mon corps
prêt à craquer dans le vent
mes bras, haubans tendus jusqu'à se rompre
vers les rares tamaris
ou les herbes rugueuses
seul le regard et, face à moi,
là-bas, sur le sommet de la vague, une voile :
mon frère tissant sa liberté
léger, insaisissable
entre mer et montagne
dans ce vent même qui me cloue au sol
me soûle, m'annihile, me broie
et ce rêve, en moi, une dernière fois,
de rompre les amarres
de labourer la mer comme lui
de franchir ces montagnes
de me perdre au-delà de l'horizon
pour quels là-bas et quels hasards,
quels mirages, quels faux-dieux?
. . . .
et si cette grande aile blanche sur l'eau
était plutôt, pour nous les guetteurs fous
sur la dune, l'invitation à un autre voyage,
poétique, dans l'imaginaire et ses mondes
secrets, sur le navire de nos mémoires?
alors, joyeux, nous reprendrons notre quête
du même à l'autre et "de l'autre au même",
notre "cheminement du non-être à l'être" *
avec l'ardeur inquiète du premier cri,
des premiers pas, du premier mot, du premier rire
*Platon définit la poésie comme un cheminement du non-être à l’être,
comme un acte de création du même à partir de l'autre
( dans "Le Sophiste" )