondelles, en vol compact, croisent dans le ciel, étonnées
de se retrouver là, si nombreuses, aux approches de l'hiver :
est-ce moi ou elles qui rêvent . . . ?
* Le Cocteau d'Orphée
( Nov. 2013 )